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Les de K/Veguen, une saga tropicale à la Réunion

Le Coat de Kerveguen ou de K/Veguen, quel que soit la manière dont on écrit son nom de famille, s’épelle toujours au son des binious de la Bretagne ou du maloya de l’île de la Réunion. Entre Océan Atlantique et Indien, le comte Robert de Kerveguen a posé ses valises à Vigny. Le 15 mars 2020, cet illustre parent du comte Gabriel Le Coat de Kerveguen, a été élu maire de de cette ville du Val d’Oise avec 100% des voix. Retour sur l’histoire d’une famille, surnommé les « Rockefeller » de l’aristocratie française, qui ont écrit la plus belle des histoires réunionaises.

C’est en pleine révolution française, en 1796, que Denis-Marie-Fidèle Le Coat de Kerveguen (1776-1827) débarque à Bourbon. Située dans l'Océan indien, l’île est en proie à l’insurrection. Les royalistes ont repris le pouvoir et chassent dans les montagnes tout ce qui ressemble de près ou de loin à des Sans-culottes. Pour ce natif de Bretagne, dont les origines de sa famille remontent au XVIème siècle, cette île des Mascareignes présente tous les avantages qu’un nobliau désargenté peut espérer. Trois ans après son arrivée, il épouse à Saint-Pierre, Angèle-Césarine Rivière (1777-1815), une créole. Le mariage n’est pas sans provoquer quelques crispations dans la capitale du sud de l’île de la Réunion mais il apporte en dot au marié, les propriétés de Manapany et Saint-Joseph. Bien que ce ne soit pas la première fois qu’un colon succombe aux charmes vanillés d’une créole, en Outre-mer, ce genre de mariage interracial reste encore une exception dans un pays où le décret d’abolition de l’esclavage est largement ignoré.

Une famille de l'aristocratie sucrière de l'île Bourbon

Château CaserneCommerce de détails ou de l’épice export-import, Denis-Marie-Fidèle Le Coat de Kerveguen devient progressivement une figure incontournable de l’île. Il se lance dans l’industrie du sucre. Le début de la fortune familiale alors que les évènements politiques s’enchaînent. Complot d’esclaves déjoué à Sainte-Rose, l’assemblée coloniale régit l’île en parfaite autonomie de la France et on évoque même l’idée d’indépendance. L’arrivée de Bonaparte au pouvoir, favorable aux planteurs, finit par calmer l’île rebaptisée du nom du Premier consul (puis empereur), en 1806. De son premier mariage, Denis-Marie-Fidèle Le Coat de Kerveguen a eu 4 enfants. Du second, avec Geneviève Hortense Lenormand, dont la dot permet également d’agrandir le domaine agricole, IL lui en donnera trois autres de plus. Les Le Coat de Kerveguen sont désormais à la tête de plusieurs centaines de têtes d’esclaves dont ils vont aussi faire un commerce juteux. Son fils Gabriel Le Coat de Kerveguen (1800-1860,) va marquer de son empreinte l’histoire de la Réunion. Encore aujourd’hui, on se souvient de celui qui s’est pris le luxe d’imposer sa propre monnaie à Bourbon, un territoire qui devient provisoirement britannique entre 1810 et 1815. Loin des guerres européennes, l’île devient l’objet de tous les combats entre Londres et Paris. Mais pour Le Coat de Kerveguen, c’est une période faste. Les anglais raffolent du sucre et cette matière devient une denrée précieuse et rare en Europe. Les planteurs de la Réunion vont bientôt faire irruption sur la scène politique, soutien de la monarchie. Lorsque Gabriel Le Coat de Kerveguen reprend la gestion familiale, c’est un homme riche dont la maison de maître est connue à Saint-Denis.  qui possède 13 usines de sucre et 3 distilleries de rhum, . Son mariage avec Anne Marie Chaulmet (1816-1836), lui permet même de se diversifier avec le début de la culture de café. Ils sont désormais à la tête d’un empire financier, détenant 12% des terres arables de l’île.

De la monarchie à la Républqiue en passant par l'Empire, une dynastie qui règne sur la Réunion

La nouvelle de la chute de Charles X de 1830 arrive tardivement à la Réunion (le nom ne sera repris qu’en 1848) . L'île refuse catégoriquement de hisser le drapeau tricolore. Fidèle à Louis XVI, les Le Coat de Kerveguen sont aussi fidèles à ses successeurs sur le trône de France. Les colons résisteront au nouvel ordre jusqu’en mars 1831 et la Légitimité aura même son mouvement, les Chevaliers du Bon-ordre. Gabriel a eu deux enfants : Denis-André (1833-1908) et Emma (1835-1916), qui deviendra un jour la Marquise de Trévise en épousant le grand Chambellan de Napoléon III. Il entre en politique avec son frère Augustin. Ils sont élus tous deux députés de Saint Joseph et de Saint-Pierre. Leur famille rivalise avec les deux autres grandes familles de l’île, les Panon- Desbassayns dont un membre, Joseph de Villèle, fut l’un des derniers présidents du conseil de Charles X, et celle de Rontaunay. Denis-François Le Coat de Kerveguen, demi-frère de Gabriel, sera quant lui, maire de Saint-Denis. La Réunion à « sa famille royale locale ». Et lorsqu’une crise monétaire survint sur l’île, c’est encore les Le Coat de Kerveguen qui sauvent l’île. Gabriel introduit à la Réunion des kreuzers autrichiens démonétisés qui prennent le nom de sa famille (1859). Le succès est au rendez-vous et accroît la puissance de la famille jusqu’à sa chute en 1879. Les Le Coat de Kerveguen vont encore briller sous le Second Empire. Emma devient même la dame d’honneur de l’impératrice Eugénie de Montijo, la famille fait de l’ombre aux banquiers Rothschild et gèrent ses affaires depuis Paris. Un des neveux de Denis-André, François Mahy dit « le Grand créole », sera député de La Réunion (1870-1906), ministre entre 1883 et 1888. Un autre, Denis-Godefroy Le Cocq (1844-1926), sera maire de Saint-Denis de 1900 à 1904. Irrité par l’ambition dévorante de Kerveguen, la IIIème république prend prétexte d’une faille pour faire interdire leur monnaie. Denis-André devra rembourser des sommes faramineuses à l’état puis le comte Robert (1875-1934), le fils de ce dernier, sera contraint de vendre les propriétés de la famille. Y compris le « château Caserne », symbole de cette dynastie aristocratique qui sera plus tard détruit, précipitant la chute de la famille.

Une histoire qui continue de s'écrire en métropole

L’histoire de la famille va s’écrire loin de Bourbon, vers Rouen où ils ont acheté un château médiéval. Le fils de Robert, Yves (1925-2007) va redorer le blason des Le Coat de Kerveguen durant la seconde guerre mondiale. Engagé à 19 ans dans la « seconde DB », il participe en 1944 à la libération des Ardennes et de l’Alsace. Suivant la tradition de sa famille, il sera successivement maire de Vigny (1953-2007), député de Seine et Oise (1958-1962) et conseiller général (1958-2001). Un record. Les de Kerveguen font un retour remarqué et médiatisé à la Réunion en 2003. Il ne reste plus rien de leur splendeur d’antan, si ce n’est quelques noms de rues ou de coteaux, une maison au Tampon, qui rappellent aux Réunionnais ce fut cette famille aristocrate. Deuxième du nom, Robert de Kerveguen, fils de’Yves, est maire de Vigny depuis 2014. Il avait pourtant hésité. « Qu'on le veuille ou non, on est quand même marqué par sa famille » avait-il expliqué au journal Le Parisien , apportant son soutien aux dernières législatives, à la liste LREM. Il est le dernier représentant masculin de la cinquième génération dont les autres branches se sont éteintes.

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Date de dernière mise à jour : 11/06/2023

Commentaires

  • Sophie Renault-Carlier

    1 Sophie Renault-Carlier Le 08/02/2021

    Bonjour Monsieur, et merci pour l'article sur la famille Le Coat de Kerveguen. Comment puis-je en avoir copie (sans intention de reproduction) sans vous faire offense ?
    Par curiosité historique et intérêt particulier, je collecte à titre purement personnel des informations sur G. de Kerveguen, dont je ne connais pas encore le prénom, qui a produit des sculptures au 19è siècle, et je suis arrivée, au hasard de mes recherches, sur votre site.
    Je suis entrain de découvrir les aventures de cette famille, dont je ne suis pas certaine qu'elle soit bien celle de l'auteur des sculptures en question. Mais le nom est peu courant, aussi puis-je imaginer que G. de Kerveguen était issu(e ?) d'une des branches de la famille (Le Coat) de Kerveguen.
    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vous saurais gré de me permettre de recopier votre notice, pour qu'elle vienne alimenter mon tout petit dossier ouvert récemment dans mes documents.
    Avec mes remerciements anticipés pour votre réponse,
    Sophie RENAULT-CARLIER

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