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Louis-Ferdinand d'Orléans, un dandy royal nommé scandale

Prince d'Orléans-Bourbon, Louis-Ferdinand a marqué son époque par sa vie dissolue. Trop en avance sur son temps, le descendant du roi Louis-Philippe Ier a cependant gagné une couronne: celle de souverain des précieux de l'aristocratie.

C’est un scandale dont le roi Alphonse XIII se serait bien passé. En ce mois d’octobre 1924, le souverain espagnol est attablé dans son bureau du Palais de la Zarzuela lorsqu’il reçoit des nouvelles qui vont le plonger dans une profonde irritation. Son ambassade à Paris vient de lui apprendre qu’un des princes de la Maison Bourbon, laquelle règne sur le pays de Cervantès depuis le XVIIIe siècle, est impliqué dans une affaire de mœurs et qu’il s’apprête à être extradé de la capitale française.

Louis Ferdinand d'Orléans @wikicommons

Prince d'Orléans et infant d'Espagne, expulsé de la Maison royale 

Le corps d’un marin a été retrouvé sans vie. Une enquête rapide a démontré que celui-ci avait participé à une orgie homosexuelle avec un aristocrate portugais du nom d'Antoine de Vasconcellos et son amant, le prince Louis-Ferdinand d’Orléans, cousin du roi. Les détails de cette affaire restent troubles. Le marin, invité à rejoindre le duo, a-t-il reconnu avec l’Infant d’Espagne ? A-t-il succombé à une overdose de cocaïne entre deux verres de champagne, coulant à flots dans le salon privé réservé à cet effet ? Selon certains éléments de l’investigation, il aurait même pu être assassiné par étranglement pour l’empêcher d’exercer un chantage sur le prince royal. Afin d’étouffer l’affaire, le corps du jeune mousse aurait même été traîné entre l’ambassade d’Espagne et celle du Portugal, afin de trouver une exterritorialité diplomatique pour l'y déposer. À la lecture des éléments qui lui sont divulgués, le roi Alphonse XIII reste silencieux, contient son irritation.

La sanction va être à la hauteur de la colère royale. Le prince Louis-Ferdinand d’Orléans est déchu de son statut « en raison de sa conduite continue ». L’enfant terrible de la famille royale est contraint de se réfugier à Lisbonne, mais s’empresse de répondre au souverain par le bais d’une lettre acerbe qui ne laisse pas de place aux doutes quant aux relations entre l’ex-infant et le monarque « Vous m'enlevez la seule chose que vous ne pouvez pas commander, car nos titres sont inhérents à nos personnes. Je suis né et je mourrai infant d'Espagne, tout comme vous êtes né et vous mourrez roi d'Espagne, longtemps après que vos sujets vous auront donné le coup de pied au cul que vous méritez », lui écrit l’arrière-petit-fils de Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français.

 

Antoine et Eulalie d'Orléans @wikicommons

Un père volage et dépensier, une mère castratrice et féministe

Les Orléans ont intégré la maison royale d’Espagne grâce au mariage d’Antoine d’Orléans (1824-1890) avec l’infante Louis-Fernande de Bourbon (1832-1897) en 1846. Naturalisé espagnol, le duc de Montpensier est un prince ambitieux qui convoite le trône de sa belle-sœur, la reine Isabelle II. Une souveraine qui peine à régner sur son pays, proie de ses amants, chefs du gouvernement, marié à un prince, François d’Assise, que la rumeur publique passe pour être homosexuel. Tout a été calculé par le roi Louis-Philippe Ier qui pense que le temps va jouer en faveur de sa famille. Il avait pourtant espéré marier son fils cadet à la reine elle-même, mais le Royaume-Uni y avait mis un véto ferme au projet. Entre deux exils contraints par les vicissitudes de la vie politique locale, le duc de Montpensier va courir toute sa vie après un trône qui ne veut pas de lui avant de finir par se réconcilier avec la branche alfonsine à l’aube de ses dernières années. 

C’est dans cette atmosphère que le prince Louis-Ferdinand d’Orléans voit le jour, le 8 novembre 1888, à Madrid. La personnalité de son père Antoine (1866-1930), titré duc de Galliera, contraste drastiquement avec celle de sa mère, l’infante Eulalie (1864-1958). Le premier est autant volage que dépensier, que la seconde est cultivée et féministe. Le couple ne tiendra pas bien longtemps. Ils divorcent en 1901 après quinze ans de vie commune et deux autres enfants plus tard. Une séparation qui va d’ailleurs être largement commentée dans les milieux conservateurs. Louis Ferdinand grandit dans l’ombre de sa mère au fort caractère castrateur. En 1892, l’infante n’avait pas hésité à sermonner le gouvernement, l’avertissant que le pays ne ferait pas le poids face aux Etats-Unis qui lorgnait leur colonie de Cuba et qu’il serait inspiré de le vendre à Washington. Mais dans un pays dominé par un patriarcat orgueilleux, les paroles d’une princesse n’auront que peu de poids. La guerre hispano-américaine de 1898 sera un désastre pour la monarchie. En 1912, elle fait publier un livre sous le pseudonyme de « comtesse d’Avila » , lequel est très révolutionnaire puisqu’il aborde des sujets tels que le socialisme, le féminisme, la religion, l’éducation, le mariage … Agacé, le roi Alphonse XIII le fera interdire.

 

Louis Ferdinand, roi des dandys de Paris @wikicommons

Une vie dissolue entre Madrid et Paris

Élevé par les jésuites, Louis-Ferdinand regarde sa mère avec admiration. C’est un garçon excentrique qui vit de rêves, affirme que la vie de palais n’est pas pour lui, qu’il sera acteur. Au grand dam de l’Infante Eulalie qui découvre que son fils a un style de vie débauché dès le début de son adolescence. Le prince veut vivre, loin des fastes de cette cour trop rigide à ses yeux. Alphonse XIII, pourtant si proche de son cousin, commence à s’inquiéter de la voie prise par cet Orléans indiscipliné. « Mon fils est devenu fou. Que dois-je faire, à ton avis ? » Dans une lettre au tron désespéré, Eulalie de Bourbon se lamente auprès de sa confidente, la comtesse Paola de Ostheim, exprime son profond dégoût des choix sexuels de son fils qui n’hésite pas à fréquenter les maisons closes pour goûter au beau sexe quand l’envie lui prend. Plus d’une fois, il est surpris en pleine action lors de descentes de police et il faut l’intervention du roi pour le sortir de prison. 

Cette vie dissolue, il l'exporte à Paris et fréquente les salons de l’Hôtel Marigny, lieu discret pour tout ce que la capitale française compte de gays dans l’aristocratie. « Gracile, le visage fin maquillé à souhait, fume-cigarette qu’il porte à ses lèvres fardées d’une main délicate et aérienne, marche avec un déhanché bien peu viril et porte, au sortir du lit, un kimono en guise de robe de chambre », son penchant pour la nudité lui fait gagner même un surnom peu gracieux : « roi des pédés ». Louis-Ferdinand vit avec intensité et passion ses amours de jeunesse, croise même le comte Robert de Montesquiou-Fezensac, autre dandy de son époque. Dans cet établissement aux résonances littéraires antiques, transformé par Albert Le Cuziat en bordel de plaisirs homosexuels en tout genre, Marcel Proust y sera surpris en compagnie de mineurs, entre deux œuvres. L’histoire affirme que l'écrivain trouvera dans le prince royal les traite de son célèbre personnage Palamède de Guermantes, baron de Charlus, pris dans le tourment de ses folies érotiques. Malgré sa disgrâce, Louis-Ferdinand n’entend pas arrêter ses plaisirs, sa consommation de cocaïne. En 1926, il est de nouveau arrêté par la police, déguisé en femme andalouse (costume qu'il appréciait), en possession de marchandise de contrebande. Un scandale n’arrive jamais sans un autre.

 

Marie de Broglie et louis Ferdinand d'Orléans

La peau de chagrin d''un prince trop en avance sur son temps

Après des fiançailles annulées avec une actrice du nom Mabelle Gilman Corey, ex-épouse du magnat de l’étain William E. Corey, il convole en justes noces avec la princesse Marie de Broglie en 1930. Le scandale est retentissant. Veuve, propriétaire du château de Chaumont-sur-Loire, elle est âgée de 72 ans quand le promis n’a que 42 ans. Dès l’annonce des fiançailles, s’en suit un violent procès opposant le prince au duc de Brissac qui tente de préserver l’héritage qui lui revient et qui sera médiatisé. Le tribunal juge cependant que rien ne s’oppose à ce mariage. Le couple va mener grand train, organiser des fêtes somptueuses, la princesse laissant volontiers son époux à ses amours masculins. Tant est bien qu’elle sera au bord de la banqueroute. Pis, en 1935, le prince Louis-Ferdinand est expulsé de France une nouvelle fois après un contrôle de police qui révèle encore ses goûts prononcés pour les jeunes hommes.

Le début de la fin pour un couple qui est rongé par la maladie. La monarchie espagnole est tombée en 1931. La princesse Marie de Broglie décède en 1943, ruinée. Le prince Louis-Ferdinand a été interné dans une maison de repos, afin que l’on ne voit plus ses nombreuses frasques s’étaler dans les colonnes des journaux. Ultime provocation d'un homme rattrapé par le temps qui passe, il décide de porter l’étoile jaune afin de faire preuve de résistance aux nazis qui occupent la France. Finalement, rattrapé par le cancer, Louis-Ferdinand d’Orléans va suivre son épouse dans la tombe deux ans plus tard.

Il a été inhumé à l’église du Cœur Immaculé de Marie. Ironie de l’histoire, elle est située rue de la Pompe à Paris. Cela ne s’invente pas. L’alcool, la drogue et le sexe auront eu raison de ce prince d’Orléans, trop en avance sur son temps.  

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 17/05/2025

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