Monarchies et Dynasties du monde Le site de référence d’actualité sur les familles royales

Boris III, mort empoisonné ou de causes naturelles ?

Le roi Boris III dans son cercueilC’est un décès entouré de nuages mystérieux. A peine revenu d’un entretien houleux avec le chancelier Hitler, le roi Boris III de Bulgarie rend brutalement l’âme le 28 août 1943, laissant derrière lui un enfant de 6 ans sur un trône qui ne va pas tarder à vaciller. 78 ans plus tard, les circonstances de sa mort n’ont toujours pas été élucidées. Diverses thèses ont été élaborées autour de cette disparition sans que l’une d’entre elles ne fasse véritablement consensus. Y compris au sein des membres de la famille royale, parmi lequel le roi Siméon II qui affirme que son père s’est éteint de causes naturelles. Monarchies et Dynasties du monde fait le point sur cette énigme. 

Portrait officiel du roi Boris III en 1943Lorsque le Tsar Boris III meurt subitement à l’âge de 49 ans, le 28 août 1943, qu’ils soient partisans ou opposants du monarque, tous lui rendent un hommage unanime. Monté sur le trône 25 ans auparavant après l’abdication de son père Ferdinand Ier, coupable de s’être allié au Kaiser Guillaume II durant le premier conflit mondial, Boris III va rapidement se révéler un souverain habile et sauver une monarchie menacée par les républicains en instaurant une dictature personnelle. Il tente en vain de nouer des alliances avec l’Europe de l’Ouest mais son pays n’offre rien qui intéresse Paris ou Londres. Le roi n’aura pas d’autres choix que de répondre favorablement aux propositions d’Adolf Hitler, chancelier d’Allemagne, qui tisse doucement sa toile. Mais lors du déclenchement de la Seconde guerre mondiale, Sofia décide d'adopter une position neutre. Boris III refuse d’engager ses troupes sur le front en dépit des demandes de Berlin. Face aux nazis qui se positionnent aux frontières du royaume, le considèrent comme un garde-manger, Boris III est contraint d’adhérer aux Pacte tripartite. De « rusé » il devient le « réunificateur » quand il obtient de l'Axe, la Thrace et la Macédoine. Le roi est populaire mais refuse toujours de se soumettre aux directives du Führer qui s’en agace.

En janvier 1941, la « Loi sur la Sauvegarde de la nation » est votée au parlement. Cette décision créé un certain malaise en Bulgarie où la population n’est pas antisémite. Boris III lui-même répugne à envoyer sa communauté juive vers des camps où la mort les attend. La réponse du gouvernement nazi ne se fait pas attendre et dépêche sur place des officiers SS qui s’empressent d’organiser les premières déportations un an plus tard. Malgré tout, Boris III résiste et ne plie pas. A un Adolf Hitler qui lui ordonne d’obtempérer, le monarque lui renvoie un câble lui expliquant qu’il a « le plus grand besoin de « ses » juifs pour l’entretien des rues ».  C’en est trop pour le dirigeant nazi qui convoque Boris III à Berlin. L’entretien entre les deux chefs d’état est violent. Hitler lui reproche de ne pas respecter les accords signés encore moins de lui fournir les troupes nécessaires pour stopper l’avancée des soviétiques. C’est un homme abattu qui rejoint alors sa capitale, le 14 août. Neufs jours, il est pris de violents vomissements et succombe après une longue agonie . C’est ici que débute le mystère qui entoure les circonconstances sur sa mort.

Boris III, Siméon II et la princesse Marie-LouisePour le roi Siméon II, il ne fait aucun doute que son père est décédé de causes naturelles, à savoir « d’un blocage de l'artère cardiaque gauche (thrombose), d’une pneumonie bilatérale, d’un gonflement des poumons et du cerveau ». Mais pour divers historiens, l’ombre d’un doute subsiste. Lorsqu’il apprend la mort de Boris III, le Premier ministre Winston Churchill déclare que « ce qui est arrivé au roi Boris arrivera également à d'autres qui se rangent du côté de l'Allemagne ! » laissant toutes les suspicions naître. D’autant que le roi ne présentait pas de problèmes médicaux. Les premiers soupçons se porteront naturellement sur le régime nazi qui avait tout intérêt que le roi disparaisse afin de mettre en place un gouvernement de collaboration.  Pour certains médecins bulgares, le roi a été empoisonné à la ricine. Dans son journal personnel, l'ambassadeur d'Allemagne en Bulgarie, l’Obergruppenfuhrer (Lieutenant général) Adolf Beckerle, note que lors d'une conversation avec trois médecins allemands, afin de savoir si la mort de Boris III pouvait être due à un empoisonnement, ceux-ci lui répondent qu'il s’agit « d'une mort typique des Balkans ». Dont acte ! Ministre de la Propagande d'Hitler, le Dr Josef Goebbels rapporte lui-même une conversation avec le Führer sur ce sujet et écrit également dans son journal que le monarque a bel et bien été empoisonné... par le régime italien. « Le Führer a l'intention de transmettre au prince Kyril (nommé régent-ndlr) les conclusions des médecins allemands sur l'empoisonnement du roi Boris, qu'il croit vraisemblablement organisées par la Cour italienne, car cela reste très suspect » peut-on lire dans son carnet, affirmant « que la princesse Mafalda, la pire fille de toute la maison royale italienne, était en visite à Sofia quatre semaines avant la mort du roi Boris »

Extrait du rapport de 9 pages  sur la mort du roiUne thèse que démonte l’historien Stéphane Grouef dans son livre « Couronne d'épines ».  « La princesse Mafalda, qui était mariée au prince Philippe de Hesse, n'est arrivée en Bulgarie qu'après la mort du roi Boris pour assister aux funérailles, comme tous les articles de journaux et photographies peuvent en témoigner. L'allégation d'Hitler selon laquelle elle serait venue en Bulgarie avant la maladie du roi est complètement fausse… » affirme-t-il. Une princesse qui sera d’ailleurs internée au camp de Buchenwald où elle y meurt le 28 août 1944. La reine Jeanne de Bulgarie, née princesse de Savoie, n’est d’ailleurs pas plus convaincue du décès naturel de son époux. « Ma conviction profonde est la suivante : Boris, mon mari, n'est pas mort de mort naturelle. Sa fin a été d'une manière ou d'une autre provoquée criminellement. » dira-t-elle lors d’une interview, réalisée quelques années plus tard. Dans ses mémoires parues en 1964, elle accuse alors les soviétiques d’avoir organisé un complot afin d’empêcher le pays de basculer du côté des alliés : « Les transcriptions de la conversation entre Hitler et mon mari n'existent plus ou sont tombées entre les mains des Russes. Quand Hitler a envoyé son invitation à Boris, la Bulgarie cherchait déjà à prendre contacts avec les alliés. Les britanniques n'ont pas voulu entendre. Ils ont dit que la Bulgarie les avait toujours trompés. Les américains ont été sensibles à la demande, mais n'ont rien fait » affirme la fille du roi Victor-Emmanuel III. Dans les archives d’état demeure un document de neuf pages consacré à la mort du roi. « Sa majesté était absolument en bonne santé jusqu'au jour de la première crise - le 23 août de cette année, c'est-à-dire le blocage soudain de ses voies atériennes qui n’a pas été causé par une usure ou par le biais d'autres organes cardiaques, mais bel et bien provoqué par voie artificielle, à savoir le poison » conclu ce rapport commandé par Bodgan Filov, un des membres du conseil de régence. Toutefois, il prend garde de ne pas  désigner un coupable.

Adolf Hitler et Boris IIIProfesseur d'histoire en Allemagne, Stefan Apelius, qui a enquêté dans les archives du Troisième Reich, a publié en 2008 un article affirmant que deux médecins allemands envoyés personnellement par Hitler pour pratiquer une autopsie du roi avaient trouvé du poison dans son corps, « probablement d'origine asiatique, qui a progressivement stoppé son activité cardiaque ». Apelius a même suggéré que « le roi des Bulgares a été empoisonné soit par les Britanniques, soit par les russes ». S’il dédouane les anglais, Siméon II émet aussi une hypothèse que son père aurait pu, sans certitudes, avoir été assassiné par Moscou se basant sur le refus de la Russie de lui remettre les rapports sur la mort de Boris III. Une thèse étayée par l’ancien chancelier Franz von Papen au procès de Nuremberg en 1945 et qui évoque les manipulations de Staline afin que la Bulgarie décrète la guerre à l’Allemagne, pouvant ainsi justifier à l’invasion de ses troupes pour protéger un « pays-frère ». Une occupation suivie par l'exil de la famille royale un an plus tard. 

Aujourd’hui deux thèses demeurent, celle qui implique les nazis et celle qui implique les russes. L’italienne étant désormais purement anecdotique. Pour les Bulgares, pas de doutes possibles, leur souverain a été assassiné. « Tant à l'époque qu'à ce jour, les nazis et les communistes restent suspectés  mais nous pensons que  la mort  du roi a été naturelle, causée par l'épuisement et l'anxiété de cette période fatidique pour le pays » peut-on lire sur le site officiel du roi Siméon II. Une neutralité à l’image du monarque et ancien Premier ministre qui ne permet cependant pas de déterminer dans quelles circonstances son père est décédé. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 29/08/2021

Ajouter un commentaire

Anti-spam