Figure atypique de la monarchie belge, le prince Laurent a été débouté de sa demande d’affiliation à la sécurité sociale des indépendants. Une affaire qui relance le débat sur le statut des "royaux" actifs.
C’est un prince à part dans le paysage feutré des monarchies européennes. Le prince Laurent de Belgique, frère cadet du roi Philippe, s’est une nouvelle fois illustré par une initiative inattendue : saisir la justice pour réclamer son affiliation au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants. Une démarche inédite pour un membre de la famille royale, qui vient de connaître son épilogue judiciaire.
Le tribunal du travail de Bruxelles, saisi par le prince en novembre 2024, a tranché le 7 avril dernier : Laurent n’est pas éligible au régime social des indépendants. Si la justice reconnaît bien l’existence d’une activité professionnelle régulière – visites, missions officielles, présidence d'une fondation pour le bien-être animal – elle considère néanmoins que le prince ne relève pas du statut d’indépendant. Selon le tribunal, il se situe dans une zone intermédiaire, celle d’un " statutaire ", en raison de la tutelle de l’État sur ses fonctions.
Le prince, qui perçoit une dotation annuelle de 388 000 euros, affirme ne pas avoir agi pour des raisons financières. " Ce n’est pas une question d’argent, mais de reconnaissance sociale ", a-t-il plaidé auprès de la RTBF, comparant sa situation à celle d’un migrant qui, une fois inscrit, a droit à une couverture sociale. Une sortie pour le moins provocante, fidèle au ton souvent décalé du prince.
Un prince atypique dans une monarchie discrète
Né en 1963, Laurent de Belgique est le benjamin du roi Albert II et de la reine Paola. Bien que tenu à l’écart des affaires d’État, il a multiplié au fil des ans les actions publiques, à commencer par la fondation qu’il dirige depuis une décennie, consacrée à la cause animale. Mais c’est surtout par ses écarts que le prince s’est distingué, embarrassant plus d’une fois la monarchie belge, réputée pour sa sobriété.
En 2018, il avait été sanctionné par le Parlement : 15% de sa dotation lui ont été retirés pour avoir rencontré sans autorisation des dignitaires chinois en uniforme. Un événement de trop après une série de prises de parole impromptues, de voyages imprévus, ou encore de déclarations jugées peu diplomatiques embrassant l'institution royale. Parmi les plus célèbres, sa comparaison de la monarchie à une prison dorée, ou ses critiques ouvertes sur l’emprise de l’État belge sur ses projets personnels.
Marié depuis 2003 à la Britannique Claire Coombs, avec laquelle il a trois enfants aujourd’hui majeurs, le prince Laurent semble aspirer à une reconnaissance plus institutionnelle de son rôle. Celui qui affirme vouloir désormais vivre en Italie, répète volontiers qu’il n’a " jamais demandé de dotation ", préférant " travailler " à des causes qui lui sont chères – mais se heurte régulièrement à un cadre légal qui peine à s’adapter à son profil hybride.
Vers une réforme de la monarchie sociale ?
Le jugement du tribunal ne ferme toutefois pas la porte à une reconnaissance future de ses droits. Son avocat, Me Olivier Rijckaert, souligne que le statut du prince reste flou et appelle le législateur à statuer sur ses droits sociaux et de pension. " C’est un problème institutionnel ", insiste-t-il. "Il faut une loi pour déterminer à quelle pension le Prince a droit et peut prétendre, et comment son travail passé pourrait être pris en compte à cet égard ", ajoute Me Olivier Rijckaert, interrogé par la magazine 7/7.
À l’heure où les monarchies européennes cherchent à se moderniser tout en se rendant utiles, le cas du prince Laurent met en lumière un dilemme : comment encadrer les membres "actifs " de la famille royale sans les enfermer dans une bureaucratie anachronique ? Une question qui pourrait bien faire l’objet d’un débat au Parlement dans les mois à venir – et confirmer, une fois de plus, que le trublion du palais n’a pas dit son dernier mot.