La monarchie katangaise réclame la tête de son souverain

Le roi m siri et philippe des belges« Mais quand nous regardons les musées Européens qui regorgent d’œuvres d’art Africains, le moment est venu pour retourner à chaque tribu ce qui a été pris !!! Au nom de toute ma famille je demande à la Belgique de nous restituer la tête du Roi M’Siri ».  La princesse Odile Munongo vient d’écrire à Philippe, roi des Belges afin que son gouvernement restitue immédiatement les restes du monarque de Bayeke et qu'il présente des excuses publiques.  Figure de la résistance coloniale, le crâne de Mwenda M’Siri Ngelengwa Shitambi a été rapporté en Europe et serait toujours entreposé dans un musée d’histoire naturelle de Bruxelles. La monarchie katangaise est indissociable de l’histoire du Congo belge et de son combat pour l’indépendance. Avec en fond de toile, un certain Bob Denard. Cependant, un doute demeure sur l’authenticité du crâne de ce souverain-esclavagiste.

La princesse odile munongo« Ce crâne a été emporté par les soldats belges qui sont venus à Bunkeya le 20 décembre 1891. Il a été décapité et ils ont emporté la tête ». La princesse Odile Munongo ne décolère pas après la Belgique. Alors que le royaume a été secoué par d'importantes manifestations organisées par le mouvement local du Black Lives Matter (« la vie des noirs compte »), la monarchie katangaise exige du gouvernement du roi Philippe qu’elle restitue le crâne du roi Mwenda M’Siri Ngelengwa Shitambi, figure emblématique de la résistance coloniale et de l’esclavagisme dans cette partie de l’Afrique centrale. Une affaire qui pourrait embarrasser les relations diplomatiques entre la monarchie des Saxe-Cobourg Gotha et la République démocratique du  Congo (RDC). D’autant que la maison royale Munongo est intimement liée à l’histoire de l’indépendance du fleuron de l’empire belge et la brève indépendance du Katanga.

Capt william grant stairs« J’ai tué un tigre, vive le roi ! ». C’est un silence de mort qui règne dans la savane. Les belges ont capturé le roi Mwenda M’Siri Ngelengwa Shitambi avant de l’abattre et de séparer sa tête du reste de son corps. Un épisode particulièrement violent de l’histoire coloniale du royaume de Belgique qui avait même frappé les chroniqueurs de l’époque. Ils vaient évoqué une tête accrochée plusieurs heures à un poteau avant d’être ramenée comme trophée en Belgique. Fondateur du royaume Bayeke, Mwenda M’Siri n’est pas un enfant de cœur. Sa monarchie repose surtout sur l’esclavagisme, un commerce dont les belges entendent mettre définitivement fin dans cette partie de l’Afrique centrale dont elle entend prendre le contrôle. Le monarque est un homme intelligent qui pousse le vice jusqu’à épouser des femmes des tribus voisines afin de mieux espionner ses rivaux. Le Katanga regorge de cuivre et attise la convoitise des européens qui négocient des traités avec lui. Le roi  M’Siri a compris quelles seraient les retombées de ce commerce juteux, poussant belges et britanniques les uns contre les autres, acceptant l’implantation de missionnaires, futurs otages en devenir en cas de conflits avec les mundelés (blancs). Londres et Bruxelles tentent de le convaincre de signer un protectorat dans des conditions particulièrement douteuses. D’ailleurs aucun document ne semble attester que le monarque katangais n’ait accepté de signer quoi que ce soit en dépit du fait que la Belgique ait planté son drapeau sur son territoire. C’est Léopold II qui finit par prendre une décision, agacé par tant de tergiversations de la part de ce roitelet africain. Il charge un mercenaire, le capitaine William Grant Stairs (1863-1892), recommandé par l’explorateur Henry Morton Stanley, de soumettre cette royauté tribale, de la manière dont il lui plaira. M’Siri ne répondant pas aux injonctions de l’officier, une fois celui-ci arrivé aux portes de son royaume, Stairs envoie un de ses adjoints sortir manu militari le souverain. Une lutte entre les deux hommes s’engage, scellant aussi bien le destin de l’un comme de l’autre.

Godefroid munongo« Ce sera Lumumba ou moi. S'il me tombe entre les mains, je le tuerai ! ». La monarchie katangaise soumise et annexée, les belges installent à la tête du royaume, le fils adoptif du souverain tout en le menaçant de lui faire subir le même sort. L’histoire de la maison royale Munongo n’allait cependant pas s’arrêter ici. L’administration coloniale va tenter de réduire les prérogatives de ses souverains qui se convertissent peu à peu au catholicisme dans les premières décennies du XXème siècle. Avec la décolonisation,  les Munongo vont retrouver leur place dans l’histoire. Le roi Antoine Mwenda V (1905-1976) est choisi pour représenter les rois du Congo à la Table ronde organisée à Bruxelles. Une conférence qui va dessiner les contours de l’indépendance à venir. Il est même probable qu’il ait tenté de négocier la sécession de son royaume du reste du Congo. Dans l’assistance royale, le prince Godefroid Munongo, son frère, qui va être un des protagonistes de la lutte pour l’indépendance.  Il est membre de la Confédération des Associations Tribales du Katanga (CONAKAT), un parti qui s’oppose au Mouvement National Congolais (MNC) de Patrice Lumumba. Entre ces deux politiciens, une haine que tout sépare. Lorsque le Congo déclare son indépendance (1960), les Belges qui ont peu goûté au discours humiliant de Lumumba, prennent contact avec le prince Munongo et Moïse Tschombe  le fondateur de la CONAKAT. Ce sera la sécession. Godefroid Munongo est nommé ministre de l’intérieur et reçoit un soutien inattendu de la France qui lui envoie une compagnie de mercenaires, les « affreux » de Bob Denard. L’indépendance du Katanga va durer 3 ans. Suffisamment pour plonger le pays dans une guerre civile, un nettoyage tribal et orchestrer l’assassinat de Lumumba (accusé de livrer le pays aux soviétiques), en janvier 1961.

La lettre de la princesse odile munongo« On demande la restitution du crâne de mon arrière-grand-père » répète à satiété la princesse Odile Munongo sur les réseaux sociaux. Depuis 1997, c’est le roi Godefroid Munongo Mwenda VIII qui règne sur la monarchie katangaise en tant que « Ng’one Mwemera Milimo », le continuateur de l’œuvre de son homonyme qui a  régné de 1976 à 1992 sur son royaume avant de décéder d’une mystérieuse crise cardiaque alors qu’il s’apprêtait à faire des révélations sur la mort de Lumumba. La Belgique possède-t-elle vraiment le crâne du roi M’Siri ?  « Sa tête a été amenée par les membres de l’expédition Stairs vers la côte orientale, donc vers Chinde, mais comme l'endroit est inconnu, le corps de M'Siri à Bunkeya a été enterré sans tête » croit savoir Maarten Couttenier, l'historien de l'Africa Museum. Mais pour beaucoup , le doute subsiste. Elika Mbokolo, qui a consacré une biographie à ce souverain, plaide pour l’ouverture de la tombe royale afin de mettre fin à ce mystère et affirme que la tête doit forcément s’y trouver. L’historien appelle d’ailleurs  « aux autorités de la RDC,  de vérifier ce qui se trouve effectivement dans la tombe et, si le cadavre est incomplet, de lancer des démarches diplomatiques ». Pas de quoi apaiser les tensions entre la Belgique et les associations du Black Lives Matter qui ont appelé  au déboulonnage de la statue équestre de Léopold II. Citant la France qui restitue ses trésors de guerre, la princesse Odile Munongo réclame que la Belgique en fasse de même et que le roi Philippe présente ses excuses aux katangais et à sa monarchie pour son crime.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 14/11/2020

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