À quelques kilomètres de Lille, la monarchie belge intrigue les Français par sa discrétion et sa longévité. Sans provoquer la ferveur que suscitent les Windsor, le roi Philippe et la reine Mathilde incarnent pour beaucoup une royauté apaisée, à l’image d’un voisin discret qu’on regarde sans vraiment le convoiter.
C’est une monarchie discrète qui se déploie juste de l’autre côté de la frontière. Aux yeux des Français, la Belgique évoque bien souvent Bruxelles, les frites et Tintin. Mais son roi ? Philippe, sixième souverain d’une monarchie fondée en 1830, demeure un personnage à la fois familier et lointain.
Une image positive, un intérêt limité
Si la monarchie britannique continue de nourrir fantasmes, reportages et couvertures de magazines hexagonaux, frisant même la surdose pour certains, la monarchie belge intrigue, mais ne passionne guère. Selon un sondage Ifop commandé en 2023 par Paris Match, 64 % des Français savent que la Belgique est une monarchie, mais seulement 28 % peuvent citer le nom du roi actuel sans hésitation. Bien peu savent même qu’elle est liée à la dernière branche capétienne qui a régné sur la France jusqu’en 1848.
On est désormais bien loin des obsèques retransmises sur les chaines de télévision du roi Baudouin sous la voix impeccable de Léon Zitrone, fortement suivies dans tout l’Hexagone en 1993. Un succès d’audience même. La visite d’État du roi Philippe (65 ans) et de la reine Mathilde (52 ans) à Paris en novembre 2018 ou en octobre 2024 n’a pas suscité ce même engouement médiatique, ni de débats sur aucun plateau de télévision. Il est vrai, que loin des excentricités d’un prince Harry ou d’un Albert de Monaco, loin de tous les scandales royaux qui alimentent les feuilles de choux des magazines people, le roi des Belges cultive une stature sobre, plus proche du « roi fonctionnaire » que du monarque flamboyant. La reine Mathilde, polyglotte, diplômée en psychologie, jouit quant à elle d’un capital de sympathie certain, mais ne suscite que l’intérêt des médias féminins français.
Toutefois, l’image de la monarchie belge reste globalement bonne auprès des Français , bien au-delà que celle qu'ils ont d'Emmanuel Macron, leur actuel Président,: 52 % jugent que « le roi des Belges incarne bien l’unité de son pays » (Ifop, 2023). Un chiffre supérieur à celui que récolterait une hypothétique monarchie française sur le même indicateur. Mais cet intérêt est d’abord symbolique : 71 % des personnes interrogées estiment que la monarchie belge est « une institution sympathique », mais sans influence concrète sur leur perception de la Belgique elle-même.
Une discrète source d’inspiration, un intérêt culturel plus qu’institutionnel
Certains milieux royalistes français, eux, voient dans la monarchie belge un modèle : celui d’une royauté parlementaire, neutre politiquement, gardienne d’une certaine unité nationale malgré les tensions communautaires. Pour ces cercles, la monarchie belge démontre qu’un roi peut encore « tenir un pays » face aux poussées séparatistes — en l’occurrence entre Flamands et Wallons.
On se souvient que lors de la crise politique belge de 2010-2011, quand le pays resta 541 jours sans gouvernement, le roi Albert II joua un rôle d’arbitre que nombre de monarchistes français citent encore aujourd’hui comme un argument en faveur d’un retour d’un roi en France. Ou encore plus récemment avec le roi Philippe qui a permis à Bart de Wever de former le premier gouvernement belge dirigé par un nationaliste flamand, dans la stricte respect de la Constitution.
Finalement, ce que les Français retiennent surtout de la monarchie belge, ce sont les anecdotes : les drames de Léopold III pendant la Seconde Guerre mondiale, l’abdication d’Albert II en 2013, ou encore l'affaire Delphine Boël ( qui a fait crisper et grincer des dents les milieux monarchistes) . Mais pour le grand public, le roi Philippe reste un souverain aimable, consensuel — et lointain.
Une distance qui ne nuit pas, au contraire : pour 58 % des Français, « la Belgique reste plus sympathique qu’elle ne serait sans roi » (Ifop, 2023). Une forme de neutralité bienveillante, typique du regard hexagonal : la monarchie belge rassure, mais n’inspire pas de nostalgie.
Copyright@Frederic de Natal