Schloss Berleburg a de nouveau son prince de conte de fées !

Maison princiere de sayn wittgenstein berleburgC’est un «ouf» de soulagement qu’a dû pousser le prince Gustav zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg à l’annonce du verdict par la Cour constitutionnelle fédérale. Après avoir tenté de faire casser le testament familial qui impose toujours aux princes héréditaires du Sayn-Wittgenstein-Berleburg d’épouser des «femmes exclusivement aryennes et protestantes», le prince Gustav II von Sayn-Wittgenstein-Berleburg, neveu de la reine Margrethe du Danemark et descendant de Joseph Fouché, peut désormais récupérer le château qui lui revient de droit et qui lui était contesté par son oncle. Un héritage de près de 500 millions d’euros pour un vrai prince de conte de fées.  

Autrefois comté du Saint-Empire romain germanique, c’est en 1773 que la maison Sayn-Wittgenstein-Berleburg accède au titre convoité de «Fürst» (prince).  Une principauté située dans le Nord de la Westphalie et bénie des neuf muses, enfants de Zeus et de la titanide Mnémosyne. Dans le château de, la musique rythme la vie des princes zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg. Le prince Christian Henri (1753-1800) est un mélomane confirmé. Piano et violon n’ont plus de secrets pour lui. Il a étudié dans les meilleurs académies de cette Allemagne qui se construit doucement au cours du XVIIIème siècle, poussé par ses propres parents à cultiver sa passion. Piètre économiste, il fut cependant un ami des arts et entrepris de transformer son château en un vaste complexe qu’occupe toujours sa famille. La guerre va pourtant rattraper la maison princière lorsque Napoléon décide de s’emparer de l’empire et le façonner à son image.

Sujets du roi de Prusse

La Confédération du Rhin est née en 1806 et la principauté de Sayn-Wittgenstein-Berleburg est annexée au Grand-duché de Hesse en dépit des protestations du prince Friedrich Albrecht (1777-1851) qui n’a pas véritablement d’armée à opposer à «l’ogre corse». Le Congrès de Vienne ne laisse pas plus de répit aux Sayn-Wittgenstein-Berleburg à qui on annonce qu’ils sont désormais sujets du roi de Prusse. Jouets des grandes puissances, les princes Sayn-Wittgenstein-Berleburg se soumettent en échange de droits au parlement et de privilèges étendus. A Schloss Berleburg, chaque règne d’un prince est une partition de musique que l’on réécrit à satiété alors qu’au loin, les premiers coups de canon d’une guerre se font déjà entendre. Un opéra tragique qui va entraîner l’Europe dans une gigantesque danse macabre à laquelle les Sayn-Wittgenstein-Berleburg ne vont pas pouvoir échapper.

Une maison princière très populaire

Richard Hermann Gustav zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg (1882-1925) répond à l’appel du Kaiser. L’étudiant rebelle qui est monté sur le trône de sa principauté en novembre 1904 doit quitter les salons feutrés de son château et revêtir l’uniforme des officiers impériaux. La chute de l’empire va signer la fin du pouvoir de ces princes romantiques assumés et admirés. La République de Weimar, proclamée sur les ruines fumantes des Hohenzollern, leur accorde toutefois de rester dans son château à condition qu’ils ne fassent pas usage de leurs titres. Quels risques peut donc courir la nouvelle république de ces princes plus préoccupés par leurs instruments de musique que la politique ? Pourtant, l’humiliation de la défaite, la chute de la monarchie, la fin d’une vie de conte de fées a noirci les rêves des zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg qui vont bientôt se jeter dans les bras d’un certain Adolf Hitler. Le 25 avril 1925, le prince héréditaire est victime d’un accident de la route. Il ne survit pas, pas plus le prunier qui a mis brutalement à la vie de cet officier méritant aux accents wagnériens. Ses funérailles sont nationales et des milliers d’allemands vont suivre le cortège funéraire de Richard Hermann Gustav zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg dans un silence assourdissant.

Heinrich prinz zu sayn wittgensteinMort au nom du nazisme

L’arrivée du nazisme est un soulagement pour Gustav-Albrecht zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg qui entrevoit la revanche tant attendue et enfin l’espoir d’un retour de la monarchie qui enthousiasme ce «Parsifal» des temps modernes. Il n’a pas raison de douter de la parole d’un petit caporal de l’armée impériale mué en leader nationaliste et qui a mené en 1933 ses troupes à la chancellerie. Hitler se sert pourtant à des fins personnelles de toutes ces particules de la noblesse allemande qui jouissent encore d’une influence certaine et qui possèdent un réseau important parmi les plus grosses fortunes industrielles du pays. Point de retour à l’empire mais de nouveau le bruit de ces mitraillettes qui vont venir perturber Schloss Berleburg. Une fois de plus on range les instruments de musique et on s’engage dans la Wehrmacht. Les Sayn-Wittgenstein-Berleburg vont payer un lourd tribut lors de ce conflit. Son plus jeune frère meurt au combat en 1943 et Gustav est lui-même est capturé un an plus tard par les russes le 24 juin 1944. Ce jour-là, il disparaît pour ne plus jamais revenir. La neige a depuis recouvert, quelque part dans la patrie d’Ivan le Terrible, repose l’uniforme ensanglanté de cet officier de la 23ème division de Panzers. Un autre de ses cousins, Heinrich  meurt la même année. Officier de la Luftwaffe, il n’a que 27 ans quand son avion est abattu en Russie.

Un testament aryen controversé

Avant de partir au front russe, Gustav-Albrecht zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg a laissé un testament aux articles néfastes. Influencé par la propagande nazie, le prince exige que tous ses successeurs se marient avec des teutonnes au sang purement aryen et exclusivement de religion protestante. Un héritage que va scrupuleusement respecter son successeur, Richard (1934-2017) qui va même aller au-delà et porter à son paroxysme le rêve princier de sa famille. En 1968, fou amoureux de la princesse Benedikte (née en 1944), il épouse la fille cadette du roi Frederik IX du Danemark en grandes pompes. Etrange situation pour un homme qui est de facto un prince héréditaire mais qui ne peut pas prouver la mort de son père et à qui un tribunal fédéral lui refuse de porter un titre que la république ne reconnaît pas vraiment. Il faudra attendre un an de plus après son mariage pour que Gustav-Albrecht zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg puisse goûter aux joies d’être un «Fürst» de plein droit. D’ailleurs même sa famille s’est opposée à ce qu’il revendique le titre jusqu’à la naissance d’un mâle capable de lui succéder. Ironie de l’histoire, la plus enflammée de cette histoire fut sa mère, Margareta Fouché d'Otrante (1909-2005), une descendante directe de Joseph Fouché, le célèbre ministre de la police de Napoléon Ier et premier duc d’Otrante.

Les Sayn-Wittgenstein-Berleburg aujourd'hui

L’actuel prince zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg est amoureux. Il incarne à la perfection cet esprit romantique qui aurait plu à Chateaubriand et qui règne encore au sein de cette famille aristocrate de l’Allemagne du Nord. Ses fiançailles avec Elvire Pasté de Rochefort, la fille d’un ambassadeur français aux origines grecques va semer l’émoi dans sa famille. Hors de question que l’héritier s’abaisse à une telle mésalliance. Le prince Gustav II se voit rappeler sèchement à l’ordre. Haro sur la bru en question qui n’est ni d’origine allemande, ni protestante, ni à minima de sang aryen et sans le sou. Les fantômes du nazisme planent toujours au-dessus des zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg. L’affaire prend des allures de drames et va finir devant les tribunaux. Le prince Gustav va tenter de casser ce testament, relique du nazisme. En vain. Les fiançailles sont rompues en 2001 et la fiancée éplorée de repartir dans sa famille sous le regard méprisant des membres de la maison zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg. «Romantiques mais 100% teutons»  claironne-t-on dans cette famille qui n’entend pas aller contre les volontés du père. Et Carina Axelsson a eu droit au même traitement. Compagne depuis une décennie du prince héritier, cette pianiste, marraine de la princesse Athéna du Danemark, n’a droit à aucun titre et fait l’objet d’un protocole différent des autres membres de la maison princière qui ne l’a reconnaisse pas plus que fut Elvire Pasté de Rochefort. Enfin pour ne rien arranger, son cousin Ludwig-Ferdinand (78 ans) a revendiqué devant les tribunaux la pleine possession de Schloss Berleburg. En arrière –fond de ces tensions familiales, la succession au titre de prince héréditaire menacée d’être au centre d’un conflit dynastique lorsque Gustav II rejoindra ses pères et une fortune estimée à 500 millions d’Euros.  Après plusieurs mois de combats juridiques, le 30 juillet 2020, le tribunal a décidé finalement de statuer en faveur de l’actuel occupant du château, le prince Gustav II qui devient désormais pleinement le prince héréditaire de sa principauté de contes de fées et qui sait, va pouvoir épouser enfin sa belle au bois dormant.

Les zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg, une famille romantique  qui cousine avec les grandes familles du Gotha  et qui a même donné un acteur pour la série à succès «The Crown». De quoi faire rêver tous les chevaliers,  princes et princesses qui sommeillent secrètement en nous .

Copyright@Frederic de Natal

 

Date de dernière mise à jour : 24/04/2023

Commentaires

  • capps
    • 1. capps Le 11/01/2021
    how wonderful for the ruling prince; Wikipedia has not u[pdated this information about the court ruling; unfortunately at her age ,it's doubtful that she will give birth to a direct heir .

Ajouter un commentaire