C’est le «Stuttgarter Zeitung » qui a été le premier à diffuser l’information. Âgé de 83 ans, le duc Carl de Wurtemberg a décidé de d’abandonner « la gestion des affaires familiales » à son fils Michael, le dernier de ses fils. «Mon état de santé n’est plus assez stable pour que je puisse me consacrer à toutes les questions inhérentes à nos affaires de famille » a déclaré le prétendant d’un trône tombé en 1918 avec le Reich des Hohenzollern.
D’abord duché, c’est Napoléon Ier qui décide d’en faire un royaume en 1806 et dont le territoire, pourtant sans éclats, fut agrandi pour récompense de sa fidélité à l’empire français. Le règne du roi Frederick Ier, qui maria sa fille Catherine à Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, fut plus marqué par ses nombreuses infidélités que par ses hauts faits d’armes. Paradoxalement, son élévation au titre de roi avait fait de Frederick un ennemi de son propre beau-père, le roi Georges III de Hanovre, souverain britannique. Finalement, il décide de retourner sa veste en 1813 et sauve ainsi sa couronne. La monarchie du Wurtemberg, dont une des branches n’allait pas tarder à faire irruption sur la scène dynastique de Grande-Bretagne (avec sa branche prénommée, les Teck), ne devait pas tomber avant la fin de la première guerre mondiale. Son dernier souverain Guillaume II (1848-1921) n’abdique que le 30 novembre. Au moment des révolutions qui précipitèrent la chute des aigles, Guillaume II fut l’un des rares souverains de l’empire allemand à ne pas être troublé par les révolutionnaires. Un monarque si populaire que ses sujets l'appelaient simplement, «Monsieur le roi ». en le croisant. Lui-même n’appréciait pas vraiment l’ambiance militaire qui régnait à Berlin, préférant rester dans son état, parmi ses sujets avec qui il partageait volontiers une bière. Son départ fut plutôt forcé. Suite à de soudaines manifestations organisées par la gauche révolutionnaire, agacée de voir que personne ne souhaitait le chasser, le palais royal fut envahi et Guillaume II contraint à l'exil. La république a peine proclamée, son gouvernement s'excusa auprès du souverain et fit rapidement voter une pension annuelle couvrant l’intégralité de ses frais .
Carl de Wurtemberg est l' arrière-petit-fils de Guillaume II et cousine avec toutes les grandes familles du Gotha. A la tête d’une entreprise forestière, il a épousé en juillet 1960, la princesse Diane, fille du comte de Paris et tante de l’actuel prétendant au trône de France, Jean d’Orléans. Un mariage royal qui fut largement médiatisé à l’époque et célébré au château d’Altshausen, une ancienne commanderie teutonique.Sa sœur, elle-même, Marie-Thérèse a épousé en 1957 le prince Henri d’Orléans, alors prétendant au trône de France. Une tradition entre les Wurtemberg et les Orléans qui n'en étaient pas à leur première alliance.Une des filles de Louis-Philippe Ier, Marie, qui repose aujourd'hui à la chapelle royale de Dreux, avait épousé un prince Wurtemberg.
De confession catholique, les Wurtemberg sont encore très respectés aujourd’hui. Nul n’a oublié leurs actions en faveur des juifs durant la seconde guerre mondiale et leur opposition au nazisme. A commencer par le prétendant au trône de l'époque, le prince Albert qui ne se privait pas de critiquer Herr Adolf Hitler. Irrité par son attitude, lors de son décès en 1939, le chancelier Hitler interdit à tous les dignitaires nazis de venir lui rendre hommage, se contentant d’envoyer une gerbe de fleurs. Son fils est également la bête noire des nazis. « Mon père, le duc Philippe, a été en opposition ouverte envers le régime nazi et à cause de cela [il] a dû quitter sa maison de Stuttgart après les élections de 1933 avant d'être mis en résidence surveillée à Altshausen. Il a été mis plusieurs fois en prison à Stuttgart, jusqu’au jour où il a été forcé de quitter la ville en 1934 » racontait en 1998, le prince Carl. Philippe de Wurtemberg avait refusé de faire hisser la croix gammée sur le château en dépit des exigences de la section nazie locale, gagnant le respect de ses anciens sujets. D’ailleurs, parmi les habitués du château se trouvait l’ancien maréchal de la cour royale, Alfred Schenk, Graf von Stauffenberg, le père de celui qui, un jour de juillet 1944, tentera d’éliminer le Führer (Opération Walkyrie).Pas de mouvements monarchistes mais diverses associations qui cultivent une nostalgie de ce que fut le royaume du Wurtemberg. Preuve de cette popularité constante de la maison royale, en 2003, consacrant un article au monarchisme le journal « Frankfurter Allgemeine avait suggéré le nom du duc Carl pour présider le pays en lieu et place des Hohenzollern. A l'occasion du 70e anniversaire du roi, le Ministre-Président du Bade-Wurtemberg Günther Oettinger n’hésite pas à déclarer : « Si nous avions un roi comme lui, nous pourrions gouverner de manière plus démocratique [l’Allemagne] ». Même l’actuel ministre –président du Land, Winfried Kretschmann, y a été de son laïus à propos du prétendant, saluant dernièrement « sa dignité et son humanité ». Fort de son statut, Il n’hésite d’ailleurs pas à prendre
des positions politiques. En 2017, ce partisan de la monarchie constitutionnelle avait critiqué la montée des populismes et s’était fait l’avocat d’une « Europe subsidiaire fondée sur le partenariat intra- communautaire » comme l’indique le « Süd Kurier» dans une de ses éditions.
Mais les Wurtemberg, c’est aussi une famille royale qui a été cruellement frappée par le destin. Le 9 mai 2018, le prince Frédéric, fils aîné de Carl, décède tragiquement dans un accident de voiture laissant derrière lui 3 enfants. Désormais à la tête de l’entreprise familiale avec le départ de son père, le prince Michael prend la «régence» de fait de la maison royale. Il aura la charge d’éduquer son neveu de 25 ans, Guillaume, actuellement étudiant en Angleterre et futur duc héritier d’une maison aux traditions séculaires.
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Publié le 26/01/2020