1989, le Gotha et la chute du mur de Berlin

« Mur de  la honte » pour les berlinois de l’Ouest,  «mur de protection antifasciste» pour les berlinois de l’Est, le « Berliner Mauer» a longtemps été le symbole de la guerre froide. Construit en 1961 suite à la décision de la République démocratique allemande (RDA), au bord de l’effondrement économique, le mur va séparer des familles entières. Alors que l’idéologie communiste, ce colosse aux pieds d’argile, montre ses premières factures, le 9 novembre 1989, des milliers d’allemands se massent des deux côtés de cette construction longue de 155 kilomètres. A Brême, le prince Louis-Ferdinand de Hohenzollern fête ses 82 ans. Devant son écran de télévision, les images d’un peuple uni qui s’attaque au mur. La réunification de l’Allemagne est alors en marche. Découvrez comment le Gotha a vécu cette journée qui aura été un des tournants majeurs de l’Histoire du XXème siècle.

Le prince louis ferdinand de hohenzollernIl ne pensait jamais voir de son vivant un tel événement. Le prince Louis-Ferdinand de Hohenzollern a traversé l’histoire. Il a 11 ans quand son grand-père, le Kaiser Guillaume II, abdique de son trône. Il a connu l’exil, la montée du nazisme dont il sera un opposant puis l’invasion de l’Allemagne par les communistes. Un crève-cœur pour le fils du Kronprinz. Tout au long de cette guerre froide qui oppose deux mondes idéologiques, capitaliste et communiste, il va porter les espoirs des monarchistes à l’Ouest et « diriger tous ses efforts vers la réunification de l’Allemagne selon un processus pacifique dans une Europe unie». Il adhère à la pensée du chancelier (1982-1997) Helmut Kohl avec lequel il est ami. Son carnet d’adresse sert à la République fédérale allemande (RFA) qui tente de réunir un pays meurtri. « Je suis profondément attristé de voir Berlin déchiré entre deux pays qui sont en fait une seule et même nation » déclare  le prétendant au trône à l’occasion du 750ème anniversaire de la fondation de Berlin. Face aux images qui se succèdent, le prince est tétanisé devant son fauteuil. Les larmes lui coulent sur le visage. Il s’est mué dans le silence pour mieux apprécier ce moment historique. « Si l’on pouvait dire un jour de nous que dans la limite de nos forces, nous avons contribué à la renaissance de l’Allemagne, cela constituerait le plus beau contrat légitimant et reconnaissant le sens de notre vie » déclare le prince et comme le rapporte dans son ouvrage «Les couronnes de l’exil », le journaliste Stéphane Bern. Il songe au retour de la monarchie. L’Allemagne réunifiée pensera-t-elle à rappeler les Hohenzollern sur le trône ? Si c’est le cas, il proposera une monarchie constitutionnelle. « Je crois beaucoup au contact entre le peuple et sa dynastie. La monarchie, c’est avant tout un pouvoir humain, c’est aussi un élément fédérateur, modérateur, unificateur qui rassemble les citoyens et les motive pour travailler ensemble » affirme-t-il.

A Biarritz, dans un hôpital, la princesse Irène Paley regarde le mur qui s’écroule et la liesse générale qui s’empare du pays. A ses côtés, son fils, le prince Michel Romanov. «Nous étions contents de la destruction du mur de Berlin, contents comme n’importe quel européen ». Ils ne vont pas tarder à revenir dans leur patrie dont sa famille avait été exilée lors de la révolution de 1917. A Madrid, le roi Siméon II de Bulgarie ne quitte pas la télévision des yeux.. L’émotion étreint ce souverain, chassé de son trône en 1946, à l’âge de 6 ans, par les communistes. Aux premiers coups de pioches, il a compris. Le régime dictatorial qui domine son pays ne va pas tarder à lâcher du « l’Est ». Un des amis de l’un de ses fils, présent cette journée, partira en Allemagne et reviendra lui offrir un morceau du mur. L’histoire lui donner raison rapidement. Le lendemain, après 33 ans de pouvoir sans partages, le secrétaire général du parti communiste bulgare, Todor Jivkov, démissionne. Il sera l’un des derniers chefs d’états communiste de ce pays des Balkans. Des milliers de ses anciens sujets balayent déjà le rue de Sofia avec son portrait. Les groupes monarchistes se reconstituent, des pétitions réclament le retour du tsar de Bulgarie.

Le roi michel et la reine anne de roumanie« Citoyens de Roumanie, je vous prie d’être unis, de vous entraider les uns et les autres, afin que notre fameuse vertu de charité et de compassion renaisse. C’est alors seulement qu’ils [la Securitate-ndlr] ne trouveront plus bourreaux ni dénonciateurs (…) » écrit le roi Michel Ier aux roumains. La colère gronde contre le régime du président Nicolae Ceaucescu qui a l’assurance d’un pouvoir tranquille. La révolution ne va pas tarder à éclater dans les semaines qui suivent la chute du mur de Berlin. L’information n’a pu être censurée, le dictateur sera conspué, les anciens apparatchiks du Parti communiste roumains se muent socialistes reconvertis dans la démocratie. C’est un coup d’état interne qui se joue au sein du PCR. Ceaucescu sera promptement exécuté le jour de Noël avec sa femme. Un procès expéditif. Michel Ier qui a été forcé à l’exil en 1947 tente de revenir mais la nouvelle social-démocratie a gardé ses anciennes habitudes et renvoie le roi en exil, à Genève.

L’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine a joué indubitablement un rôle dans la chute du mur de Berlin. La section allemande du mouvement paneuropéen a tenu, 4 jours auparavant, son congrès dans le Reichstag de Berlin, non loin de la porte de Brandebourg. Député européen, l’héritier austro-hongrois ne cache pas sa joie. Le mur de Berlin qui tombe, par pans entiers, sur le sol est l’aboutissement de 3 décennies de combats contre cette idéologie communiste qu’il abhorre. Son nom agace, ses activités politiques irritent. Les paneuropéens seront même attaqués par des communistes au moment où une messe est célébrée près du mur et des croix symbolisant les victimes tombées en tentant de s’enfuir au-delà des barbelés. Le 4 novembre, Otto de Habsbourg-Lorraine qui a pressenti les événements, pénètre dans Berlin-Est. Le geste est à la hauteur des heures qui vont suivre et qi vont aboutir à la fin d’un monde. Il déclare : «Si on veut garder la RDA, il ne faut en aucun cas donner le droit de vote aux gens ; mais si l’on veut mettre en place un processus de démocratisation, alors il faut admettre que la RDA est morte » énonce-t-il à un journaliste. Il refuse l’invitation d’Erick Honecker, le dernier dirigeant pro-soviétique d’une Allemagne rouge qui se désagrège. Regard tourné vers les pays de l’Est, la Hongrie tend les mains à son héritier. Lui regarde désormais une nouvelle Europe naître sous ses yeux. La réunification de l’Allemagne est un crédo. En février 1990, il déclare que les « allemands  veulent la réunification et quiconque s’opposera à cette réunification ou quiconque place des obstacles sur son chemin, celui-là perdra toute crédibilité. L’heure est à la réconciliation. Elle viendra de la France, l’ennemi héréditaire qui a compris tout le potentiel que représente l’unité des deux Allemagne pour l’Europe.

L’unification de l’Allemagne… « C’est pour mon père un grand triomphe (…), pour lui c’est l’essentiel » explique le prince Frédéric-Guillaume de Hohenzollern aux journalistes qui se pressent désormais devant la résidence de l’héritier au trône. Devant sa télévision, le prince Louis-Ferdinand regarde la joie se dessiner sur le visage de ses compatriotes. Un sourire, il a toujours su que ce jour arriverait ! Le 9 novembre 1989, pour une grande partie du sang bleu exilé, l’heure était plus que jamais au retour. Une revanche sur l’Histoire.

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Publié le 9/11/2019

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