Soutien à Erdogan

Propagande ottomaneLe prince Orhan Osmano?lu, barbe poivre et sel, crâne chauve, est un descendant direct du Sultan Abdul Hamid II, dont la vie a été portée à l'écran récemment*. Son compte Twitter affiche sans complexe un soutien indéfectible à l’islamo-conservateur Recep Tayip Erdogan qui vient d’être réélu Président de la Turquie au cours d’une élection jugée controversée. A plus de 50 ans, il incarne cette nouvelle génération d’Osmanlis, ces membres de la famille impériale, dont le retour en grâce a signifié aussi leur réapparition sur la scène publique turque.

Lorsque le Calife Abdülmecid II est déposé en mars 1924 par la volonté de Mustafa Kémal, la proclamation de la république force les différents princes et princesses de la famille impériale à l’exil, à travers le monde entier. Certains connaîtront des infortunes diverses, d’autres seront marqués par des destins plus heureux. Depuis la chute de Constantinople en 1453, les Ottomans avaient réussi à occuper une large partie de l’Europe de l’Est, de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient avant de voir leur empire progressivement s’effriter au cours de la fin du XIXème siècle.

Il faudra attendre 1974 pour que le prétendant au trône, le prince Ali Vâsib (1903-1983) ne soit autorisé à revenir en Turquie. Venu de Paris où il résidait, lui et sa famille avaient été exfiltrés par la marine nationale française grâce à des amitiés que l’héritier au trône avait entretenu, plus jeune, avec des officiers de l’armée. La IIIème république octroiera même des passeports diplomatiques à cette famille dont elle avait pourtant contribué à favoriser la chute. Mais c’est avec l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP), en 2002, que la famille impériale retrouve ses véritables lettres de noblesse.

?ehzade Orhan Osmano?luLe prince Ertu?rul II Osman V (1912-2009) est alors le prétendant au trône officiel de cette maison impériale gérontocrate. Le néo-ottomanisme (Yeni Osmanl?c?l?k)** est à ses débuts, initié par une habile propagande gouvernementale qui réhabilite autant l’histoire de la grande Turquie que les différents membres de dynastie impériale passés et présents. En 2004, il reçoit en grande pompe un passeport national. Les Osmanlis sont de retour définitivement en Turquie***. Ils sont à la mode, leurs anciens sujets les redécouvrent avec une presse qui ne se lasse pas d’en parler. Encore aujourd’hui, celle-ci fait des articles élogieux à l’encontre de membres récurrents de la dynastie. Son enterrement sera suivi par des milliers de partisans de la monarchie ou nostalgiques de sa puissance auquel vont participer un bon nombre de membres du gouvernement.

La famille impériale n’a jamais caché sa proximité avec le président Recep Tayip Erdogan. Lors du coup d’état qui a menacé quelques heures son pouvoir (2016), elle n’avait pas hésité à lui apporter son soutien, condamnant la « lâcheté de cet acte » et affirmant « qu’elle me mettrait pas genou à terre pour le cautionner ». Dans un article du Monitor paru en février 2017, la princesse Nilhan Osmanoglu n’avait pas hésité à confirmer publiquement ce soutien en appelant les turcs à voter oui au référendum prévoyant le renforcement des pouvoirs du président tout fustigeant le système parlementaire, «cette mauvaise chose » selon elle. Au grand dam de l’opposition qui suspecte le leader de l’AKP de tenter de restaurer la monarchie ou accusant les membres de la maison impériale de faire du profit grâce à leur nouvelle notoriété. La proposition d’un statut officiel pour les Osmano?lu avait d’ailleurs déclenché de vives protestations.

Pour le ?ehzade Orhan Osmano?lu, ce dernier affirme que le rapprochement de son pays avec ceux de l'Ouest incarnerait la mort de l'esprit ottoman qui prévaut actuellement au sein de la république, qui n’a plus rien de laïque au vu des nombreux coups de canifs opérés au sein de la constitution par l’AKP (comme l’autorisation du voile au sein des universités). Une vision qui n’est cependant pas partagée par tous. En juillet 2016, le prince Osman Selahaddin Osmano?lu, tout en reconnaissant que l'arrivée au pouvoir du parti islamo conservateur AKP avait permis une amélioration de l'économie turque, plébiscitait quant à lui l’idée d’intégration de son pays à l'Union européenne , pourtant plus que divisée sur le sujet. On est loin ici de l’atmosphère pro-gouvernementale qui règne au sein de la maison impériale et qui se veut tout aussi passéiste qu’une partie des Turcs. De Jérusalem à Damas, Orhan Osmano?lu est persuadé que la restauration du Califat empêcherait toute propagation de l’extrémisme musulman, du « terrorisme kurde du PKK » ou de l’expansion russe au Moyen-Orient dont il confiait ses inquiétudes lors d’une interview au journal Karar. En janvier 2016, la famille impériale n’avait pas hésité à réclamer ouvertement la restitution de ses terres au gouvernement. En vain cependant.

Erdogan parmi ses gardes OttomansS’il existe un mouvement monarchiste basé en Allemagne (le Club ottoman), son poids politique est quasi inexistant en Turquie. La famille impériale bénéficie assurément d’une nouvelle côte de popularité. Lors des jours de prière dans les mosquées, ils sont des centaines à suivre les membres de la maison impériale ou leurs nombreuses conférences organisées afin de réhabiliter la mémoire de leur ancêtre. Allégories au président, messages de soutiens au président, plus vitriolés en direction de l’opposition qu’il accuse de tous les maux, la rumeur publique affirme depuis plusieurs années que le prince Orhan Osmano?lu souhaite entrer en politique. Il est vrai que le prince est très actif. Pas un seul jour sans que celui-ci ne commente l’actualité sur son compte Twitter qui est suivi par 85000 personnes****.

Restaurer la monarchie ? Ce n’est pas réellement le credo du prince Orhan Osmano?lu qui porte en permanence un pin's des armoiries de sa maison. Tout au plus, il souhaite le retour de la Grande Turquie (qui occupe toujours la partie nord de Chypre depuis 1974) et la reconnaissance officielle de l’œuvre politico-historique des Ottomans. Tous les espoirs sont désormais permis pour la maison impériale des Osmano?lu qui entend plus que jamais jouer un rôle d’importance et déterminant en Turquie. Mais sous couvert de Recep Tayip Erdogan, le nouveau hyper-président d’une Turquie qui ne cache plus ses velléités impériales et autres rhétoriques conquérantes.

Frederic de Natal

Publié le 26/06/2018

* : https://www.francetvinfo.fr/…/turquie-le-retour-de-l-empire…

** : https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-neo-ottomanisme-cle…

**https://vdhvoieroyale.wordpress.com/…/le-renouveau-du-neo-…/

*** https://vdhvoieroyale.wordpress.com/…/turquie-le-retour-en…/

**** : https://twitter.com/orhanosmanoglu?lang=fr

Date de dernière mise à jour : 07/05/2020

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