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Que sont devenus les héritiers de l'Empire byzantin ?

Le 29 mai 1453, c’est la consternation en Europe à l’annonce de la chute de Constantinople. Le Basileus Constantin XI Paléologue est mort sur les murailles de la capitale de l’Empire romain d’Orient qui s’écroule après mille ans d’Histoire. Pour les membres de la famille impériale qui ont survécu au sabre du sultan ottoman Mehmet II, c’est la fuite en avant. Que sont donc devenus les descendants de ces grandes maisons qui ont régné sur l’ancienne Byzance ?  

Lorsqu’il est couronné Empereur romain d’Orient en 1448, Constantin XI hérite d’un trône qui n’a eu de cesse de décliner au cours des siècles précédents. Profitant des nombreuses querelles dynastiques qui vont affaiblir la couronne byzantine, les Turcs seldjoukides ont progressivement conquis de nombreuses provinces qui étaient depuis des décennies sous le contrôle des Comnène, Doukas, Ange, Lascaris ou Paléologue. Ces familles qui ont successivement régné sur Constantinople. Le nouveau souverain a des qualités de chef d’État, qu’il a prouvé lorsqu’il a été nommé régent à de diverses reprises, mais il connaît aussi les faiblesses d’un empire divisé en plusieurs Despotats qui tendent vers l’autonomie. Les velléités expansionnistes du sultan Mehmet II menacent son pouvoir. Il tente alors d’unir l’Église orthodoxe et la Papauté afin de susciter l’esprit d’une croisade et renforcer les défenses de son Empire. En vain. A l’approche des Turcs qui vont assiéger Constantinople, Constantin XI est démuni. Il va résister durant plusieurs semaines à travers un héroïsme qui reste encore évoqué de nos jours par les historiens. Le 29 mai 1453, il expire son dernier souffle sur les murailles d’une cité qui s’apprête à changer de maître. L’Empire Romain d’Orient a vécu, l'aigle bicéphale a été décapité et pour les membres de la famille impériale qui ont survécu aux combats, c’est l’heure de l’exil. 

Le despotat de Morée, une survivance byzantine

Au lendemain de la chute de Constantinople, les membres de noblesse byzantine qui ont échappé au massacre se réfugient dans les derniers Despotats encore debout. Celui de Morée, en Grèce, est dirigé par le prince Démétrios II Paléologue (1407-1470). Le frère de Constantin XI a souvent fait preuve de rébellion au pouvoir, mais demeure encore le dernier rempart aux ambitions des Ottomans. Profitant de la querelle qui agite le trône de Morée (Démétrios, plus enclin à reconnaître le nouveau pouvoir turc par pargamatisme, s’oppose aux idées unionistes de son frère Thomas), et craignant une nouvelle croisade venue de l’Ouest, les forces de Mehmet II ne vont pas tarder à foncer sur le Despotat, sans rencontrer de réelle résistance. Démétrios II doit alors capituler le 29 mai 1460, donner sa fille en épousaille au sultan et se joindre à lui dans sa conquête du Péloponnèse. Le dernier souverain byzantin trouve finalement refuge à Andrinople, peu inquiété par les Ottomans qui le traiteront avec honneur avant de tomber en disgrâce sept ans plus tard. Il va finir le reste de sa vie dans la pauvreté aux côtés de sa fille (finalement jamais amenée dans le harem de crainte qu’elle n’empoisonne Mehmet II, elle décédera jeune). Thomas s’était, quant à lui, réfugié à Rome lors de la chute du Despotat, auprès du Pape Pie II, et avait monnayé sa protection en lui apportant les reliques de Saint André, reconnu comme le fondateur du siège patriarcal de Constantinople. Devenu un condottiere (et reconnu prétendant officiel du titre de Despote par le Saint-Siège), chef d’une compagnie de mercenaires, on ne sait pas grand-chose du reste de sa vie qui s’est achevée en 1465 à l’âge de 56 ans, laissant derrière lui 4 enfants. 

Constantin XI (gauche) et Thomas Paléologue (droite)

De Constantinople à Moscou, coule le sang des Paléologue

Le dernier Paléologue a fait souche. Hélène Paléologue (1431-1473) épouse le Despote de Serbie Lazar Branković avec lequel elle aura trois enfants (ligne éteinte), Andréas (1453 -1503) qui va reprendre les prétentions au trône byzantin (son sceau mentionne : « Imperator Constantinopolitanus ») et celui du Despotat de Morée. C’est en France qu’il va trouver une oreille attentive à ses velléités de reconquête après avoir échoué à mener de petites armées vers leur but ultime. Charles VIII va le convaincre d’abandonner ses prétentions byzantines à son profit pour ne conserver que celle du Despotat de Morée. Mais la conquête de Naples, passage obligé avant de partir vers Constantinople, fut finalement un désastre pour le roi de France qui dut rebrousser chemin et repartir vers son royaume (c’est en 1566 que les Valois cessent définitivement de revendiquer cette couronne impériale). Un échec qui marque la fin des espoirs du prince Andreas, endetté et désormais sans soutien, s’abandonnant à tous les « excès d’amour et plaisirs » terrestres. Une vie que les historiens jugent encore aujourd’hui très sévèrement. Sans enfants, c’est son frère Manuel (1455-1512) qui recueille la succession, mais n’en fait pas état. Il perd même les privilèges et pensions offerts par le Vatican et se réfugie à Constantinople avant de faire allégeance au sultan Bayezid II. Contre un apanage et une pension à vie, il renonce pour lui et ses enfants au trône de Byzance sans jamais atteindre les hautes marches de l’administration impériale en dépit d’efforts considérables en ce sens. Enfin, reste Zoé (1455-1503) qui va porter les espoirs de la dynastie en épousant le grand-prince de Moscou Ivan III et en donnant naissance à plusieurs enfants (une lignée officiellement éteinte en 1598 après le décès de Féodor Ier). C’est par la volonté du Sénat Vénitien que son époux recueille l’héritage impérial à la mort d’Andréas que la Russie reconnaissait d’ailleurs comme seul héritier au trône de Byzance. Depuis ce mariage, les empereurs de Russie se considèrent comme les seuls prétendants de l’empire défunt et les protecteurs du christianisme orthodoxe. 

Maurice Paléologue (gauche) et Carlo III di Tocco ,prétendant au trône byzantin (droite)

Les derniers héritiers d'un empire éteint

Les derniers descendants masculins certifiés comme tels des Paléologues ont disparu au début du XVIe siècle, mais cela n'a pas empêché les faussaires, les imposteurs (encore aujourd’hui les descendants d’un certain Eugenio Lascorz y Labastida (1886 –1962), qui a failli se faire couronner roi de Grèce dans les années 1920 avec l’accord du Patriarche orthodoxe de Constantinople, affirment être les seuls vrais prétendants au trône byzantin) et les excentriques de prétendre descendre des anciens empereurs (comme ceux qui descendent de Georges Comnène, prétendu fils de Don Carlos de Bourbon, le roi Charles XI de la Légitimité français), non seulement des Paléologues, mais aussi des dynasties dirigeantes antérieures de l'empire, dont plusieurs ont eu également de réels descendants. Certaines familles ont toutefois acquis une reconnaissance relativement large, comme les Angelo Flavio Comnène, descendants de la dynastie des Ange-Comnène (deux familles qui ont occupé le trône entre 1085 et 1204) et qui furent des potentiels candidats au trône de Grèce au cours du XVIIIe siècle. Du XVIe siècle jusqu'à leur extinction en 1933, la famille Tocco, descendante par lignée féminine du prince Thomas Paléologue, titulaire du Despotat d'Epire qu'ils tiendront jusqu'en 1479,  affirma être les seuls représentant la dynastie impériale byzantine. Pour autant, ses membres ne revendiqueront pas cette couronne, mais plutôt celle de la principauté d’Achaïe (Grèce) et dont les liens généalogiques se confondront avec celles  des Stuart dont ils porteront le nom. Il existe également des branches homonymes qui se sont établies dans les Balkans (une lignée chassée pour complot contre le Voïvoide de Valachie  va s’établir en France et lui donnera l’ambassadeur et diplomate de renom Maurice Paléologue, témoin des dernières heures des Romanov. Une autre a donné naissance à d’éminents politiciens roumains dont le ministre Theodor Paleologu, candidat à l’élection présidentielle de 2019). La maison Cantacuzène (qui a dirigé l’Empire de 1351 à 1357) passe du trône de Byzance à ceux de la Valachie et la Moldavie roumaine avant de s’éteindre au cours du XIXe siècle. À noter qu’une branche cadette des Paléologues (dite de Gavras) dirigera la principauté de Théodoros jusqu’à sa prise par les Turcs en 1475 (elle s’est éteinte en Turquie deux siècles plus tard). 

Demetrios Stefanopoli Comnene @wikicommons

Une branche byzantine française 

On trouve également une branche Stefanopoli-Comnène. Elle descend en ligne directe du dernier Empereur de Trébizonde, David II Comnène, destitué en 1461 par le sultan Mehmet II et qui le mit à mort deux ans plus tard pour avoir refusé de se convertir à l’islam. Une famille entière massacrée. Seul le prince Nicéphore, un de ses fils, réussit à échapper et se réfugier en Laconie où il va fonder une seigneurie. Ses descendants vont la diriger jusqu’en 1676 avant de devoir partir en Corse où ils établissent une nouvelle colonie et se mettent au service de la République de Gênes. Reconnu comme membre d’une maison impériale par Louis XVI (1782), le prince Démétrios Stefanopoli (1749-1821) a été considéré comme un sérieux candidat au trône de Grèce, poussé par le général Bonaparte à conduire une armée de libération en 1797. Un projet qui prendra fin avec la fin de la campagne d’Egypte en 1799 et les suites que l'on connaît. Un nom qui réapparaît lors de la guerre d’indépendance de Grèce avec son frère Georges Stefanopoli-Comnène (1756-1833) qui va faire acte de prétention au trône impérial (1830) avant de limiter ses demandes à un simple apanage grec pour d’obscures raisons financières. Il transmettra ses droits à son neveu et héritier Adolphe-Constant Geoffre de Comnène (1796-1849), officier de renom. Très proches de la mouvance monarchiste orléaniste, il existe encore de nos jours des descendants de la famille de Geoffre et des Stefanopoli-Comnène. Parmi lesquels, on compte Marie-Anne Comnène (1887-1978) célèbre romanicière française. 

La succession au trône impérial de Byzance n’est cependant plus relevée aujourd’hui. Elle s’est perdue dans les méandres de l’Histoire au fur et à mesure que les siècles se sont succédé et que les Ottomans se sont définitivement imposés aux yeux de la communauté internationale. Pourtant, les prétendants ne manquant pas,  elle demeure dans le subconscient des Grecs et des Roumains qui demeurent très attachés à leur passé, n’hésitent pas à le brandir comme le symbole d’une revanche à prendre au moindre accrochage avec la Turquie actuelle.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 31/08/2023

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