Depuis l'attaque du mouvement Hamas sur Israël, la Maison impériale de Turquie s'est engagée activement en faveur de la Palestine. Le prince ottoman Abdülhamid Kayıhan, descendant direct du célèbre sultan Abdul Hamid II, a appelé à l'unité du monde arabe pour défendre l'héritage de ses ancêtres. Ses déclarations, soutenues par le pouvoir en place à Ankara, mettent en lumière un mouvement de solidarité en plein essor en Turquie en faveur du peuple palestinien.
Dans le contexte de l'escalade de violence à Gaza, la Maison impériale de Turquie, exilée après la chute du Califat en 1924, a retrouvé une place prépondérante sur la scène internationale sous l'égide de Recep Tayyip Erdoğan. Reçus à diverses reprises par le président turc, les membres de cette famille royale sont devenus des porte-paroles influents.
Un prince qui ne cache pas son adhésion au panturquisme
Le prince ottoman Abdülhamid Kayıhan, 45 ans, fils du prince Haroun Osmanoglu (actuel prétendant au trône) et descendant direct du sultan Abdul Hamid II, est aujourd'hui l'un des leaders de cette voix impériale. Engagé politiquement, Abdülhamid Kayıhan a été co-fondateur du parti nationaliste Yeniden Refah Partisi (Nouveau Parti de la Prospérité) en 2018. Après quatre ans au sein de ce parti, il a rejoint officiellement le président Erdoğan pour les dernières élections, devenant ainsi un soutien actif du gouvernement. Marié, père d’un enfant, c’est un nationaliste panturque assumé. A la tête du Devlet-i Aliyye Ocakların, une organisation « basée sur la sensibilisation et l'héritage culturel que nous avons reçus de nos ancêtres », l’association affiche ses couleurs. « Toutes les terres natales et les géographies culturelles où l’Aliyye (la Sublime Porte-ndlr, surnom donné à l’empire turc régnait et opérait sont devenues des géographies du sang, des larmes et de la mort avec l’effondrement de l’Aliyye » explique sans ambage la page officielle de ce mouvement associatif.
Appel à l'Unité et Engagement pour la Palestine
Sur le compte Twitter (X) de l’association, suivi par 10 000 personnes, le ton est donné. Elle diffuse un message fort de soutien à la cause palestinienne, dénonçant vivement les actions israéliennes à Gaza, n’hésitant pas à caricaturer les juifs en « monstres assoiffés de sang palestinien ». Pour le descendant d’une longue lignée de souverains, il ne fait qu’aucun doute que la Turquie comme le monde musulman se doivent de soutenir le mouvement palestinien Hamas. « Avec la même détermination, nous déclarons notre décision de protéger la liberté de la Palestine et les droits de son peuple. Jusqu'à ce que la sioniste Israël lève le blocus sur les terres de Palestine et de Gaza, jusqu'à ce qu'il libère les prisonniers palestiniens, jusqu'à ce qu'elle se retire complètement du territoire. Nous continuerons notre lutte. Nous prions pour le djihad de nos frères moudjahidines en Palestine et pour qu’il soit victorieux (…) » déclare même Abdülhamid Kayıhan dans le Yeni Akit, un journal islamo-conservateur, s' alignant sur les positions du président Erdoğan. Au lendemain de l'attaque du Hamas sur Israël, le dirigeant turc a qualifié ce mouvement de « groupe de libérateurs ».
La Palestine ottomane
Depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP en 2001, la Turquie a adopté une politique néo-ottomane visant à rétablir son influence régionale. Cette stratégie s'est traduite par la réhabilitation de l'histoire de l'Empire turc et la glorification des grandes figures de la monarchie déchue. Parmi les régions ciblées par cette politique se trouve la Palestine, jadis un territoire sous la sphère d'influence de l'Empire turc pendant près de quatre siècles, bien qu'il ait été brièvement dominé par l'Égypte au XIXe siècle. Malgré des périodes d'inégalité dans son développement, la Palestine a connu une croissance économique notable, marquée par les premières vagues d'immigration juive. La ville de Jérusalem, au cœur de la Palestine, est devenue une mosaïque confessionnelle où les musulmans sont progessivement devenus minoritaires au cours des décennies qui se sont succédé. Avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, les grandes puissances européennes (France, Royaume-Uni et Russie) se sont entendus pour se partager les restes d'un empire affaibli, surnommé « l'homme malade ». En 1917, les Ottomans ont été définitivement chassés de la Palestine, permettant ainsi aux Britanniques de s'y installer pour quatre décennies avant que l’État hébreu ne soit finalement mis en place.
L'appel de la Maison impériale de Turquie à l'unité en faveur de la Palestine, incarné par le prince Abdülhamid Kayıhan, reflète un mouvement de solidarité croissant en Turquie. Alors que les tensions persistent à Gaza, elle tente désormais de rallier les nations arabes autour d'une cause commune et de s’imposer sur la scène politique dont elle avait quasiment disparue depuis un siècle.
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