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Les monarchistes népalais de retour au Parlement

Le 20 novembre 2022, les Népalais ont été appelés à renouveler leur Parlement et leurs assemblées provinciales. Une campagne marquée par l’émergence de nouveaux partis et de candidats indépendants, mais également du retour des monarchistes au sein de la chambre des Représentants. Un modeste succès qui pourrait permettre au Rastriya Prajatantra Party de réintroduire la question royale sur le devant de la scène. Pour ce scrutin, les partisans du roi Gyanendra Shah n’ont pas hésité à signer un étonnant accord d’alliance avec les communistes, pourtant tombeurs de la monarchie.

Depuis l’abolition de l’institution royale en 2008, aucun des gouvernements, qui se sont succédé, n’a pu terminer leur mandat. Sous le regard de ses voisins indiens et chinois qui, dans l’ombre, tirent les ficelles d'une politique anarchique, peu à peu, la République fédérale du Népal est devenue le jouet des différents partis qui se renversent mutuellement lors de motion de censure votée au gré d’alliances de circonstances. Frappé par une forte crise économique, qui n’a cessé de s’accentuer depuis deux décennies, le pays est désormais entièrement dépendant des aides étrangères et des retombées de son tourisme. Face au Congrès népalais (NC), au Parti communiste marxiste-Léniniste unifié (UML) et au Parti communiste-maoïste (CPN-M) dirigé par l’ancien guérillero et Premier ministre (2016-2017) Pushpa Kamal Dahal, les monarchistes tentent de tirer leur épingle du jeu en dépit de leurs nombreuses divisions.

Un mouvement, faiseur de rois en République

Violemment nationaliste et pro-hindou, le Rastriya Prajatantra Party (Parti démocratique du Népal ou RPP) a été fondé en 1990 par l’élite politique proche du roi Birendra Shah. Avec le Congrès népalais, le RPP a dominé la vie politique de la monarchie avant de connaître ses premières dissensions internes sept ans plus tard, miné par les ambitions personnelles de ses principaux cadres. Couronné roi pour la seconde fois de son existence, après le parricide dont a été victime son frère en juin 2001, Gyanendra Shah s’est appuyé sur le RPP pour gouverner et tenter de restaurer la monarchie absolue dans le pays. Un échec. Craignant un coup d’État du monarque, le Congrès népalais a fini par abandonner l’institution royale et faire alliance avec les rebelles communistes et maoïstes, des groupes armés mineurs jusqu'ici contenus dans les montagnes du Népal, laissant la route de Katmandou ouverte. Contraint de se réinventer par la suite, le leader du RPP, Kamal Thapa (ancien ministre) a pourtant réussi à rassembler les partisans de la royauté et leur permettre de siéger au parlement ( comptant le RPP-Népal dissident, également monarchistes, 34 députés ont été élus en 2013 sous les couleurs du roi) et même d’entrer par deux fois au gouvernement (après avoir envahi le Parlement en 2015) en occupant des postes importants comme ceux de la vice-présidence et des Affaires étrangères.

Le roi Gyanendra Shah met fin aux dissenssions internes du RPP

Mais la gestion très autoritaire de Kamal Thapa, les nombreuses sécessions et réconciliations ont fini par affaiblir le mouvement royaliste. Aux élections de 2017, ils n’ont pu conserver qu’un seul siège. Bien que leur capacité de mobilisation ne se soit pas éteinte pour autant (comme en décembre 2021 où des centaines de milliers de personnes ont investi les principales villes du Népal, réclamant le retour de la monarchie), afin de mettre fin aux crises internes du RPP, le roi Gyanendra Shah est intervenu directement et a poussé Thapa vers la porte de sortie de son propre parti (l'ancien leader a depuis abandonné l’idée monarchique, affirmant « qu’il n’y avait plus d’espoirs » et fustigé l’ingérence du souverain). Le monarque, 75 ans, jouit encore d’une bonne assise populaire, apparaît comme un élément de stabilité et n’hésite pas à intervenir régulièrement et publiquement dans les affaires du pays. Au grand dam de l’extrême-gauche qui n’ose cependant pas l’expulser du pays ni lui retirer les privilèges dont il jouit.

 

 

Un parti nationaliste et anti-fédéraliste

Pour ces élections, les royalistes ont décidé de signer un accord avec le Parti communiste marxiste-Léniniste unifié, pourtant tombeur de la monarchie. Face aux accusations dont il a été la victime de la part de ses opposants, le leader de l’UML, l’ancien Premier ministre (2015-2016 et 2018-2021) KP Sharma Oli a déclaré qu’il n’entendait pas remettre le roi au pouvoir, contrastant avec les propos de présidente communiste Bidya Devi Bhandari qui n’a pas tari d’éloges sur Gyanendra Shah et qui a même dîné avec lui lors d’une réception de mariage. De son côté, le leader du RPP, le député Rajendra Prasad Lingden a tenu à rassurer les Népalais que leur but n’était pas de prendre le pouvoir, mais de contribuer à remettre le pays sur les rails avant de reposer la question du roi. Dans son programme, la fin du fédéralisme, la mise en place de l’hindouisme comme religion d’État (les chrétiens sont régulièrement visés et attaqués par les ultra-monarchistes), une monarchie constitutionnelle où le roi n’aurait aucun pouvoir (à diverses reprises, il a été évoqué une royauté purement théocratique et héréditaire.) mais dont l’influence permettrait d’équilibrer les rivalités sino-indienne, limitation du Premier ministre à deux mandats et l’instauration du commission d’enquête sur la corruption au sein de la classe politique. Un vrai défi pour les royalistes au sein d’une coalition hétéroclite qui n’a choqué personne et un accord entre les deux partis qui a été fidèlement respecté. Rien d’étonnant quand on sait que le RPP et l’UML ont déjà gouverné ensemble. En réponse, le Congrès népalais s’est empressé de rallier sous son parapluie les maoïstes de Pushpa Kamal Dahal.

Le retour des monarchistes au Parlement

Un coup politique qui a produit ses effets selon les premiers résultats provisoires de cette nouvelle élection législative et provinciale. Bien qu’il soit encore difficile de déterminer lequel du Congrès népalais (droite) menée par le Premier ministre sortant Sher Bahadur Deuba (ce proche de roi Gyanendra Shah a occupé ce poste cinq fois depuis 1997) ou de l’UML de KP Sharma Oli a remporté ces élections tant ils sont au coude-à-coude, les royalistes sont assurés d’avoir entre 5 et 10 sièges au Parlement fédéral et plus de 10 sièges dans les assemblées provinciales (soit 7 à 10% des voix). Un modeste succès qui permet aux monarchistes du RPP de pouvoir espérer une entrée au gouvernement en cas de défaite du Congrès népalais. Selon l’Annapurna Express, le retour des monarchistes au parlement permet désormais aux forces anti-fédéralistes de devenir une opposition unique à la chambre.

Resté silencieux une large partie de la campagne (le 14 octobre 2022, dans une vidéo, il a appelé le Népal à « retrouver ses traditions et préserver sa culture face aux incursions étrangères, de défendre la nation, la démocratie, la famille afin que le pays conserve son unité ») , le roi Gyanendra Shah attend les résultats, laissant toujours son ombre tutélaire planer au-dessus de la vie politique pleine de rebondissements et tumultueuse du Népal.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 23/11/2022

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