« Je ne suis pas roi. C’est juste la récompense qui a été donnée à ma famille pour ses bonnes actions. Et j’ai juste gagné le respect des uns et des autres pour cela ». C’est un royaume tibétain, oublié de tous, mystérieux, niché dans les montagnes de l'Himalaya et célèbre pour ses grottes troglodytes. Depuis la révolution de 2008 qui a mis fin à la monarchie népalaise dont il a été le fidèle vassal, le Mustang n’est plus qu’un simple district de la république fédérale. Dépossédée de ses régalia, la famille royale bénéficie toujours d’une forte aura parmi ses anciens sujets. Loin des ors de ses anciens palais, le prince héritier Jigme Tsewang Bista a dû se reconvertir dans l’hôtellerie afin de survivre en attendant que le grand dragon veuille bien jeter de nouveau un œil compatissant sur son fils et lui permettre de revenir sur son trône enneigé.
Au Mustang, on suit l’évolution de la situation politique népalaise avec intérêt. Tous les espoirs sont permis depuis qu’on évoque de plus en plus une restauration du roi Gyanendra Shah sur son trône. Ancien royaume, la maison royale de cette province népalaise a partagé le destin de la famille royale des Bir Bikram renversée par une révolution en 2008. Il n’a pas fallu peu de temps aux communistes et aux marxistes pour se ruer au palais du roi Jigme Dorje Palbar Bista et le prier de bien vouloir le quitter immédiatement, ses pouvoirs séculaires jetés sans ménagement dans les oubliettes de l’histoire. Faute d’armée, le souverain s’est plié au vent du changement et a accepté de « prendre sa retraite ». Il était roi depuis 1964, traité d’égal à égal par les rois népalais qui avaient beaucoup de respect pour ce monarque théocrate qui puisait son pouvoir dans l’enseignement tibétain et dont on dit que sa lignée remonte jusqu’au roi Songtsen Gampo, un souverain tibétain du VIème siècle. Régnant sur plus de 10 0000 habitants, durant des siècles, le roi du Mustang est resté reclus dans ses montagnes, préservant ainsi toute son indépendance et ses secrets. Avec le développement du tourisme, le royaume a dû s’adapter et ouvrir ses routes, jusqu’ici seulement accessibles à dos d’âne, à cheval ou à pied.
Jigme Dorje Palbar Bista est décédé en 2016 à l’âge de 86 ans. Sa famille avait accepté en 1790 de reconnaître la tutelle de la maison royale du Népal en échange de sa protection. Les deux familles ont toujours cohabité sans jamais tenter de prendre l’ascendant sur l’autre et peu importe si ses frontières n’étaient que de papier. Même l’empereur de Chine avait reconnu leur statut de monarque. Aujourd’hui, l’héritier de la monarchie dirige un complexe hôtelier. Et si Jigme Tsewang Bista reste modeste, ne fait guère état de sa qualité princière, au Mustang (que l’on appelle aussi Lô), le neveu du précédent souverain est toujours révéré comme s’il était un roi en exercice. « Nous respectons notre roi, nous ne faisons rien sans sa permission et peu importe ce qu’est devenu le Népal, nos croyances n’ont pas disparu, elles sont toujours là » assure un habitant du Mustang au micro du journaliste de « My Republica ». « Tant que le roi n’est pas satisfait, le travail n’est pas achevé » poursuit-il.
« Je ne suis pas roi » s’empresse de corriger Jigme Tsewang Bista. « C’est juste la récompense qui a été donnée à ma famille pour ses bonnes actions. Et j’ai juste gagné le respect des uns et des autres pour cela » explique celui qui a été à la tête de l’office royal d’excursions du Mustang du temps de la monarchie. Ce presque quinquagénaire a été élevé en prince héritier, son oncle n’a jamais eu d’enfants. Il s’est pleinement reconverti dans le tourisme et profite de sa liberté pour tenter de préserver l’environnement du royaume qui a beaucoup souffert lors du tremblement de terre de 2015 et qui a également touché le palais royal. Depuis plus personne n’y habite et reste soumis aux forces du vent. Il est conscient qu’il est toujours vu comme « le gardien de la tradition » mais le « Distingué baron », son titre nobiliaire, préfère désormais s’en remettre aux voies du ciel. Depuis les Etats-Unis où il réside, il attend patiemment que le Grand dragon vienne de nouveau se reposer sur les chaînes de montagne qui entourent le Mustang et boire avec lui un thé au beurre de yak. Une monarchie, « l'un des rares endroits dans l’Himalaya ayant gardé inchangée sa culture tibétaine » selon le Dalaï Lama, qui conserve encore tous ses mystères et qui pourrait être bientôt restaurée si les népalais le décident lors des prochaines élections législatives.
Copyright@Frederic de Natal