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Le descendant des Empereurs moghols réclame la protection de l'ONU

Le prince Yakub Habeebuddin Tucy, descendant du dernier empereur moghol Bahadur Shah Zafar, a écrit au Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, pour lui demander la protection du tombeau d'Aurangzeb menacé de destruction par les hindouistes.

Tigres chassés à dos d’éléphants, Maharadjahs, Nizams, Nababs et autres Rajahs nageant dans l’opulence de palais fastueux aux abords du mythique fleuve sacré du Gange, les stéréotypes de l’Inde mystérieuse ont été largement exploités par Hollywood. Le prince Yakub Habeebuddin Tucy, 56 ans, est le prétendant officiel à la couronne moghole depuis 2002, date à laquelle une cour de justice a reconnu ses prétentions comme légitimes.

Mutawalli (Gardien de la couronne), le descendant à la 6ème génération du dernier empereur moghol, ne ménage pas ses peines pour s’imposer comme l’unique héritier d’un empire jadis puissant. « Nombreux sont ceux qui prétendent être des descendants moghols. Il y a une femme à Calcutta et quelques familles au Cachemire qui ont fait de telles revendications, mais elles n'ont aucun document pour prouver leur lignée », assure celui qui a du tout de même du prouver par des analyses génétiques qu’il descendait bien des shahs moghols qui ont régné trois siècles sur l’Inde.

Mais c'est pour une raison toute différente qu'il fait l'actualité. Le prince est en colère et l’a fait savoir en écrivant directement au Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, à grand renfort de publicité sur ses réseaux sociaux, afin qu’il intervienne pour protéger le tombeau de l’Empereur Aurangzeb. Cette demande intervient près d'un mois après l'éclatement de violences à Nagpur lors d'un rassemblement d’utra-hindouistes exigeant le retrait du tombeau du souverain situé à Kuldabad, dans le district de Chhatrapati Sambhajinagar (anciennement Aurangabad), au Maharashtra.

Protecteur du tombeau de l'Empereur Aurangzeb

Dans sa lettre, le prince Yakub Habeebuddin Tucy a rappelé que le tombeau a été déclaré « Monument d'importance nationale » et qu’il reste protégé par la loi de 1958 sur les monuments anciens, les sites et vestiges archéologiques. « Conformément aux dispositions de ladite loi, aucune construction, modification, destruction ou fouille non autorisée ne peut être entreprise sur,, ou, à proximité du monument protégé, et toute activité de ce type serait considérée comme illégale et punie par la loi », peut-on lire dans la lettre adressée au Secrétaire général de l'ONU.

Il a dénoncé l'état du tombeau et a déclaré que des forces de sécurité devaient être déployées pour le protéger. « La représentation déformée de factions historiques à travers les films, les médias et les réseaux sociaux a permis la manipulation de l'opinion publique, ce qui a donné lieu à des protestations injustifiées, des campagnes de haine et des actes d'agression symboliques tels que l'incendie d'effigies », a-t-il dénoncé dans sa lettre officielle. Il a également souligné que le droit international impose l'obligation de « sauvegarder et conserver le patrimoine culturel au profit des générations présentes et futures ». La lettre cite d’ailleurs la signature par l'Inde de la Convention de l'UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, et ajoutait : « Tout acte de destruction, de négligence ou de modification illégale de tels monuments constituerait une violation des obligations internationales.».

Il a exhorté le bureau du Secrétaire général des Nations Unies à se saisir de la question et à ordonner au gouvernement central et à l'ASI de veiller à ce que la tombe d'Aurangzeb bénéficie d'une « pleine protection juridique, sécurité et préservation, conformément aux lois nationales et internationales ».

L’Empire moghol fut un puissant et influent empire de l’histoire de l’Inde. Fondé au XVIe siècle par Babur, un descendant de Tamerlan et de Gengis Khan, cet empire musulman d'origine turco-mongole a régné sur une grande partie du sous-continent indien pendant plus de trois siècles. Alliant autorité militaire, raffinement culturel et tolérance religieuse (du moins à certaines périodes), l’Empire moghol a profondément marqué l’histoire, l’art, l’architecture et la société de l’Asie du Sud. Il a compté de nombreux souverains conquérants tel qu'Akbar le Grand, Shah Jahan ou encore Aurangzeb.

Un empire puissant mais objet de l'ire des hindouistes

Aurangzeb est un souverain qui cristallise toutes les passions encore aujourd’hui. Durant son règne (1658-1707), il  impose une vision plus rigoriste de l’islam et marginalise les autres communautés religieuses, notamment les hindous. Bien qu’il étende l’empire jusqu’à son apogée territorial (il gouverne alors une population de 158 millions de sujets et avec un revenu annuel, à l’époque, 10 fois supérieur au roi Louis XIV), sa politique autoritaire provoque des révoltes, notamment celle des Marathes. Après sa mort, l’empire entre dans une longue période de déclin. Les successeurs d’Aurangzeb sont faibles et incapables de maintenir l’unité de l’empire. Les Britanniques, à travers la Compagnie des Indes orientales, profitent de cette instabilité pour s’imposer progressivement. En 1857, lors de la révolte des Cipayes, les derniers vestiges de l’Empire moghol sont balayés. Le dernier empereur, Bahadur Shah II, est exilé à Rangoon par les Britanniques. L’Empire moghol disparaît officiellement, laissant la place à l’Empire britannique des Indes.

En 2017, un des députés nationalistes du BJP de l’état de l’Uttar Pradesh avait ni plus ni moins qualifié la maison moghole de « tâche sur la culture indienne » quand un autre fustigeait parallèlement un règne épris « d'exploitation, de barbarie et d'intolérance incomparable ». « Lion d’or rugissant sous le soleil », le prétendant au trône avait levé l’oriflamme de sa dynastie : « Que ressentirait-on si un de vos ancêtres était autant maltraité ? Mon sang bout, mais je ne peux rien y faire. Je ne suis pas un empereur comme mes ancêtres », avait regretté alors  le prince Yakub Habeebuddin Tucy au Sunday Standard.

« (..) Je peux dire avec fierté que jusqu'à neuf reines mogholes étaient des hindous. Ils n'ont pas pillé ce pays, mais l'ont fait sien en construisant des monuments, qui génèrent aujourd'hui des recettes considérables pour le gouvernement. Nous ne demandons rien du gouvernement. Mais le moins que nous attendons est un peu de respect pour nos ancêtres », a déclaré le prétendant au trône, Père de plusieurs enfants, barbe blanchie par le temps, il a créé une fondation officielle afin de préserver l’héritage culturel des moghols

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Date de dernière mise à jour : 17/04/2025

Commentaires

  • Claude Spiller-Bellantonio

    1 Claude Spiller-Bellantonio Le 17/04/2025

    Merci pour ces explications

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