Le Gouvernement temporaire du Mandchoukouo (GTM), véritable mouvement monarchiste chinois ou paravent pro-japonais . Le 3 mai dernier, c’est une curieuse lettre qui a été réceptionnée par le ministère des affaires étrangères à Washington. Ornée des couleurs du drapeau de l'ancien empire du Mandchoukouo de fond jaune avec un rectangle composés de bandes rouge, bleu, blanche et noire, son auteur, le plus sérieusement du monde, a annoncé aux fonctionnaires (que l’on pourra imaginer décontenancés) qu’il avait décidé de nommer un ambassadeur impérial aux Etats-Unis. Qui sont donc ces chinois qui souhaitent rétablir la monarchie en Mandchourie ?
L’état a eu à peine 13 ans d’existence. Pour certains, le Mandchoukouo (littéralement : « État de Mandchourie ») ne fut qu’un état fantoche entre les mains des Japonais durant la seconde guerre mondial, pour d’autres la survivance légitime de ce que fut l’ancien empire des Qing, renversé par une révolution en 1911 après 3 siècles de pouvoir quasi –ininterrompu. A sa tête, l’empereur-dragon de dix milles ans, Aisin Gioro Pu-Yi qui avait pris le nom de Kangde (bien-être et vertu). Il ne fut reconnu que par la plupart des pays de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo, quelques pays sud-américains, le Vatican même ou encore par le Régime de Vichy. L’empire sera utilisé comme base arrière militaire, vaste camp de travail forcé pour les chinois, colonie de peuplement japonais ou encore terrain propice aux expériences bactériologiques en tout genre. L’empereur enfermé dans son palais ne vit rien ou ne voulut rien voir, trop heureux d’avoir retrouvé son titre impérial. En 1945, les bombes atomiques lâchées par les américains sur Nagasaki et Hiroshima allaient sonner le glas d’un état qui devait entrer dans l’imaginaire de chacun largement alimenté par le film « le dernier empereur » de Bernardo Bertolucci.
Poursuivis, les monarchistes sont exécutés pour trahison ou envoyés dans de nombreux camps de rééducation comme celui de Fushun qui allait accueillir l’empereur et son frère, divers membres du gouvernement défunt. L’histoire ne devait cependant pas s’arrêter là. La montée progressive du nationalisme au Japon, durant les 5 décennies suivantes, teinté par certain révisionnisme, va aussi permettre celle de la résurgence d’un monarchisme officiellement chinois.
En 2004, un communiqué placé sur un site internet mis en ligne à cette occasion, annonce la création du Gouvernement temporaire du Mandchoukouo (GMT-???????). Pour Pékin, qui s’en émeut que peu mais qui se permet toutefois de réagir, il s’agit là simplement d’un de ces groupuscules montés de toutes pièces par des mouvements ultra-nationalistes comme celui de la Nippon Kaigi, organisation-lobby qui a infiltré tout l’appareil d’état et dont le but avoué est « restaurer la gloire impériale défunte et notamment la monarchie absolue et divine». Nul ne sait d’ailleurs qui est la tête de ce groupe monarchiste dont les membres sont le plus souvent aperçus au milieu de manifestations nationalistes …japonaises. Tout au plus évoque-t-on un membre de la maison impériale chinoise (ancien vice maire de Tapeï), résident à Taïwan, considérée par la Chine communiste comme une île sécessionniste. D’ailleurs pour le Parti communiste chinois (PCC), meilleure preuve que l’implication du « GMT » au côté du Kuo Min Tang, lors de l’élection présidentielle de 2009
Le mouvement est controversé. Membre de l’Organisation des nations et des peuples non représentés (UNPO, fondée en 1991), il se caractérise par sa violente opposition à tout régime communiste. L’origine de ses fonds est tout aussi mystérieuse que ses leaders. Vente de pseudo-passeports, timbres à l’effigie de l’ancien état impérial, décorations, pin’s, crypto-ambassades en Europe, pour Simon Shen, expert reconnu sur l’histoire du nationalisme japonais, celui-ci suspecte autant une escroquerie qu’un vaste plan des ultra-nationalistes japonais qui tenteraient ici d’insuffler l’idée de résistance aux Mandchous face à Pékin. Ou ailleurs. En Papouasie-Nouvelle-Guinée ou dans le Turkestan chinois, du Tibet à la Mongolie, le GMT affirme avoir envoyé des combattants aider les rebelles des différents mouvements indépendantistes présents en Chine. Sans jamais en apporter la moindre preuve. Parmi ses soutiens actifs et affichés, Toshiaki Kawashima, qui n’est autre que le neveu de «Perle d’Orient », la Mata-Hari de la famille impériale et cousine de Pu Yi, qui réside au Japon ou un certain Dokuritsu Aisin Gioro , qui affirmant être membre de la maison des Qing (il n y a aucune trace cependant de ce « prince » au sein de l’arbre généalogique de la dynastie), s’est proclamé légitime empereur du Mandchoukouo et dirigerait le mouvement. « Un paravent avoué de la Nippon Kaigi » selon Simon Shen qui rappelle que ses cadres n’ont jamais admis la défaite comme l’occupation américaine.
Récemment le mouvement s’est doté d’un parti politique, l’Association de Concorde de Mandchourie, dont la principale page sur les réseaux sociaux affiche à peine 2000 membres. Pour les autorités de Pékin peu d’inquiétudes à avoir tant son pouvoir de nuisance ne semble pas dépasser le cadre du Japon ou d'iinternet (versant dans la nostalgie d'un passé ancestral révolu) et ses chances de remettre un empereur sur le trône de ses ancêtres quasi-nulles. Il est d’ailleurs autant inconnu en Mandchourie que pour l’opposition démocratique chinoise en exil qui ne lui apporte aucun crédit. Même la famille impériale n’a jamais émis le moindre soutien officiel...au risque d’encourir l’ire du PCC.
En mai 2011, agacé par les agissements de ces monarchistes, un chroniqueur Du journal NOWnews avait surnommé l'organisation monarchiste, dans le cadre d'une vague de protestations contre l'indépendance de Taïwan et de manière méprisante, de « honte du peuple du nord-est de la Chine ». De quoi lui donner une tribune inattendue. 73 ans après la chute de la monarchie, les dissensions demeurent encore et toujours autour de l’ancienne histoire impériale de la Chine.
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Publié le 3/07/2018