La casa real Incaïca

Jeune incaLa « Casa Real Incaica » (Maison Royale Inca) a été officiellement identifiée et reconnue. Financées par la National Geographic Society depuis 11 ans et dans le cadre du « South American Genographic Project », l’équipe du docteur Fabricio Santos de l'Université Fédérale du Minas Gerais (UFMG), composée de péruviens, de brésiliens et de boliviens, a annoncé le 19 mars dernier avoir terminé les recherches ADN entreprises afin de déterminer qui étaient les descendants des derniers souverains Incas *. Des aventures de Tintin à la recherche du Temple du Soleil au manga des Mystérieuses Cités d’or, qui n’a pas rêvé enfant ou adolescent de se muer en un conquistador le temps d’une journée afin de trouver les survivants d’un empire fabuleux situé aux confins d’un monde inexploré ?

C’est à partir des squelettes momifiés des anciens souverains que l’on a pu prélever les premiers échantillons qui ont permis d' extraire les tissus ADN nécessaires à une étude comparative portée sur plus de 12 familles susceptibles de descendre des derniers Sapa Incas. Depuis le 4 novembre 2004, 380 membres de la maison impériale Inca se sont réunis au sein d’une association baptisée « Conseil des 4 incas » (en référence au Tahuantinsuyo, ou «Empire des Quatre Régions») et fort de leurs leurs armoiries officielles accordées par Charles Quint en 1545, la Casa Real Incaica (Maison Royale Inca) revendique désormais un statut officiel de représentation culturelle en Amérique du Sud.

Pourchassés par les différents pays qui prennent leur indépendance, seule l’Argentine se souviendra de ses empereurs et de leurs descendants envoyés en Espagne. En 1816, on rappelle un prince inca sur le trône, le prince Dionysos Yupanqui. Il ne sera pas couronné et le fameux « Plan Inca » voulu par le général Manuel Belgrano (1770- 1820), qui avait pourtant retenu le soutien des divers caciques indiens, ne verra pas le jour. Les indépendantistes trop divisés entre monarchistes (eux-mêmes fractionnés entre pro-incas et pro-Bourbons) et républicains, habitants des pampas contre ceux des grandes villes, ils finiront par opter pour le fédéralisme bolivarien et de ne plus voir en eux qu’une vulgaire une relique du passé.

Alfredo Inca RocaEn 2012, ils font l’objet d’un premier reportage grâce au généalogiste néerlandais Ronald Elward, soucieux de savoir si les prétentions de ces descendants supposés étaient fondées.Au Pérou, Elward, s’est vite aperçu que la question des incas étaient une source de polémiques récurrentes. Pour un certain nombre de créoles, c’est un sujet dont il fallait éviter de parler. Entre intérêt et dédain, Ronald Elward avouera volontiers que les registres avaient été bien tenus du temps des Vice-royautés avant qu’elles ne sombrent toutes dans la guerre civile au cours du XIXème siècle. Facile donc pour identifier et retrouver les membres de cette maison royale mythique dont le nom ne peuplait plus que nos livres d’histoire. Et d’histoire avec un grand « H », il en est question justement !

Depuis son arrivée sur les côtés sud-américains, Francisco Pizarro rêve de renouveler l’exploit d’Hernan Cortes, un aristocrate espagnol qui avait mis à genoux l’empire Aztèque. Pour lui et son acolyte (plus tard rival) Diego Almagro, ce sera la conquête de l’empire Inca, au cœur de la chaîne de montagne des Indes. Il n’a emmené avec lui à peine que 200 personnes, des soldats de fortunes, des aventuriers avides de richesses et 37 chevaux. Quand il arrive dans l’Empire, celui-ci est déjà secoué par une violente guerre civile entre l’inca Atahualpa et son frère Huascar. Le 16 novembre 1532, prétextant une rencontre avec le Sapa, il l’exhorte à se convertir au catholicisme. Atahualpa ,qui ne sait ni lire ni écrire, regarde la bible avec un sentiment de dégoût de mépris, jette le saint livre à terre dans la poussière. Les conquistadors viennent de trouver le prétexte pour s’emparer de l’Empereur qui n’a que des flèches ou de lances à leur opposer. Prisonnier des espagnols, un jeu de dupes s’installe entre Pizarro et l’Inca. Il tournera à l’avantage du premier qui fera étrangler son rival le 29 août 1533 après avoir obtenu une rançon et la tête de Huascar. L’empire se maintiendra encore dans la forteresse-état de Vilcabamba jusqu’en 1572 avant de tomber (le Sapa Tupac Amaru Ier sera exécuté en septembre de cette année), les espagnols se déchireront dans une guerre fratricide ou les héritiers des deux conquistadors s’assassineront mutuellement.

Reproduction de cérémonie incaMais alors qui sont aujourd’hui les descendants des Sapas ? La maison royale Inca, appelée « Ayllu Real » se divisent actuellement en plusieurs branches : Celle du 10ème souverain Túpac Inca Yupanqui (1441-1493, empoisonné ?), aînée appelée « la panaca, va rallier les espagnols lors de la guerre civile lors l’affrontement sanglant entre les troupes d’Atahualpa et de Huascar. En raison de leur fidélité, les princes de cette branche obtiendront des privilèges inhérents à leurs rangs et des chefferies de Cuzco à d’autres situées dans le Haut- Pérou. Parmi ses descendants, on peut citer Hernan Siles Zuazo qui fut président de Bolivie à diverses reprises, la reine Maxima Zorreguieta des Pays-Bas ou encore le président péruvien, José Luis Bustamante y Rivero . Une seconde lignée issue de ce rameau descend de Varbola Yupanqui Coya, nièce (ou petite – fille ?) de Túpac Yupanqui et femme du conquistador Garcia Diaz de Castro . On y trouvera également de grands noms associés à l’histoire du Chili dont le plus contemporains est l’actuel Président Sebastián Piñera.

Descendant de l’Inca Hyuana Capac (de 1493 à 1527) par Atahualpa, cette branche de la maison royale se serait principalement installée en Equateur et aurait disparue au XVIIème siècle. Cependant pour les généalogistes des doutes subsistent et il se pourrait qu’il existe encore des héritiers au dernier grand inca connu de notre histoire européenne. Les chercheurs se sont donc attardés sur le prince Cristóbal Paullu Inca (1518-1549), seigneur de Cuzco et frère de Manco Capac II Inca (brièvement empereur de 1533 à 1536, assassiné), rallié aux espagnols et qui par testament déshérita étrangement sa large progéniture. Son fils, Carlos (1537-1582) fut néanmoins nommé prince héréditaire de Cuzco (rétablit sans ses droits par la Couronne espagnole) et résida au palais de Colcampata. Son rôle fut toutefois symbolique mais il n’en demeura pas moins qu’il fut le seul inca à posséder un titre de souverain et à être à l’origine de la première génération de créoles nés au sein de la maison royale, notamment avec son fils Melchor Carlos Inca et Esquivel (1571-1610). Titré chevalier de Santiago, aussi catholique qu’il fut coureur de jupons dès l’adolescence, il engendrant au passage quelques enfants illégitimes (dont Juan Melchor Carlos Inca 1592-1630).

Princesse IsabelUne branche cadette donnera un des plus grands noms des guerres d’indépendance avec le prince Justo Apu Sahuaraura Inca (1770- ?) qui se distinguera en aidant « El Libérador » Simon Bolivar à échapper aux troupes royales avant d’obtenir la députation d’Aymaraes en 1826. Il a laissé derrière lui un ouvrage des plus complets, intitulé « Souvenirs de la monarchie péruvienne ou esquisse de l'histoire des incas ». Une Bolivie qui aura encore compté récemment deux membres de la famille royale inca parmi son gouvernement avec le ministre des affaires étrangères , David Choquehuanca Céspedes (de 2006 à 2017) du Président Evo Morales (le premier indigène à gouverner un pays sud-américain qui a repris à son compte la symbolique inca comme son drapeau multicolore) et l’actuel 34ème vice-président bolivien, Victor Hugo Cardenas Condé.

Si les branches descendantes de Manco Capac II se sont éteintes en 1740 mélangeant leur sang avec des hauts noms de la noblesse espagnole comme les Garcia de Loyola et celles de Tupac Amaru Ier en 1932 (où figure le célèbre inca José Gabriel Condorcanqui Tupac Amaru II (1738-1781) qui se fit reconnaître empereur et qui prit la tête d’une révolte messianique (Grande Rébellion) restée célèbre dans l’histoire sud-américaine), « le Conseil des 4 incas » avait désigné comme prétendante au trône la princesse Isabel Atayupanqui Pachacútec** et obtenu sa reconnaissance par les autorités de Lima. Un privilège qu’elle n’aura pas eu le temps d’apprécier longtemps puisque en 2014, elle a rejoint ses ancêtres sur le dos du grand condor à l’âge vénérable de 90 ans.

2 ans avant son décès, elle avait accordé une interview à «El Comercio» où elle affirmait en Quéchua, la langue des incas, que dans sa jeunesse, certains la révéraient encore comme la dernière princesse d’un empire défunt qui ne demandait qu’à revivre. Aujourd’hui, les descendants des derniers incas, ces enfants du Soleil, vivent dans les quartiers de San Sebastina et de San Jeronimo de Cuzco. Largement oubliés, ils se sont fondus dans la population, assurant encore de leur présence discrète la préservation de la culture inca au cours de de cérémonies officielles où ils sont invités lors de festivités organisées par les mairies du pays (comme pour l'Inti Raymi) . Et si un blog*** a été créé afin de suivre les activités de la maison royale et de sa généalogie complexe, aucun parti politique actuel ne se revendique de leur héritage monarchique encore moins ne songe à restaurer le Tahuantinsuyo. Y compris les mouvements royalistes sud-américains désormais tournés vers les droits de la maison royale des Bourbons, héritière d’une aventure qui marque encore l’imagination de nos contemporains, mais non sans controverses.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 05/04/2018

* : https://elcomercio.pe/somos/son-herederos-nobleza-inca-peru-noticia-503283

** : https://www.youtube.com/watch?v=3rKB6ImN7D4: La princesse Isabel Atayupanqui Pachacútec (reportage en Espagnol)

http://dinastiasperubolivia.blogspot.fr/

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