Monarchies et Dynasties du monde Le site de référence d’actualité sur les familles royales

Le Kyabazinga du Busoga déclaré illégitime, restera sur son trône

Gabula Nadiope IVC’est un jugement définitif qui est fébrilement attendu au Busoga. Royaume traditionnel d’Ouganda, la Haute-cour de Jinja doit déterminer si l’actuel roi (Kyabazinga) Gabula Nadiope IV, qui vient de fêter son septième anniversaire de couronnement, est bien le légitime souverain de cette monarchie restaurée en 1996. Soutenu par le président Yoweri Museveni, le roi Gabula Nadiope IV est contesté par une branche de sa famille qui estime que le prince Edward Columbus Wambuzi est généalogiquement le mieux placé dans l’ordre de succession de cette monarchie élective.

C’est une affaire qui passionne les ougandais. Le 14 septembre, la Haute-cour de Jinja a surpris tout le monde en annonçant que l’élection du Kyabazinga sur le trône du Busoga, William Gabula Nadiope IV (32 ans), était illégale. Depuis sept ans, une partie de la maison royale de ce royaume nilotique, menée par le prince Edward Columbus Wambuzi, conteste la désignation comme souverain par un conseil de onze chefs traditionnels de l’actuel monarque. Lequel est soutenu par le président Yoweri Museveni qui a signé l’acte de restauration de cette monarchie abolie par un de ses prédécesseurs. Lorsque l’information a été connue, le principal intéressé fêtait son anniversaire de couronnement en grande pompe devant ses partisans.

Ezekiel tenywa wakoLe Busoga a été officiellement découvert qu’en 1862. A en croire l’administration anglaise de l’époque, la découverte de ce peuple est l’œuvre d’un explorateur de la Royal Geographical Society, John Hanning Speke. Un explorateur au demeurant plus célèbre par sa découverte des sources du Nil que par celle du Busoga. Pourtant, c’est au XVIème siècle que le prince Mukama Namutukula du clan Baisengobi décide de s’émanciper du royaume du Bunyoro et de fonder une petite monarchie au nord de l'Ouganda actuel. Il divise ses territoires entre ses cinq fils, empruntant ses prérogatives à celle de son état de naissance. Le Busoga est un exemple de réussite monarchique sur le plan local. En subdivisant son royaume et en donnant les mêmes quantités de pouvoir à ses cinq fils, Mukuma a ainsi évité une guerre civile à son royaume. Cette monarchie fédérative va prendre forme administrativement sous le protectorat anglais (1906) et servira de base constitutionnelle au futur royaume ougandais. D’ailleurs, les Anglais vont désigner un bougandais (Kagunkulu) pour diriger ce royaume après la mort de malaria du Prince Yosia Nadiope I (de 1906 à 1913) auquel les colons refusaient pourtant de lui reconnaître le titre de souverain du Busoga.

William Wilberforce Nadiope IILes territoires du Busoga vont peu goûter à cette intrusion du Bouganda dans leurs affaires internes. Pour éviter toutes rébellions des chefferies, les anglais décident d’envoyer les fils des princes en Angleterre recevoir une éducation plus … britannique. En faisant cela, les anglais laissaient croire aux princes régnants qu’ils étaient en voie d’accéder aux titres si convoités de rois, égaux de celui du Bouganda. Le 11 février 1939, Le prince Ezekiel Tenywa Wako est officiellement intronisé premier Kyabazinga (roi) de Busoga. Loin d'être un inconnu pour les chefferies de ce petit état fédéral, il avait été élu Président du Conseil royal des chefferies du Busoga en 1919, avec le soutien de l’autorité coloniale. Ses potentiels rivaux étaient issus d’une lignée peu royale, trop jeunes ou pas assez anglophones aux yeux des autorités coloniales. Wako régna paisiblement jusqu’en 1949 où trop âgé pour continuer à assurer ses fonctions royales, il finit par abdiquer. Le Parlement du Busoga continua de respecter la tradition élective de la monarchie et il fut décidé que les souverains élus du Busoga devaient avoir le sang d'une des cinq lignées du Roi Mukama. Ainsi William Wilberforce Nadiope II Kadhumbula du territoire de Bugabula fut nommé pour deux ans avant d’être remplacé par Henry Wako II Muloki (né en 1921), souverain de 1955 à 1966. Le règne de Nadiope II (fils du premier Nadiope), entre 1949 et 1955, fut assurément celui de la paix sociale. Il s’employa à réduire l’insécurité qui régnait dans le Busoga et s’opposa brièvement à l’Home rule dont certaines méthodes lui paraissaient peu respecter la condition humaine des africains.  Exilé par les autorités coloniales, il fut rappelé deux ans plus tard afin d'obtenir des Busogais un soutien militaire pendant la seconde guerre mondiale.

Couronnement de Nadiope IV en 2014Le Kyabazinga Nadiope fut un partisan convaincu de l’indépendance et rejoignit l’U.P.C. de Milton Obote. Le Kyabazinga n’entendait pas renverser le Kabaka du Bouganda mais Milton Obote et son parti offraient la vision d’un Ouganda fédéral plus serein pour son pouvoir que le Kabaka Yekka, plus hégémonique. D’ailleurs Obote fit de Nadiope un président actif de son parti et un vice-Président de la nouvelle République après avoir renversé le premier et unique souverain d'Ouganda, le roi Mutesa II (qui fut aussi président de son pays). L’abolition de la monarchie en 1966 va le contraindre à l’exil. Une communauté asiatique installée dans la capitale Jinja fit prospérer le Busoga avant de tomber en désuétude lors des expulsions de 1972 ordonnée par le dictateur Idi Amin Dada, décidément peu au fait des potentiels économiques que représentait cette communauté. C’est donc tout naturellement que le Busoga soutienra le président Museveni dans sa rébellion armée.Lequel accepetara  de restaurer la dignité royale du Busoga le 11 février 1995 par l’article 246 de la nouvelle constitution, avec à sa tête Henry Wako II. La forme d’élection royale a été conservée par le Royaume du Busoga bien que sujet à controverse car de fait le royaume ne possède aucun prince héritier.

Kadumbula Nadiope Gabula IV et Yoweri MuseveniEt c’est là justement que le problème réside pour l’héritage de ce petit royaume. Henry Wako II décède le 31 août 2008. Le Conseil royal désigne le Prince Edward Colombus Wambuzi (son fils) comme son successeur. Mais, trois princes issus du clan Muloki refusent de reconnaître le nouveau souverain, arguant sur le fait qu’il n’est pas le fils aîné du souverain disparu. Le 12 septembre 2014, le gouvernement ougandais intervient pour stopper les tensions et  fait promptement couronner le prince Kadumbula Nadiope Gabula IV, fils de Wilson Gabula Nadiope II. Contacté après l’annonce du verdict, le porte-parole du royaume, M. Andrew Ntange, a refusé de se positionner affirmant que Nadiope IV était « occupé » à assister aux célébrations de son couronnement. Il a également rappelé que quelques jours avant cette décision,  le roi et son rival Edward Columbus Wambuzi (il s’est fait couronner roi sous le nom de Wambuzi XIII en 2017) s’étaient rencontrés au palais sous le signe de la réconciliation. Il n’est pas rare que les partisans des rois se battent pour défendre les droits de leurs poulains respectifs. Même déchu par un tribunal, Nadiope Gabula IV reste souverain. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 17/09/2021

Ajouter un commentaire

Anti-spam