La famille royale malgache honore la mémoire du prince Ratsimamanga

La princesse Fenosoa Ralandison Ratsimamanga (première àgauche) à côté de la ministre de cultureC’est peut-être le prochain casse-tête diplomatique de la France avec l’île de vanille. Le 15 octobre dernier, la maison royale de Madagascar a commémoré le 125ème anniversaire de la mort du prince Ratsimamanga. Oncle de la dernière reine Ranavalona III, il s’était rebellé contre l’autorité coloniale qui entendait lui supprimer ses privilèges et avait été promptement traduit devant un tribunal militaire. Passé par les armes et décapité, sa tête aurait été ramenée en France, son squelette exposé à la Société d’anthropologie de Paris. Représentante de la famille royale, la princesse Fenosoa Ralandison Ratsimamanga s’est associée au ministère de la Culture afin de réhabiliter ce héros de la résistance mérina qui a désormais sa plaque. Après le dais de la dernière souveraine de Madagascar et les iles Eparses, Antananarivo réclame désormais à Paris qu’elle lui restitue son prince.

Ranavalona III et le prince RatsimamangaSoucieuse de s’imposer dans la course à la colonisation, de contrer l’influence britannique dans les Mascareignes et de redorer son blason terni par la défaite de 1870, la IIIème république se cherche des aventures outre-mer. Conçu au départ comme une expédition militaire sous de fallacieux prétextes, le débarquement à Madagascar va s’achèver par la conquête de l’île et la mise au pas de la monarchie mérina de la reine Ranavalona III. A la grande joie du Parti colonial et des milieux politico-affairistes de l’île de la Réunion qui ont fait pression pour que Madagascar tombe dans l’escarcelle de l’empire français. Reine depuis 1883, Ranavalona III assiste, impuissante, à la pénétration française. Elle a refusé le protectorat offert par Paris. Ses armées sont rapidement balayées et en ce début d’année 1896, elle est contrainte d’accepter un statut colonial pour sa monarchie qui n’a plus que quelques mois à vivre. Descendante à la fois des reines Ranavalona II et Ranavalona III, la princesse Fenosoa Ralandison Ratsimamanga n’a pas assez de mots pour remercier le président Andry Rajoelina, qui depuis son retour au pouvoir (2019), n’a eu de cesse de surfer sur la fibre nationaliste des malgaches. Invitée pour les cérémonies du retour du dais de la reine Ranavalona III (toujours l’objet d’un litige entre l’île et Paris), elle entend incarner des « valeurs transmises de génération en génération, dont l'humilité, la foi et le courage ». Bien qu’elle ne soit pas l’aînée ni l’héritière du trône malgache, Fenosoa Ralandison Ratsimamanga porte un nom illustre.

Inconnu des français d'aujourd'hui, il est celui qui a le mieux incarné la résistance à Madagascar, au général Joseph Galliéni. Le 15 octobre dernier, sous l’égide du ministère de la culture, Antananarivo a décidé de rendre hommage au prince Ratsimamanga, ce héros national dont elle réclame la restitution de sa tête à la France, l’associant avec une autre figure tout aussi célèbre, celle du ministre royal Rabezandrina Rainandriamampandry. 

La ministre de la culture inaugure une plaque avec la princesse Fenosoa Ralandison Ratsimamanga« Ils illustrent tous les deux une dévotion et un patriotisme incommensurables auxquels nous pourrons tous s’identifier aujourd’hui, comme pour les générations à venir. Il nous importe ainsi de perpétuer ces valeurs patriotiques, qui sont tout aussi propres à notre culture » a déclaré l’historien Harilala Ranjatohery à L’Express de Madagascar. Mandaté par le gouvernement, sous le regard des membres de la maison royale, il a organisé une conférence sur ces deux personnages et qui a eu un certain écho dans la presse locale. Ratsimamanga appartenait aux Zazamarolahy, la plus haute caste de la noblesse malgache. Oncle de la reine Ranavalona III, il est perçu rapidement comme une figure de la royauté par Gallieni qui entend écraser dans l’œuf toute tentative de rébellion menalamba qui pourrait menacer le pouvoir colonial. Traduit devant un tribunal militaire en même temps que le ministre Rainandriamampandry et après une parodie de procès, ils sont tous deux fusillés le 15 octobre 1896, yeux bandés et mis à genoux devant un mur de terre. A cette époque, « Le Petit journal » n’hésitera pas à rapporter l’événement en ces termes : « Comme il fallait une leçon aux révoltés, on s'est emparé de deux grands personnages qui avaient pactisé avec eux, ce sont le prince Ratsimamanga et le ministre de l'intérieur Rainandriamampandry; tous deux ont été jugés, condamnés et fusillés, le tout avec une rapidité qui inspirera des réflexions salutaires à leurs complices. » Premier chapitre d’une pièce de théâtre en deux actes qui s’achèvent par l’exil de la reine Ranavalona III en février 1897 et la nomination de Gallieni comme nouveau gouverneur-général de l’île des vanilles. 

Le prince Albert Ratsimamanga« La France a la tête de ce patriote malgache… Comme elle a remis à l’Algérie les vingt-quatre crânes des résistants algériens décapités au XIXe siècle, j’exige aussi le rapatriement de celui du Prince Ratsimamanga » déclare Dadaleba Refotaka.  Des statues des étrangers remplissent nos rues. Nous avons tendances à oublier que bon nombre de personnages historiques méritent d’être glorifiés car ils ont donné leur vie pour le pays. Ne mérite t-il pas un buste ? » pose comme question ce gardien de la tradition de l’Imerina au Midi Madagasikara.  La connaissance de ces grandes figures de notre histoire a des vertus pédagogiques pour les jeunes, ce qui leur permettra notamment de renforcer leur attachement pour la nation et d’aider à son développement » ajoute Harilala Ranjatohery. D’ailleurs, un de ses petits-fils, le prince Albert Rakoto Ratsimamanga a été étroitement associé au processus d’indépendance, nommé représentant de son pays auprès de l’UNESCO et plusieurs fois ambassadeur entre 1960 et 1975. Décédé en septembre de cette année des suites des covid-19, il était un partisan du traitement de cette maladie par des plantes médicinales.

« Il est maintenant temps de mettre fin aux divisions, prônées par les colons pour renforcer leur pouvoir. En promouvant l'amour, la solidarité et l'entraide, Madagascar connaîtra un vrai développement » affirme la princesse Fenosoa Ralandison Ratsimamanga et qui prétend avoir désormais la « responsabilité de contribuer et promouvoir la réconciliation et l'unité nationales ».  Une plaque a été mise en place près du lieu où le prince a été exécuté, à Antaninarenina sous le regard des descendants de ces deux héros de l'histoire malgache.

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Date de dernière mise à jour : 19/10/2021

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