Prince Ahmed El Senoussis : « Pour un retour de la royauté en Libye »

Prince Ahmed El Senoussis  interviewé par Vanessa Tomassini@PhotoAncien prisonnier politique durant trois décennies et Président du Conseil de transition de la Cyrénaïque, le prince Ahmed Zoubaïr El Senoussis a été interviewé par la journaliste indépendante Vanessa Tomassini qui dirige « Speciale Libia », une plateforme d’informations en italien dédiée aux pays d'Afrique du Nord. Membre de la maison royale de Libye, ce poète prêche pour un retour urgent du fédéralisme et de l’institution royale afin que son pays « ne subisse pas le même sort que l'Irak et le Liban » et exprime ses doutes quant à la capacité du gouvernement actuel à restaurer l’unité et la souveraineté nationale.  

C’est le 6 mars 2012 que son nom apparait pour la première fois. Réunis en  assemblée à Brega, un millier de chefs de tribus, de figures politiques locale et de leaders de milices locales décident de former le Conseil de transition de la Cyrénaïque (CTC) dans un pays ravagé par la guerre civile. La nouvelle institution décide de proclamer son autonome du reste de la Libye et de porter à sa tête le prince Ahmed Zoubaïr El Senoussi, une figure marquante de l’opposition et membre de la maison royale. Le choix n’est pas anodin, cette province est le berceau de la maison El Senoussis qui a dirigé le pays de 1951 à 1969 jusqu’au coup d’état du colonel Mouammar Kadhafi. Revenu, trois ans auparavant la chute de la monarchie,  d’Irak où il a parachevé sa formation militaire et pris le poste de  directeur des affaires sociales, Ahmed Zoubaïr El Senoussi est alors âgé de 36 ans quand le monde dans lequel il a grandi s’écroule. Une partie de sa famille s’exile, le vieux roi Idriss dont il est le petit cousin germain ne reverra plus jamais la Libye. Le jeune prince et ses frères tentent un contre coup d’état un an après la proclamation de la République et avec l’intention de laisser le choix des futures institutions à ses compatriotes. Mais le complot est éventé et le prince Ahmed Zoubaïr El Senoussi est arrêté, condamné à mort puis sa peine commuée à vie en 1988. Trente ans de prison et de tortures en tout genre, le plus souvent des simulacres de noyade, il est finalement libéré en 2001 et assigné en résidence. 

Prince Ahmed El Senoussis  interviewé par Vanessa Tomassini@PhotoUne fois installé, son pouvoir est rapidement contesté par le gouvernement formé à Tripoli qui qualifie le prince de « sécessionniste » et le soupçonne de vouloir restaurer la monarchie alors que le prince héritier Mohammed El Senoussis est l’objet de toutes les attentions y compris par le Parlement européen qui a invité le prétendant au trône à s’y exprimer. Les tensions montent dans la province entre les leaders des milices et le prince qui annonce qu’il va remettre en place la constitution fédérale de 1951. En novembre 2013, il est finalement la victime d’un putsch mené par un seigneur de la guerre du nom d’Abd-Rabbo al-Barassi qui se proclame lui-même chef du gouvernement. Ahmed Zoubaïr El Senoussis se retire alors dans sa résidence mais entend rester une voix au gouvernement comme il l’a expliqué à la journaliste indépendante Vanessa Tomassini, venue l’interviewer pour « Speciale Libia » le 19 mars dernier.  «La Libye doit parvenir à trouver une formule stable basée sur des institutions solides, car si le pays continue de passer d'une période de transition à une autre, cela ne  donnera plus d'espoirs à personne. Alors que nous étions proches d’un régime stable en 2012, nous avons formé Conseil de transition de la Cyrénaïque et nous avons appelé à la mise en place d’ système fédéral comme l'était le pays à l'époque du Royaume-Uni de Libye. Nous avons même demandé à former un véritable parlement ou un gouvernement local, mais malheureusement, les Nations Unies ont décidé de faire le contraire et nous avons hérité d’un mauvais modèle de pouvoir comme cela s'est produit dans de nombreux autres pays. Par exemple, le Liban est maintenant un pays à deux pas de la faillite, en raison du système de quotas. Le même système a été transféré en Irak. Il faut espérer que notre pays ne subira pas le même sort que l'Irak et le Liban » explique Ahmed Zoubaïr El Senoussis, déçu. 

Prince Ahmed El SenoussisIl exprime ses doutes quant à la capacité de l’exécutif libyen à trouver une sortie de crise à la situation politique anarchique qui se poursuit dans le pays. J’espère qu’ « (…) ils trouveront peut-être des solutions, sinon, il n'y aura pas de changements en Libye. Je ne connais même pas Abdel Hamid Al-Dabaiba [actuel premier ministre depuis février 2021-ndlr], mais j'espère qu'il pourra accompagner le pays vers la nomination d’un bon président et l'adoption d’une nouvelle constitution » déclare Ahmed Zoubaïr El Senoussis qui rappelle qu’« en raison du contexte historique, des circonstances et des différences de mode de pensées entre  [les ethnies -ndlr], nous ne voulons plus de gouvernements temporaires ». « Actuellement il n'y a pas d'Etat, et j’espère que le nouvel exécutif est composé de personnes fidèles, capables de poser enfin  les bonnes bases pour la construction de ce pays » poursuit le prince.

La solution ? Le retour à la monarchie et de sa constitution plaidée depuis plusieurs années par des politiciens libyens. « La famille royale était représentée par un roi et un prince héritier, mais le reste de la famille Senoussis étaient des citoyens ordinaires. Chacun a mis à disposition son potentiel scientifique et ses compétences pour aider l'Etat. Nous étions tous proches les uns des autres, mais nous n'avons pris aucun ministère, ni de contrôle sur le parlement, comme cela se produit dans les monarchies du Golfe, où chaque  membre royal a des pouvoirs spécifiques » tient à rappeler le prince  Ahmed Zoubaïr El Senoussis qui insiste sur le caractère neutre du souverain. Le petit-cousin du roi Idriss est d’ailleurs fermement convaincu que le système fédéral, comme celui qui prévaut pour les États-Unis et les Émirats arabes unis, représente la seule solution concrète pour la restauration de la souveraineté nationale. « J’ai avancé cette idée  et on m’a de suite attaqué, m’appelant ainsi que mes amis « des agents de l’étranger ». Et finalement, ils ont décidé d’introduire le système de quotas qui s’avère défaillant. En réalité, les responsables actuels ou à venir, s'ils veulent réussir à reconstruire l'Etat de Libye, doivent réintroduire le système fédéral afin de mieux servir et garantir les droits de chaque citoyen » conclu le prince royal, un brin fataliste.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 22/03/2021

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