« Le roi s’est tourné, vive le roi ! ». Les Bamouns ont un sultan

Nabil Njoya, 20ème monarque des Bamouns« Le roi s’est tourné, vive le roi ! ». Monarchie traditionnelle, le sultanat Bamoun du Cameroun a un nouveau souverain. Le 10 octobre, Nabil Njoya a été choisi parmi les 25 princes et princesses de la maison royale, une puissance politique dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest. Intronisé, sur ses épaules reposent désormais le lourd héritage de son père, le sultan Ibrahim Mbombo Njoya, décédé fin septembre des suites du Covid-19, à Paris. Un monarque qui était une institution, une forte voix au Cameroun et qui était craint du Président Paul Biya dont il était pourtant proche lui-même. Tous les regards sont désormais tournés vers le nouveau 20ème roi de la dynastie de Nchare Yen qui, pour la première fois de son histoire, n’est membre d’aucun parti politique. 

Ibrahim Mbombo Njoya, Photo@MaboupLe décès à Paris du sultan Ibrahim Mbombo Njoya, des suites du coronavirus, a semé l’émoi au Cameroun le 27 septembre dernier. Dans cette ancienne colonie allemande, puis française, le monarque des Bamouns était une haute institution traditionnelle aussi révérée que crainte par tous. Monté sur son trône en août en 1992, âgé de 55 ans, c’est un pur produit de la colonisation, un de ces « princes assimilés » que la république bienveillante a envoyé faire ses études secondaires en métropole française avant qu’il ne revienne les parachever au prestigieux lycée Général-Leclerc de Yaoundé. Un établissement scolaire construit sur la demande de la France et inauguré par l’unioniste Louis-Paul Aujoulat, un député français du Cameroun qui était partisan de la départementalisation de cette colonie. Le président Paul Biya y a également fait ses études. Entre les deux hommes une amitié indéfectible teintée de tensions permanentes. Lorsque le Cameroun obtient son indépendance au prix d’une longue guerre civile, Ibrahim Mbombo Njoya quitte ses fonctions au sein Cabinet du Haut-commissaire de la République française au Cameroun pour occuper un poste de Chef de Cabinet auprès de différents secrétariats d’état. Ministre adjoint de l’Éducation, de la Jeunesse et de la Culture entre 1965 et 1970, il est nommé ambassadeur dans de nombreux pays. 

Le sultan Ibrahim NjoyaSon retour au sein du gouvernement en 1981 va faire de ce prince, une étoile montante de la politique camerounaise. Son ascension est fulgurante, quasi ininterrompue, notamment avec l’arrivée au pouvoir dans des circonstances troubles du président Paul Biya en 1982. Il va cumuler un certain nombre de ministères jusqu’à sa propre intronisation. Membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RPDC), le parti qui dirige le pays, il siégeait au Sénat depuis 2013. Ses dernières années, il était entré en conflit avec Paul Biya, lui reprochant de s’accrocher au pouvoir et de s’ingérer dans les affaires de sa monarchie. C’est au cours du XVème siècle que le royaume Bamoun  est devenu une véritable entité politique après avoir annexé, les uns après les autres, tous ses voisins. Une expansion hégémonique importante qui sera stoppée de plein fouet par la colonisation européenne et une guerre civile entre 1892 et 1895. Après avoir renversé le régent Gbetnkom Ndombouo, à peine adolescent, le sultan Ibrahim Njoya [grand-père du défunt monarque-ndlr] va marquer de son empreinte l’histoire du royaume. Converti à un islam syncrétique, on lui doit la réforme de l'alphabet bamoun qui va permettre la mise en place d’une administration structurée et l'’actuel palais de Foumban érigé en 1917.  Bien trop puissant pour la France, il est mis en résidence surveillée en 1931 et son empire démantelé progressivement. Aujourd’hui le nouveau souverain des Bamouns règne sur un royaume de 8000 kilomètres carrés et une population de deux millions de sujets. 

Selon la tradition ancestrale, le roi ne meurt jamais. Il se tourne simplement afin de faire savoir qu’il a disparu terrestrement. C’est une société secrète, les Nguons, qui est chargée d’annoncer le départ du souverain avant l’ouverture de son testament qui désigne celui qui va lui succéder sur le trône. Bien qu’héréditaire, la succession se claque sur le modèle cambodgien et reste électif.

Palais  du sultan bamounLe prince Nabil Njoya a 28 ans. Scolarisé chez les pères catholiques du collège Vogt, il a terminé ses études à « la Saint-John’s University de New York, avant de revenir au Cameroun, où il a entamé un cursus d’administrateur civil à l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) de 2016 à 2018 » nous indique le quotidien Jeune Afrique. Chef de la division juridique auprès des services du gouverneur de la région du Sud, ce célibataire devra prendre très rapidement une épouse comme l’impose la tradition bamoun. Pour l’instant, c’est une de ses sœurs qui a été désignée comme « accompagnatrice » du roi.  Pour ses sujets et le pouvoir en place, le nouveau monarque est un mystère. Il n’a jamais été membre d’un parti politique et son poids politique en fait un allié comme un adversaire à surveiller. Il est probable qu’il suive la voie paternelle mais aussi préfère se concentrer sur le développement de sa culture puisque les Bamouns ambitionnent de faire inscrire leur palais royal à l’UNESCO, un complexe construit sur un modèle bavarois. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 15/10/2021

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