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Le Burundi réclame justice pour son prince royal

Rwagasore le fils de mwambutsa ivPère de l’indépendance du Burundi, fils de roi, le prince Louis Rwagasore a marqué de son sceau l’histoire de son pays. 59 ans après son décès en octobre 1961, son idéal et sa vision restent encore dans l’esprit de ses compatriotes qui lui rendent hommage chaque année.  Depuis 2018, le gouvernement pointe du doigt la responsabilité de l’ancien colon dans la disparition tragique de son héros et réclame désormais des milliards de dollars  au palais de Laeken pour la mort de son prince et la colonisation.

C’est la commémoration à ne pas rater au Burundi. Chaque  année, le 13 octobre, les membres du  gouvernement, du corps diplomatiques et religieux, accompagnés de ceux de la maison royale,  se précipitent en haut de la colline Vugizo de Bujumbura afin de rendre hommage au père de l’indépendance. Défrichée à la hâte, c’est ici que sous une tombe surplombée par trois arches pointues aux couleurs nationales que repose le prince Louis Rwagasore, fils du roi Mwambutsa IV. A ses côtés, les dépouilles du prince Ignace Kamatari et du premier ministre Pierre Ngendandumwe, autres victimes d’une haine entre deux ethnies, hutus et tutsis, attisée par le colon belge. En 2018, le défunt président Pierre Nkurunziza a pointé du doigt la responsabilité du royaume de Belgique dans ce meurtre perpétré sur les bords du lac Tanganyika en octobre 1961.

Louis rwagasore« Humilité et sagesse ». Face au président Évariste Ndayishimiye et à son épouse, l’archevêque Gervais Banshimiyubusa prononce son homélie. Le silence est lourd et pesant comme au temps de l’indépendance. Retour dans le temps : lee parti UPRONA (Union pour le PROgrès NAtional), fondé par le prince Louis Rwagasore, est le grand vainqueur des élections communales de 1960. Pour les belges, c’est un camouflet. «La relation entre le prince et l’autorité est définitivement brouillée. Malgré la mise en garde du gouvernement royal belge, plus personne n’est en mesure de retenir Rwagasore. Il n’y a plus d’obstacle sur le chemin qui mène à l’indépendance », peut-on lire dans le livre de Guy Poppe, « L’assassinat de Rwagasore, le Lumumba Burundais ». Dès lors, Bruxelles décide du sort funeste de celui qui va mener son pays dans la voie de la liebrté. C’est un jeune grec qui appuiera sur la gâchette, qui abat froidement et dans le dos le fils du roi Mwambutsa IV. «Rwagasore n’a pas voulu se comporter comme d’autres princes. Il a refusé de vivre dans la dignité d’un fils d’un roi. Il a toujours été caractérisé par la liberté. On pourrait donner plusieurs exemples que vous connaissez d’ailleurs. Mais je vais insister sur un seul exemple: imaginez-vous à son époque, un fils d’un roi qui a osé se marier avec une femme qui n’est pas de son ethnie ou aller chercher une épouse en dehors des familles de sang royal. Rwagasore l’a fait, dans la liberté et étant conscient. Il avait compris que le courage et l’unité ne se chantent pas seulement en paroles et il l’a démontré dans un signe très fort de s’unir avec une femme avec qui il ne partageait pas l’ethnie », conclu Monseigneur Banshimiyubusa.

Prince louis rwagasoreUn assassinat qui n’en finit pas d’empoisonner les relations entre les deux pays.  «Une requête officielle sera bientôt introduite». L’ancien président du Sénat a annoncé que la république allait poursuivre conjointement l’Allemagne et la Belgique pour l’assassinat de son prince héritier et leur réclamer près de 40 milliards de dollars. «Ce montant correspond à la valeur financière des torts causés par les colons allemands et belges entre 1896 et 1962, cela comprend, notamment les travaux forcés, les peines cruelles, inhumaines et dégradantes » affirme Révérien Ndikuriyo. Un rapport a été publié en août dernier et accuse directement le gouvernement du roi Albert Ier d’avoir mis en place une classification raciale entre hutus et tutsis alors que cela n’existait pas sous la monarchie Ganwa des Ntare. «La continuité de l’État exige que les dirigeants du Royaume de Belgique reconnaissent aujourd’hui et demandent pardon pour les crimes commis au Burundi, et il doit y avoir une restitution des archives» affirme même un des experts de la commission chargée d’identifier les crimes de la colonisation» précise l'ancien élu. « Quand j’ai suivi le travail de la commission parlementaire sur l’assassinat de Lumumba, ce qui m’a frappé, c’est l’implication de l’Etat belge, ses ministres et leurs collaborateurs, ses officiers supérieurs et autres, dans la recherche d’une solution finale pour mettre fin à la vie du Premier ministre. Je n’avais pu m’imaginer que cela avait été possible dans un pays, qui se dit démocratique. En examinant les archives du ministère des Affaires Etrangères, j’ai eu la sensation qu’encore une fois, et notamment dans la même année (1961 !), les autorités belges, la tutelle ne se contentaient pas de respecter le choix des Burundais de leurs dirigeants, mais voulaient imposer le leur. Est-ce qu’ils se sont engagés aussi loin que dans le cas de Lumumba [Premier ministre du Congo-Kinshasa, assassiné en 1961-ndlr] pour empêcher Rwagasore à assumer sa tâche ? La réponse reste incertaine. Je me répète : ce n’est qu’une enquête additionnelle, sans doute parlementaire, qui pourrait nous mener à une réponse plus claire » renchérit  Guy Poppe. « Le parti UPRONA a profité de cette commémoration pour demander que la justice soit faite sur l’assassinat du prince Louis Rwagasore. Il a plaidé pour que la famille du Prince Louis, le parti UPRONA ainsi que le Burundi soient dédommagés » indique dans ses colonnes le quotidien « Iwacu » qui a consacré de nombreux reportages sur la mort du prince royal.

Le president de la republique et son epouse l armee rendent hommage a rwagasoreRenversé en 1966 lors d’un coup d’état, livré à ses tortionnaires, le dernier souverain, Charles Ntare V, est mort assassiné au cours d’une tentative de putsch en 1972. Son corps n’a jamais été retrouvé. Ultime chapitre d’une dynastie qui se déchire autour des dépouilles de ses rois et d’un trône hypothétique auquel elle lorgne sans trop y croire. Si un vent monarchique a longtemps soufflé sur le Burundi du temps du président Nkurunziza qui a mis à l’honneur l’histoire royale du pays (pour mieux s’en servir à des fins personnelles), la perspective d’un retour à ce type d’institution divise encore. Le nouveau dirigeant du Burundi ne convoquera pas de référendum sur le sujet, bien que la constitution le lui autorise et prévoit que les Burundais soient consultés sur le retour de la royauté. A condition qu’ils en fassent la demande.

Copyright@Frederic de Natal

 

 

Date de dernière mise à jour : 20/10/2020

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