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La princesse Esther Kamatari rend hommage à son père assassiné

Prétendante au trône du Burundi, la princesse Esther Kamatari a fait son grand retour au Burundi après quelques années d’exil volontaire. Pour le 59e anniversaire de la mort de son père disparu dans d’étranges circonstances, la nièce du roi Mwambutsa IV a souhaité lui rendre hommage. 

Candidate malheureuse à l’élection présidentielle de 2005, longtemps opposante au régime du défunt président Pierre Nkurunziza, établie entre France et Mali, la princesse Esther Kamatari a décidé de mettre fin à un long exil volontaire en mars 2023. Un retour très discret au Burundi qui n’a pas bénéficié de l’attention de la presse locale. C’est d’ailleurs sur les réseaux sociaux que l’on peut retrouver les photos de la rencontre officielle au palais présidentiel de Gitega entre la prétendante au trône et Évariste Ndayishimiye, dirigeant d’un pays marqué par une violente décolonisation, le tout sur fond de rivalités ethniques exacerbées par les Belges. Un passé douloureux qui s’entremêle avec celui plus tragique d’une dynastie qui a payé chèrement le prix de son indépendance. Le 27 mai, la princesse Esther Kamatari s’est rendue sur la tombe de son père, le prince Ignace Kamatari, retrouvé mystérieusement décédé au bord d’une route, il y a cinquante-neuf ans. 

Le prince Ignace Kamatari et son mausolée @Wikicommons/Ventdelouest

Un prince charismatique et influent

« Mon père, aujourd’hui, est encore une légende dans le pays. Les jeunes ne l’ont pas connu, mais ils ont entendu vanter sa force physique, son intégrité. Il est devenu une figure emblématique. Il détestait l’injustice » écrivait à son propos la princesse Kamatari dans sa biographie parue en 2001. Issu de l’ethnie Ganwa (souvent associée aux Tutsis), le frère du roi Mwambutsa IV était un colosse qui imposait par son autorité naturelle. Chef de la région de Mugamba, conseiller du monarque, il se fait remarquer par une vive opposition aux colons Belges. « Il avait reçu une éducation royale et ne supportait pas de discuter avec un troisième sous-fifre. Il jugeait ineptes du point de vue de l’économie locale les mesures prises par les Belges » explique encore la princesse Esther Kamatari. Le prince se méfie des colons et fait traduire systématiquement tout ce que le gouvernement colonial tente d’imposer à la monarchie, n’hésitant pas à faire le coup-de-poing avec les colons qui malmènent ses compatriotes. Les protestations de l’autorité coloniale ne changeront en rien l’avis et le comportement du prince qui devient un porte-parole de l’indépendance aux côtés de son frère, le prince Louis Rwagasore. 

 

 

Un assassinat entouré de mystères

Premier mannequin noir de France, la princesse n’est pas avare d’anecdotes en tout genre sur « Papa Kamatri », un prince « avec du panache, qui fascinait les enfants » se souvient-elle. Musicien passionné d’orgue, de cithare et d’accordéon, il se déplaçait souvent avec sa Mercedes bleu ciel afin de rencontrer les Burundais qui appréciaient sa simplicité et qui remontait leurs doléances au roi Mwambutsa IV. Ignace Kamatari a participé au processus de décolonisation, prenant soin de ne pas faire de l’ombre à Louis Rwagasore, premier des princes à être la victime malheureuse de colons tentant de stopper la marche du Burundi vers son indépendance (1962). Une mort qui va causer des fractures au sein de la maison royale, un assassinat qui hante toujours le Burundi. Une nation qui honore toujours, chaque année, la mémoire de son héros. Ignace Kamatari ne reprend pas le flambeau de la lutte, mais demeure toujours influent. Le 29 avril 1964, le prince quitte précipitamment sa résidence vers une destination inconnue. C’est la dernière fois que la princesse Esther verra son père. Tard, dans la nuit, elle apprend que son père a été retrouvé au bord de la route, près de Bukumbura, son corps étendu sur le sol. Si on parle d’un accident, la vérité sera plus douloureuse. Le prince Ignace a été agressé par de mystérieux inconnus, le crâne fracassé au marteau. Esther Kamatari a 13 ans et le décès de son père va changer drastiquement sa vie, la propulser brutalement dans un monde rempli de haine et de racisme. Elle va alors entamer un long deuil de dix ans, gardant le souvenir d’un « homme gai, populaire », avant de partir vers la France. 

Une enquête arrête rapidement les auteurs de ce crime, mais le procès-verbal est étrangement bâclé, l’assassin principal promptement exécuté sans jamais avoir révélé qui étaient les vrais commanditaires de ce meurtre dont les contours restent encore à élucider. « Nous nous interrogeons toujours sur la vérité, qu’on ne connaîtra peut-être jamais et cette ignorance rend le travail de deuil d’autant plus ardu » regrette la princesse Esther Kamatari. Aujourd’hui, elle a pardonné. Son père repose désormais sous une dalle de marbre blanc près du mausolée construit en hommage au prince Rwagasore.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 29/05/2023

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