Esther Kamatari, prétendante au trône de Brundi

Princesse, mannequin, conseillère municipale à Boulogne-Billancourt, ancien soutien affiché au président Nicolas Sarkozy,  Esther Kamatari est aussi une des deux prétendantes au trône du Burundi. Elle a décidé de mettre tout son talent au service de l’écologie en Afrique. Le 19 octobre dernier, sous couvert de sa fondation, elle a lancé depuis le Mali, une campagne d’éradication des sachets plastiques dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest. Un enjeu qui « vaut de l’or ». Loin des mauvais clichés et des habituelles cartes postales distillées par la presse, découvrez-le portrait d’une influenceuse africaine de sang royal.

 

50C’est éloignée des podiums- elle a été le premier mannequin noir à défiler en France- que cette égérie de Dior entend «débarrasser Bamako des sacs de plastiques qui ont envahi la capitale de cette ancienne colonie française ». Elle est née le 30 novembre 1951 à Giheta. Membre de la maison royale du Burundi, son père, Ignace, était le frère du roi Mwambutsa IV. Elle a vécu, enfant et adolescente, les soubresauts politiques de son pays. En 1962, son cousin, le premier ministre Louis Rwagasore,  est assassiné alors qu’il a tout juste mené son pays vers l’indépendance. Deux ans plus tard, son père Ignace meurt dans des circonstances toujours non élucidées à ce jour. Accident de voiture ou assassinat par des extrémistes hutus, le mystère demeure. En 1965, alors que le roi (Mwami) danse le twist au Coconuts au bord du lac Tanganyika, c’est un palais vide que trouvent les conspirateurs et qui échouent à renverser la monarchie. Les tensions ethniques ont atteint leur paroxysme. « Etudiante rebelle », comme elle se décrit elle-même dans son autobiographie « Princesse des rugo, mon histoire »,  elle fait face avec courage aux humiliations de toutes sortes. La monarchie vit ses derniers jours et en  juillet 1966, c’est le dernier chapitre du roman d’une dynastie, née au XIVème siècle, qui s’écrit dans le sang. Elle décide partir lors vers la France,  devenue depuis sa seconde patrie,  à la rencontre de sa destinée.

Toujours joyeuse, taquine, l’ancienne top-modèle, profondément croyante,  s’est muée en combattante de l’environnement et s’est engagée dans de nombreuses causes humanitaires. Sans pour autant oublier la politique. Ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2005, sous les couleurs du défunt mouvement monarchiste Abahuza, elle est une adversaire acharnée au président Pierre Nkurunziza. Un régime qui lui préfère sa concurrente au trône, la princesse-députée Rosa Paula Iribagiza Mwambutsa, fille du roi Mwambutsa IV. Un litige a d’ailleurs opposé les deux princesses à propos de la dépouille du souverain enterré en Suisse alors que le gouvernement souhaitait le rapatrier  au Burundi. 5 ans d’actions en justice et une victoire en 2017 pour la princesse Kamatari. Le roi reste en Suisse mais on cherche toujours et encore les restes de son fils le roi Charles Ntare V, assassiné violemment en 1972. Son cousin jeté dans une fosse commune et que l’on n’a jamais retrouvé en dépit de vaines recherches entamées en 2012.

L’idée monarchique est loin d’être anodine dans la région des Grands-Lacs. Depuis le retour du multipartisme (1992), le mouvement royaliste burundais (PRP, aujourd’hui parti monarchiste parlementaire) a fait son réapparition sur la scène locale. Son frère, feu le prince Godefroid, a été un des leaders monarchistes du Burundi. Mais c’est Matthias Hitimana, ancien conseiller du dernier Mwami,  qui a permis au monarchisme burundais d’éclore et d’obtenir des postes au gouvernement (encore aujourd’hui). La constitution actuelle a d’ailleurs réintroduit la possibilité de restaurer la monarchie (2018). Un débat qui divise la société burundaise divisée entre 3 (4) ethnies, les Tutsi, les Hutu et les Twas. « Sans oublier les Ganwas », l’ethnie royale, pour laquelle le gouvernement persiste à ne pas reconnaître l’existence.

«Notre objectif, c’est de donner un an. En un an, il ne doit plus voir un plastique dans Bamako (..) déclare la princesse aux cheveux d’une couleur blanche parfaite, sa marque de fabrique, gilet vert sur le dos et devant l’œil des caméras. Elle promet une dotation de 100 millions de francs CFA (152000 €uros) à la commune de la capitale qui sera la meilleure à nettoyer ses rues. « Il faut mobiliser la jeunesse (..) » ajoute Esther Kamatari qui tente de convaincre l’assistance réunie autour d’elle. Il faut dire que le sujet est devenu en Afrique un enjeu de taille. En juin de cette année, la Tanzanie a été le 34ème pays à interdire l’utilisation des sacs plastiques sur le continent. Certains pays, comme le Kenya, ont renforcé leur arsenal juridique à cet effet.  Il en coûte 4 ans de prison et 38000 euros d’amende en cas d’infraction. Les parcs nationaux n’échappent pas à la règle, les touristes n’ont qu’à bien se tenir.

51La princesse suit donc le chemin de ses pairs dans la défense de l’environnement et entend bien changer les comportements des africain(e)s. Au Mali, la situation a empiré depuis des années. Les sacs et emballages en plastique jonchent les rues de la capitale, flottant à même les caniveaux, les bouchant. Sanitairement, il y a urgence.  Pourtant, « le gouvernement a adopté un projet de loi interdisant la production, l’importation, la commercialisation, l’utilisation des sachets  et emballages en plastiques souples » précise la presse locale.

 

La princesse Esther Kamatari a rencontré à diverses reprises le président Ibrahim Boubacar Keïta, dont l’épouse, Keita Aminata Maiga, est aussi la marraine de sa fondation. Une forte amitié lie le couple présidentiel avec l’héritière au trône du Burundi qui s’adresse également aux femmes et mères d’un pays qui tire son nom de l’ancien puissant empire de la boucle du Niger. « Je sais que vous avez un savoir-faire traditionnel extraordinaire. Les femmes ont des doigts en or dans ce pays ; utilisez ces doigts en or pour transformer ces plastiques en or » martèle celle qui court de plateaux en plateaux de télévision pour vendre une autre Afrique que celle habituellement décrite par les journaux français, entre deux  caricatures et deux cartes postales. Elle déborde d’énergie. On a  même pu la voir récemment dans le jeu bien connu de tous,  « Fort Boyard », dont l’émission a été tournée spécialement pour l’Afrique, au profit des enfants du centre Niali de Gao,  au Mali.

« Elle inspire l’Afrique »  écrivait à son propos et récemment le célèbre magazine « Black Beauty ». « Parisienne jusqu’au bout des ongles et en même temps archi-burundaise », la princesse, classée parmi les meilleures influenceuses du continent africain, entend incarner l’Afrique de demain. Une Afrique du futur, forte, innovante et à la pointe du défi environnemental. Esther Kamatari,  assurément  une écolo’-princesse  « couronnée de succès ».  

 

Copyrigh@Frederic de Natal

Photos @EstherKamatari

Paru le 06/08/2019

Date de dernière mise à jour : 22/04/2020

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