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Un prince-président devenu opposant au gouvernement du Botswana

Famille royale, les Khama sont indissociables de l’histoire du Botswana. Ils ont donné deux Présidents à cette ancienne colonie britannique. Îlot de démocratie, ce pays de l’Afrique australe est désormais au cœur d’une lutte politique féroce entre son actuel dirigeant, Mokgweetsi Masisi, et son prédécesseur, Ian Seretse Khama, également prétendant au trône des Bamangwato. 

Le Botswana est un des rares pays en Afrique à connaître une alternance démocratique régulière depuis son indépendance obtenue en 1966. Pourtant, depuis quelques mois, le palais présidentiel de Gaborone, la capitale, vit au rythme des dissensions entre son actuel occupant et son prédécesseur dont le nom de famille est associé à l’histoire tumultueuse de la décolonisation britannique.

Le roi Khama III du Botswana

Une famille indissociable de l'histoire du Botswana

Président de 2008 à 20118, Ian Seretse Khama V est une figure révérée dans l’ancien Bechuanaland. Il ne porte pas de titres de prince ou de roi, mais son seul nom suffit à susciter diverses émotions dans son pays. Il est le descendant direct du roi Mathiba a Moleta (« Gardien de la fontaine » en langue sépedi). Un monarque qui a fondé le royaume des Bamangwato dans cette partie de l’Afrique australe (1780). Une dynastie marquée par divers souverains comme celle de Khama III le Grand (1837-1923) qui va transformer sa monarchie en un vaste état chrétien (il interdit l’alcool et la polygamie), favoriser l’émergence d’une véritable administration et en faire une puissance économique qui va ouvrir les appétits des Boers et des colons de Rhodésie. Après plusieurs tentatives d’annexion par ces derniers, Khama III n’aura pas d’autres choix de se placer sous la protection des Anglais, alors puissance dominante à cette époque, après avoir rendu visite à la reine Victoria Ière, à Londres (1885). La maison royale reste en place, jouit de privilèges qui donne au protectorat l’illusion d’une semi- indépendance unique au sein de l’Empire colonial de Sa Très Gracieuses Majesté. 

Un mariage qui choque les colons et la monarchie Bamangwato

Le décès de son successeur, Sekgoma II, après seulement deux ans de règne, va ouvrir une longue période de régence qui va être loin de tout repos pour l’administration britannique qui s’agace de l’autoritarisme despotique du prince Tshekedi Khama (1905-1959). Cet autre fils de Khama III va s’arroger tous les pouvoirs (il dissout le Conseil royal), au détriment du seul et vrai héritier à la couronne : Seretse Khama. En tant que futur monarque des Bamangwato, le jeune homme va faire ses études dans les institutions scolaires sud-africaines réservées aux noirs avant de les poursuivre en Angleterre (1946) où il découvre alors qu’il n'est pas foncièrement le bienvenu. Victime de racisme, Seretse Khama entend être un avocat. Il fréquente les clubs où les barrières sociales raciales sont abrogées le temps d’un soir, évite de mentionner ses attributs royaux. C’est au cours de l'une de ses sorties nocturnes qu’il va rencontrer Ruth Williams, la fille d’un pasteur blanc. Illustré dans le film "A United Kingdom", leur mariage en 1948 va créer une onde de choc en Afrique, secouer les autorités sud-africaines, gêné le gouvernement britannique et provoquer une crise constitutionnelle dans la monarchie Bamangwato. 

Sir Seretse Khama, père de l'indépendance

Seretse Khama contre l'apartheid

Tollé pour l’Afrique du Sud qui va faire voter une loi interdisant tout mariage interracial. Sollicité sur cette rébellion, le gouvernement travailliste du Premier ministre Clément Attlee est obligé de s’emparer du problème, convoque le prince Seretse Khama et lui annonce qu’il ne pourra pas revenir chez lui avant une période de cinq ans. Le secrétaire d'État au Commonwealth, M. Foster, a même fait savoir qu’il allait être déchu de son titre " d'une façon permanente et définitive " comme l’indique une édition du Monde de l’époque. Au palais royal de Serowe, ce mariage soulève des cris d'orfraie. On accuse l’héritier de trahison, de s’être marié sans autorisation. Le communiqué du régent est sans appel et estime que Seretse Khama s’est conduit de « manière irresponsable ». On propose même au fils de Kama III un poste à la Jamaïque en attendant de désigner son successeur, mais il refuse promptement. Le gouvernement reconfirme finalement le régent Tshekedi Khama dans ses fonctions. L’oncle et le neveu ne se réconcilieront pas avant 1956. 

De prince démocrate à président de la République

Second enfant du couple, Ian Seretse Khama, né en 1953, fait la joie du prince Seretse Khama qui s’est mué en politicien déterminé. L’ingérence britannique a ulcéré l’héritier Bamangwato comme ses partisans au Bechuanaland qui refusent toutes les injonctions des Britanniques. Finalement contraint de renoncer à ses droits au trône pour rentrer dans son pays, Seretse Khama, une fois sur place, va créer le Bechuanaland Democratic Party (BDP). Un mouvement qui va mener le futur Bostwana vers son propre destin en 1966 et qui va achever sa complète modernisation malgré ses vicissitudes frontalières avec l'Afrique du Sud. Le pays connaît alors un boom économique, voit l’essor de son tourisme qui sera popularisé par le film sud-africain " Les Dieux sont tombés sur la tête ". Lorsqu’il meurt en 1980, auréolé de gloire (Sur proposition, de la reine Elizabeth II, il est devenu Sir),  Seretse Khama confie son leg à son fils Ian  Khama qui accèdera finalement la présidence de son pays en 2008. 

De président de la République à prince opposant

La position royale de Ian Seretse Khama V est complexe. Si beaucoup le reconnaissent toujours comment souverain des Bamangwato depuis 1979, il n’est plus techniquement le roi de cette nation depuis sa prestation comme vice-président de la République (1998-2008). En effet, la constitution royale n’autorise pas ses monarques à faire de la politique. Pour autant, la monarchie n’a désigné aucun successeur et a mis en place un système de régence occupé par des princes de la maison royale. Bien qu’il ait cédé sa place en 2018 à son successeur, Mokgweetsi Masisi, dont il a tracé le chemin vers le strapontin suprême, Ian Seretse Khama n’a pas renoncé à revenir à la tête d’un pays dont il estime être le légitime garant. Ses relations avec l’actuel occupant du Palais présidentiel se sont considérablement ternies. Après avoir dénoncé l’autoritarisme de Mokgweetsi Masisi (qu’il accuse de tenter de le faire empoisonner comme le rapporte Voice of Africa) et rejoint le Botswana Patriotic Front, ce protecteur des éléphants est désormais sous le coup d’un mandat d’arrêt pour possession illégale d’arme à feu chez lui. 

Ian Seretse Khama réside (ou est réfugié ?) dans le royaume de l’Eswatini. Le 1er avril 2024, la cour royale a récemment émis un communiqué, pointant du doigt la " persécution et les menaces dont serait victime son kgosikgolo (roi) " comme de sa famille, la tentative d’intrusion au sein du conseil de régence de la part du gouvernement actuel. Dans une précédente déclaration, la présidence avait affirmé " qu'il n'y avait aucune menace de l'État sur la vie du Dr Khama ".  Des tensions qui font craindre un regain de violence entre partisans des deux camps au Botswana à l'approche des futures élections générales prévues en octobre prochain.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 17/04/2024

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