La monarchie zoulou commémore le 144e anniversaire d’Isandlwana
La monarchie zoulou commémore le 144e anniversaire d’Isandlwana
C’est la plus lourde défaite de l’Empire Britannique en Afrique australe. En 1879, des milliers de guerriers zoulous ont balayé en quelques heures six compagnies militaires de Sa Majesté la reine Victoria, à Isandlwana. Le 22 janvier dernier, le roi Misuzulu Sinqobile kaZwelithini a assisté à une gigantesque reconstitution de cette bataille et a déclaré que cette victoire « avait permis la préservation de la culture et du mode de vie de la nation zoulou ». L’occasion de rappeler à ses sujets qu’il est aussi le seul Grand éléphant légitime de sa maison.
Le 11 février 1879, un courrier est déposé sur le bureau de Benjamin Disraeli. Il est porteur d’une terrible nouvelle au Premier ministre de la reine Victoria Ière. Plus de 20 000 guerriers zoulous viennent de mettre à terre, dix jours plus tôt, six compagnies du 24e régiment d’infanterie britannique de Sa Majesté, un contingent de volontaires du Natal et des centaines d’auxiliaires Basotho. Cette défaite est un véritable choc émotionnel pour le cabinet conservateur de la reine, persuadé jusqu’ici de sa supériorité militaire face à une troupe indigène pauvrement armée. C’est une course contre la montre qui va s’engager afin de préserver les Britanniques de cette désastreuse information. Le Royaume-Uni est déjà durement touché par une crise économique, une récession qui perdure et une situation internationale coloniale qui leur est défavorable. Notamment en Afghanistan où l’Empire n’arrive pas à s’imposer. Face aux attaques des Libéraux, le gouvernement va rapidement jouer de génie. Transformer la petite victoire du poste de Rorke's Drift, où 140 tuniques rouges ont tenu tête héroïquement à 4000 zoulous, quasiment le même jour d’Isandlwana, en victoire glorieuse afin de justifier l’envoi en masse de soldats chargés de mater définitivement cette monarchie africaine qui refuse la tutelle anglaise. Un épisode qui a été mis en scène dans le film épique « Zulu » daté de 1964 et qui reste encore aujourd’hui chef d’œuvre cinématographique du genre.
Un empire fondé dans le sang
Avec la révolution industrielle, le Royaume-Uni se montre très agressif. Elle entend renforcer sa présence sur le continent africain. La découverte de gisements d’or et de diamant en Afrique australe a attisé toutes les convoitises des Britanniques. Le gouvernement de la reine Victoria a très vite compris quel était son intérêt à étendre sa colonie du Cap et la rattacher aux autres villes, tout le potentiel économique que représente la masse indigène présente sur cette partie du continent africain. Mais pour réaliser ce vaste plan confédéral, il faut mater les Zoulous qui restent une menace aussi bien pour les peuples africains comme les afrikaners (descendants des colons néerlandais) devenus trop indépendants. Petite tribu Nguni, les « fils du ciel » sont devenus une nation crainte de tous. Le tout sous la férule impitoyable de l’Empereur Shaka. La violence est le socle fondateur d’une monarchie qui règle ses comptes internes en empalant ses ennemis comme tos les potentiels prétendants au trône. A chaque montée sur le trône d’un souverain zoulou, il n’est pas rare de le voir exterminer ses frères, cousins, oncles qui seraient tentés de le remettre en question. Shaka sera assassiné en 1828, son frère Dingaané tué par ses généraux en 1840, Mpande meurt naturellement laissant ses deux fils s’entretuer pour la couronne. Si l’empoisonnement reste de mise encore aujourd'hui, modernité oblige, les conflits de succession se règlent devant les tribunaux compétents.
Une défaite devenue symbole de la puissance africaine
Une guerre civile qui a permis à Cetshwayo kaMpande (1826-1884) d’émerger et de s’imposer grâce à l’aide des Afrikaners qui espèrent que son empire fera tampon contre l’arrogance anglaise. Pour les Britanniques, il est « du devoir de la Grande-Bretagne, à travers une haute mission de propager l’influence civilisatrice du gouvernement chrétien en vue d’éradiquer les institutions barbares du Royaume zoulou ». La multiplication des incidents entre les deux nations rivales va être le prétexte au gouvernement pour lancer son plan d’invasion. A la tête des régiments militaires britanniques, le général Frederick-Augustus Chelmsford. L’officier, issu de l’aristocratie, est habité par l’idée de mener une sainte croisade au nom de la grandeur européenne. Numériquement supérieur en nombre, avec des milliers d’hommes, il a l’assurance de ne rien craindre. Pourtant, il sous-estime la puissance guerrière zouloue qui joue avec ses nerfs sur les collines d’Isandlwana. Ce sont des nuées de soldats qui surplombent la vallée, se montrant d'un seul bloc, tapant du pied sur le sol, leurs lances sur leurs boucliers, avant subitement de se retirer. L’assaut est donné le 22 janvier 1879. La résistance est farouche, l’artillerie britannique efficace, mais les attaques des impies zoulous redoutablement meurtrières, semant la panique chez les auxiliaires africains qui se débandent. Les brèches sont l’occasion pour les Zoulous de pénétrer dans le camp militaire anglais et de semer la mort et la terreur parmi les tuniques rouges. C’est la fuite en avant, l’Union Jack est souillé du sang de ses fils. La suite est connue.
Une nation toujours fière d'exister
Pour le 144e anniversaire de la bataille d’Isandlwana, le roi Misuzulu Sinqobile kaZwelithini a décidé d’assister à la grande reconstitution qui est organisée chaque année en Afrique du Sud. S'adressant à une foule de plusieurs centaines personnes rassemblées au musée d'Ulundi, le souverain a déclaré que la nation zouloue avait « une culture unique que d'autres nations aimeraient imiter ». En tant que tel, il a ajouté que « ces cultures devraient être préservées et que la nation zouloue devrait se comporter de manière humble aux yeux du monde ». Vague allusion aux tensions dynastiques qui perdurent depuis 2021 au sein de cette maison royale qui règne sur près de 10 millions de sujets depuis le début du XIXe siècle. « Les nations de la communauté internationale savent que nous, les Zoulous, avons un mode de vie unique et spécial dans le monde. Nous avons le trône, nous avons le roi, nous avons les Amakhosi (chefs tribaux), nous avons la maison royale, nous avons les indunas (généraux), cette bataille reflète tout ce que nous avons été et continuons d’être » a déclaré le monarque, descendant directe de Cetshwayo), le roi qui a tenu en échec les Anglais et dont le Kraal fut pris d’assaut par ces derniers en juillet 1879, signant ainsi le début du démembrement et la soumission de l’Empire zoulou.
« Avec la mort du roi (Cetshwayo), c’est un chapitre de notre histoire qui s’est clos. L'histoire de notre nation a continué, et elle continue encore aujourd'hui. Cent quarante-quatre ans après Isandlwana, il y a toujours un roi sur le trône de la nation zouloue » a rappelé fièrement le prince Mangosuthu Buthelezi. « Le roi Misuzulu perpétue une lignée ininterrompue qui a uni la nation zouloue depuis sa fondation par le roi Shaka KaSenzangakhona » a-t-il renchéri dans son discours commémoratif, lu à la suite du monarque. Associé au sentiment nationaliste dont l’ancien ministre sud-africain de l’Intérieur est toujours le porte-drapeau (les spectateurs présents hurlant et hululant de joie à chaque moment de la reconstitution montrant le recul des Britanniques), Mangosuthu Buthelezi a également profité de cet événement pour confirmer que rien ne saurait remettre en question la couronne actuelle, y compris devant les tribunaux, pointant du doigt la branche concurrente qui revendique le trône des Amazoulous. « Bayete Nkosi» (salut roi) ont alors crié d'une même voix les sujets du Grand éléphant, le roi Misuzulu.