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Mohammed VI et le Sahara occidental, 25 ans de tensions

Depuis son accession au trône en 1999, le roi Mohammed VI a déployé des efforts diplomatiques considérables pour renforcer la position du Maroc sur la question délicate et complexe du Sahara occidental, tout en faisant face à des critiques et à des tensions persistantes avec son voisin algérien.

Le Sahara Occidental est un vaste territoire de 266 000 kilomètres carrés. Les différentes dynasties marocaines, qui se succèdent au cours des siècles, vont peu à peu s’imposer militairement sur les tribus berbères qui résident dans cette partie de l’Afrique du Nord. La colonisation espagnole (1884) va rabattre les cartes en dépit d’une forte résistance locale appuyée par la monarchie alaouite qui n’entend rien céder de ce qu’elle considère déjà comme une partie intégrante de son royaume. Le traité de 1912 va aboutir au partage frontalier du Sahara occidental entre la France et l’Espagne, base de départ d’un contentieux qui perdure encore aujourd’hui.

Un désert très convoité

Avec la décolonisation française (1962), puis Espagnole (1975) au prix d’une guerre entre Madrid et Rabat (1957-1958), la capitale du Maroc, la monarchie du roi Hassan II s’empresse de revendiquer son territoire perdu. Face aux nombreuses revendications, la Cour internationale de justice (CIJ) se penche sur la question au départ des Espagnols et rend un avis consultatif reconnaissant des liens historiques entre le Sahara Occidental et le Maroc. Tout en affirmant également le droit à l'autodétermination des peuples sahraouis. Utilisant ce verdict à son avantage, le roi Hassan II (1929-1999) lance alors sa fameuse « Marche Verte », décrite par le pouvoir royal comme une initiative pacifique pour récupérer le territoire. 350 000 Marocains, civils et désarmés, se rassemblent près de la frontière du Sahara Occidental, portant des drapeaux marocains, des portraits du roi et des exemplaires du Coran. C’est un succès qui permet au monarque d’affirmer son ascendance légitime sur le Sahara riche en ressources naturelles telles que les phosphates et les ressources halieutiques.

Les indépendantistes, une épine dans le tapis de la monarchie marocaine

Le Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro (Front populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro), plus connu sous son acronyme de Polisario, qui s’était battu contre les Espagnols se retourne dès lors contre le Maroc. Ses leaders réclament alors l’indépendance qu’ils estiment avoir de droit et vont obtenir de l’aide de l’Algérie voisine (qui accueillent les exilés et réfugiés sur son sol.) Au grand dam du Maroc qui multiplie les protestations (d’autant qu’en pleine Guerre froide, Cuba, la Yougoslavie et plus tard la Libye arment allégrement les séparatistes). Si les accords de Madrid mettent en place une administration partagée entre le Maroc et le Mauritanie (qui se retirera finalement en 1979), le problème ne sera pas réglé pour autant. En 1976, le Polisario proclame la République arabe sahraouie démocratique (reconnue depuis 1982 par l’Union africaine (UA) et considéré comme « territoire non autonome » par les Nations unies.), marquant le début d’une escalade militaire entre indépendantistes et forces armées du Maroc. Les affrontements vont durer jusqu’au cessez-le feu de 1991.

Le Sahara occidental, chasse gardée du roi Mohammed VI

La question du Sahara occidental va accentuer le nationalisme marocain et générer de fortes tensions diplomatiques avec Alger, accusée d’être la base arrière d’un parti qui connaît lui-même des dissensions internes. En montant sur son trône, le 25 juillet 1999, le roi Mohammed VI a hérité de ce dossier épineux auquel il s’attèle immédiatement. En 2007, le souverain propose un plan d’autonomie pour le Sahara Occidental, visant à accorder à la région une autonomie étendue sous souveraineté marocaine. Bien accueilli par certains pays et organisations internationales comme une base de négociation réaliste, il est finalement rejeté par le Front Polisario et l'Algérie. Les deux pays continuant de demander la mise en place d’un référendum d'autodétermination. En dépit d’un statu quo, le Maroc redouble d’efforts en parallèle pour faire reconnaître sa position sur l’échiquier international. En 2017, après plus de trois décennies de retrait, le Maroc décide de réintégrer l'Union Africaine. Une décision stratégique visant à renforcer la position de la monarchie au sein du continent et à contrer l'influence du Front Polisario au sein de l'UA. La reprise des hostilités en 2020 va mettre à mal cette diplomatie au pas de charge initiée par Mohammed VI qui obtient toutefois le soutien des États-Unis la même année.

Tensions entre le Maroc, l'Algérie et la France

Depuis plusieurs décennies, ancienne puissance coloniale en Afrique du Nord, la France soutient les efforts des Nations Unies pour parvenir à une solution politique négociée et durable au conflit, tout en maintenant des relations étroites avec le Maroc, un allié stratégique dans cette partie de l'Afrique (notamment en matière de lutte contre le terrorisme islamiste). Paris va d’ailleurs soutenir le plan proposé par le roi Mohammed VI, évoqué précédemment, la qualifiant de « base sérieuse et crédible ». Des liens qui se sont progressivement refroidis avec l’arrivée au pouvoir du Président Emmanuel Macron (2017), jugés encore dernièrement comme « ni bonnes ni amicales » d’après les conseillers du sultan. Affaire Pégasus, affaire des visas, un rapprochement du dirigeant français avec Alger va considérablement irriter la monarchie alaouite. Il faudra tout le talent et la patience de la diplomatie française pour qu’un réchauffement se fasse à nouveau sentir entre les deux capitales. Paris a désormais tranché. Le 30 juillet 2024, cadeau d’anniversaire, « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine » annonce le communiqué officiel. « Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant » rapporte même le mensuel Jeune Afrique dans ses colonnes. La réponse de l’Algérie ne se fera pas attendre. Protestations et rappel de son ambassadeur en France, annulation de la visite du Président algérien (maintes fois repoussée), c’est une véritable crise diplomatique qui vient d’éclater entre Paris et Alger.

De quoi couronner 25 ans d’un règne élogieux dans tous les domaines.  Avec une succession au trône assurée, le roi Mohammed VI, qui connaît un état de santé fragile, peut s’enorgueillir d’un bon bilan. Sous couvert d‘une monarchie constitutionnelle dont il conserve cependant tous les pouvoirs régaliens entre ses mains, il a établi un leadership incontesté sur l’ensemble  de l'Afrique, renouant ainsi avec un soft power que la monarchie a assumé durant des siècles sur ce continent.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 20/11/2024

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