Les monarchies ? Un perpétuel sujet d'intérêt

Stéphane Bern Photo@SecretsdHistoire @FacebookFrederic de Natal : Vous êtes un journaliste reconnu, un conteur de talent, vous maîtrisez tous les arcanes du Gotha. Comment vous est venue cette passion des monarchies ?

Stéphane Bern : Mon amour de l’Histoire me vient de mes grands-parents maternels qui vivaient au Grand-duché du Luxembourg, une monarchie donc. C’est mon grand–père qui a d’ailleurs nourri cette passion naissante en m’envoyant toutes les semaines une carte postale représentant la famille Grand-ducale. Je suis donc venu à la monarchie très naturellement. Vous savez, j’ai découvert la république assez tard. Nous étions à Paris et je me revois, enfant, demander à mon père, très naïvement : « mais en France, il n’y a pas de Grand-duc ? ». On peut dire que sa réponse n’a pas été à la hauteur de mes attentes et le fait qu’il me réponde qu’il y’ait un président, je trouvais déjà cela beaucoup moins chic à l’époque.

J’écrivais au Grand-duc Jean tous les 5 janvier pour son anniversaire et je me souviens lui avoir demandé une fois de m’envoyer une photo de lui, que j’ai reçue et punaisée sur un tableau de liège au-dessus de mon bureau de ma chambre d’enfant. Au fur et à mesure des années, c’est une famille que j’ai fini par m’approprier et que je rêvais de rencontrer. Ce que j’ai fini par réaliser. J’ai été le premier journaliste à les interviewer en 1989 pour leurs 25 ans de règne.

FdN : « L’Europe des rois ». C’est le titre d’un de vos livres paru en 1988. Est-ce toujours une réalité aujourd’hui et quel regard portez-vous sur ces monarchies ?  

SB : Oui l’Europe des rois existe toujours et ils ont plus que jamais leur utilité. On le voit bien avec toutes ces crises qui se succèdent.  Au fond, ce sont les figures royales les plus crédibles. Prenons juste l’exemple de nos voisins les plus proches, le roi des Belges et celui d’Espagne. Le roi Philippe gère la crise du coronavirus en prenant des initiatives, fait des discours, s’adresse via des visio-conférences aux soignants, etc. Cela prend tout son sens car il parle au nom de la nation toute entière. Cela n’a pas la même force quand cela vient de la part de la première ministre Sophie Wilmès ou même de Maggie De Block [ministre belge de la santé-ndlr] dont personne ne connait le nom au-delà des frontières belges. Que dire du roi Felipe ? Il appelle lui-même le président Trump où son homologue chinois, se démène pour obtenir des masques de protection ou des respirateurs.  Et que fait son président du Conseil en attendant ? Il compte tristement les victimes et défend sa politique aux Cortès.

Bien sûr, ce n’est plus comme avant la première guerre mondiale où il existait une vraie internationale des rois, qui a fini par voler en éclat, mais dans ces moments de crise que nous traversons, les rois sont tous en première ligne. Ce sont des figures emblématiques, ce sont des emblèmes, des exemples, des porte-drapeaux. Et je trouve que les autres ne font que tenter de gérer une crise qui les submerge et qui révèle leurs faiblesses ou leurs forces.

On pourra toujours nous parler de l’Europe économique, du libre-échange, de l’Europe sociale, militaire, mais soyons honnête, tout ceci n’existe pas pour les gens. L’Europe c’est avant tout une culture et une histoire. Et qui incarne le mieux cela ? Ce sont ces rois au service de leurs pays, qui représentent encore une Europe humaine, sentimentale, à qui ils donnent indubitablement un peu de plus de couleurs à notre continent qui, lui, est dirigé par des « hommes en gris » qui édictent des règlements.

Les dernières monarchies d'EuropeFdN : Justement, la définition « d’un bon roi », quelle serait-elle selon Stéphane Ben ? 

SB : Un bon roi, c‘est celui qui incarne la Res Publica, qui fait passer la chose publique avant tout autre chose, qui est l’incarnation vivante de la nation, de dévouement au service du pays. Un roi doit savoir se sacrifier.  « Never explain, never complain » (jamais expliquer, jamais se plaindre) comme le résumait si bien la reine Victoria.

FdN : Aujourd’hui, être monarchiste en France alors que nous sommes une république depuis un siècle et demi, cela n’est –il pas un peu anachronique ?

SB:  Absolument pas. Les monarchies qui sont autour de nous, sont des monarchies républicaines et nous, nous vivons dans une république monarchique. La vraie question qui se pose aujourd’hui, au-delà des mots et des concepts, c’est laquelle de ces deux formes de régime nous semble la plus démocratique ? Nous avons actuellement un président qui a plus de pouvoirs qu’un roi et qui d’une certaine manière ne revient jamais devant les électeurs. Nous sommes dans un type de démocratie bien moins vivante que certains pays qui ont des souverain(e)s à leur tête. Or, nous savons que les premières démocraties du monde sont des monarchies républicaines comme la Suède, le Danemark, la Belgique, où on remet tout entre les mains des électeurs.

En France, il nous reste un fort héritage monarchique. Nous avons cette fâcheuse tendance à tout attendre du président, ce monarque républicain, alors que la politique générale de la France est pourtant menée par le premier ministre. Sauf que ce dernier qui peut parler autant qu’il veut, tant que le président n’a pas parlé, il n’existe finalement pas aux yeux des Français. C’est ce paradoxe avec nos concitoyens qui sont fascinés par les monarchies et qui se cherchent en même temps des présidents-rois à qui ils peuvent couper la tête tous les 5 ans.

Stéphane Bern Photo@KG/FdNFdN : 17% des français souhaiteraient le retour de la monarchie. Dans ces temps troublés, elle peut apparaitre comme un recours. Imaginons que les Français décident de plébisciter le retour de cette institution. Nous avons plusieurs prétendants. Quel souverain pour la France selon vous et pourquoi ?

SB : Vous me posez une colle. Mais avant de savoir qui pourrait monter sur le trône, il serait bon de déterminer quel type de monarchie nous souhaitons vraiment ?  En ce qui me concerne, elle ne peut être que parlementaire et démocratique, où le roi règne mais ne gouverne pas. Il doit être cette figure emblématique, arbitrale au –dessus des partis et des intérêts particuliers. Tous les monarchistes en France ne veulent pas ce système. Certains par exemple veulent un roi qui aurait les mêmes pouvoirs qu’un président de la république.

Alors qui pour incarner cette monarchie ?  Les monarchistes sont divisés entre les partisans du comte de Paris, Jean d’Orléans, et les partisans du duc d’Anjou, Louis de Bourbon. Et même si par fidélité, je suis proche des Orléans, au fond celui qui arrivera le premier, c’est à dire celui qui se fera aimer des Français et donc reconnaître, sera celui qui sera couronné à Reims.  

Enfin, sur quelle légitimité doit-il se baser ? J’ai été militant royaliste un temps lorsque j’avais 17 ans, je ne le renie pas, et dans mes jeunes années j’ai travaillé avec feu le comte de Paris [Henri d’Orléans (1908-1999)]. Il me disait que la légitimité royale devait pouvoir se fonder sur trois choses : l’Histoire, le service rendu au pays et le suffrage universel. En quelque sorte c’est une forme de sacre et on ne peut pas y échapper si on veut voir la monarchie revenir un jour en France. Il ne faut pas oublier que les rois sous l’Ancien régime étaient acclamés. Une pratique qui existe toujours lors du couronnement du souverain d’Angleterre, et qui est une forme sacrale du suffrage universel.  Une démocratie couronnée me semble la plus adéquate, bien que je pense que ce n’est pas pour demain.

FdN : Qui est votre monarque de référence et pourquoi ?

SB : J’ai une tendance à aimer Henri IV, qui fort de sa légitimité qui n’était pas acceptée par tout le monde, a fait en en sorte qu’elle le soit.  C’est l’image du roi rassembleur, unificateur, pacificateur qui a compris que s’il voulait être le roi de tous les Français, il devait s‘adapter face au principe de réalité qui s’imposait à lui. Cela lui a permis de jouer pleinement son rôle d’arbitre et de réunificateur d’un royaume déchiré par les guerres de religion. Et cet exemple peut être utile aujourd’hui. Quand on voit sur les réseaux sociaux, cette haine qui se diffuse, qui oppose les uns aux autres, on se demande comment on va arriver à réconcilier les Français demain. Qui aujourd’hui pourrait les réconcilier ? Je ne sais pas quand je vois ce qui constitue l’état de notre classe politique actuelle.  

FdN : Votre émission « Secrets d’Histoire » cartonne sur France télévision mais reste critiquée par certains politiques qui vous reprochent de trop vous attarder sur les princes et princesses en lieu et place d’autres grands personnages plus « républicains ». Que souhaitez –vous répondre à cela ?

SB : Je vais vous donner la réponse que j’ai faîte amicalement à Alexis Corbière et Jean-Luc Mélenchon. Car il s’agit d’eux. Avec mille ans d’histoire de France, sept siècles de monarchies et deux siècles de république approximativement, si vous regardez mes émissions, 64% parlent seulement des royautés. Ils ont fait le calcul eux-mêmes. Il y’a tout de même un principe de réalité qui s’impose à moi aussi. Il ne faut pas oublier aussi que je ne suis pas seul à décider du choix des sujets, c’est une concertation avec mon producteur et France Télévision. J’ajouterais que chaque fois que j’ai fait des émissions sur des grands personnages de la Révolution, Danton ou Olympe de Gouges, ou des grands Républicains comme Clémenceau cela a moins bien marché en termes d’audience. C’est-à-dire que nous faisons 2 fois moins d’audience avec des personnages qui ne sont pas des figures royales. Il faut qu’ils acceptent cette idée que cela plaît moins au public français. 

Ce qui a agacé ces deux personnalités de La France Insoumise, avec qui je m’entends pourtant bien par ailleurs, c’est le « Louis XVI » qui a réuni 5 millions de téléspectateurs et qui a mis le feu aux poudres. Si on avait réuni ce même nombre de personnes le 10 août 1792, on ne serait peut pas là à parler de tout ça. Mais ça, c’est une autre histoire dont je n’ai pas le secret.

Mes remerciements à Stéphane Bern qui a bien voulu m’accorder cette interview.

Copyright@Frederic de Natal

Commentaires

  • Alain monier
    • 1. Alain monier Le 01/11/2020
    Mo,sieur Ber(n est royaliste, pour autant il savere representer l'aile lav plus conservatrice et reactionnaire du mouvement, il a choisu comme representation le petit fils du dictatzure Franco qui assume tous les crimes de son

    Monsieur Bern est royaliste mais dans la version conservatric e et reactionnaire, son choix invoque le petit fils du general France qui assume la dictacture sanglante de son grand pere Monsieur a deux variantes contradictoire, l'humaniste cons titutionnelle ou l"autre incontournable dans son rigorisme desuet. Ce qui fait la specicite d'un monarque c'est le respect qu'il inspire et dans sa representation d'une eternite par l'heredite hasardeuse de l'histoire qui faconne les peuples. Pas de ceremonal grandiloquent pour inspirer le sacre, la fonction bien rempli l'evoque d'elle meme. Merci[b][/b]

    grand pere

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