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Tony Abott et la monarchie australienne

« Je me battrais pour garder le  système monarchique que nous avons, et qui, j'en suis sûr, continuera d'évoluer sous le regard bienveillant de notre Couronne »

Tony Abbott, 2018

 

26Inamovible député de la circonscription de Warringah, en Nouvelle-Galles du Sud, plusieurs fois ministre et chef du gouvernement, Tony Abbott est aussi la figure montante de l’ultra-monarchisme australien. La république ? Cet homme de 61 ans avoue avoir en horreur ce système qu’il entend combattre. A l’heure ou l’idée d’un second référendum sur l’avenir de la monarchie se fait de plus en plus vive au sein de l’Australie, Tony Abbott entend revenir sur le devant de la scène politique afin de mettre fin au débat « Monarchy versus Republic» qui divise ce pays du Commonwealth.

 

Né 5 ans après la montée sur le trône de la reine Elizabeth II,  dans les veines d’Anthony John Abbott coule l’histoire de l’empire britannique. Son père est anglais, sa mère australienne. Il est né est à Londres, son destin se poursuivra sur cette île du pacifique transformée en vaste colonie pénitentiaire au XVIIIème siècle. Ce joyau de Britannia est, au début de la seconde guerre mondiale, dirigé par le « Country Party », le parti national d’Australie qui est conservateur, agrarien, monarchiste et anti-socialiste. Le nationalisme britannique y est alors exacerbé. L’Australie va lancer un vaste programme d’immigration eu lendemain de 1945 sous le slogan, « se peupler ou périr ». « L’Australie blanche » va drainer des centaines de milliers d’européens venus du vieux continent durant presque 3 décennies. C’est dans cette atmosphère  de politique raciale que Tony Abbott va débarquer en septembre 1960.

 

Il grandit à Sydney,  étudie brillamment  chez les jésuites. Discipline, rigueur, il sera diplômé des arts, philosophie, politique et économie. Tony Abbott se fait rapidement remarqué par ses coreligionnaires. Il s’oppose, jeune étudiant testostéroné et passionné de rugby, aux travaillistes de gauche qui peuplent les universités.  C’est un mondain qui place le catholicisme au rang des religions supérieures et qui entend ne laisser aucune place à l’échec comme témoignent ses anciens camarades de classes qui parlent de lui comme un « fox-terrier agressif ». Déjà à l’époque, il se définit comme un «staunch monarchiste », un dévoué partisan de la couronne.  La crise institutionnelle de 1975 le mène dans la rue afin de soutenir le gouverneur-général de Sir John 24 2Kerr, contraint à la démission. Une révélation qui va écrire les pages les plus importantes de sa vie politique.

Il songe d’abord au séminaire mais l’appel des choses de la vie sera plus forte Il sera journaliste au sein de journaux catholiques et devient officiellement citoyen australien le 26 juin 1981. Un pas de plus vers son engagement. Le 12 octobre 1993, il renonce à sa nationalité britannique afin de pouvoir se présenter aux élections législatives. Il deviendra député. Sa fibre, sa verve monarchiste attire l’œil de la ligue des Australiens pour une Monarchie Constitutionnelle (ACM), fondée un an auparavant, afin de « défendre, préserver et protéger l’héritage constitutionnel australien à travers sa couronne et son drapeau ». Depuis le début des années 1990, les australiens se sont divisés entre partisans du maintien de la monarchie et partisans de l’avènement de la république. Tony Abbott prend la direction de la ligue monarchiste qui va lui assurer un siège en Nouvelle –Galles du Sud sous les couleurs du parti libéral et une amitié avec le futur premier ministre John Howard qui en fera un ministre. Sa carrière va être fulgurante, les attaques de l’opposition à son encore tout aussi violentes. Le référendum pour ou contre la république en 1999 bat son plein, Tony Abbott mène les partisans du « oui à la reine » vers la victoire. En face de lui, son collègue Malcolm Turnbull qui a plébiscité la république. Entre les deux hommes une rivalité sans limites.

 

23Libéral certes, mais aussi conservateur. Le monarchiste s’est mué en ultra royaliste. En 2006, il s’oppose à un vote favorisant la vente du mifépriston, utilisée par les femmes comme médicament abortif. « Nous avons un pays bizarre » déclare-t-il à la tribune du parlement. « Un homme qui tue le bébé d’une femme enceinte est reconnu coupable de meurtre, mais une femme qui décide d’avorter le bébé qu’elle porte exerce donc ce que l’on appelle un libre-choix » ajoute celui qui proposera au vote une « allocation de maternité nationale ».  C’est un royaliste « zelé » écrira dans ses mémoires John Howard. Mais qu’Abbott critiquera pour avoir refusé de demander pardon aux aborigènes, les premiers mélanésiens qui ont peuplé l’ile, victimes d’une implacable ségrégation raciale, d’un semi-esclavage dans les réserves et dont les enfants furent arrachés à leur parent sur ordre du gouvernement pour devenir de « bons australiens »…blancs. La fameuse « génération volée » immortalisée par le film, « le chemin de la liberté » (2002).

 

Elu au poste de président du Parti libéral en décembre 2009, il devient premier ministre 4 ans plus tard. La presse ne le ménage pas ni son opposition. On le critique sur son traditionalisme avéré (il refuse toute loi sur le mariage pour tous  avec une nuance peu commune. Si il ne nie pas les relations entre personnes de même sexe ni ne les condamne [« célébrons toutes les relations solides, qu’elles soient entre un homme et une femme ou entre des personnes du même sexe » écrit-il], il se refuse pourtant à accepter cet engagement comme un mariage légal). On évoque sa misogynie (une seule femme dans son cabinet), on l’écoute peu quand il avertit que le changement climatique doit devenir une priorité mondiale ou on raille sa décision de créer un ordre de chevalerie qui devient une véritable affaire d’état lorsqu’il décide de nommer chevalier le duc d’Edimbourg, Philipp Mountbatten, mari de la reine.  Opposant à l’euthanasie, il tombera bientôt, victime d’un putsch interne organisé en septembre 2015 par Malcolm Turnbull, qui lui succède. Et qui fait abolir immédiatement l’ordre de chevalerie. L’Australie se redivise entre monarchistes et républicains, les deux camps s’affrontent à coup de communiqués et de menaces d’un nouveau référendum que fait planer continuellement le nouveau premier ministre.

 

28Aujourd’hui dans l’opposition, il reste un des grands leaders monarchistes. « J'espère que la république n'arrivera jamais parce que je pense que l'histoire et l'évolution nous ont donné un système bien meilleur que tout ce que nous pourrions concevoir en repartant de zéro » affirme ce proche des lobbys conservateurs américains (en 2018, il a officiellement apporté son soutien aux fermiers blancs sud-africains, soutenant l’idée de rapatrier certains en Australie)  dans la presse  lors du débat initié par le mouvement républicain. Son monarchisme est son crédo : « Cela permet à Abbott de rester pertinent dans ses analyses et assurer toute l’énergie dont ont besoin les divers groupes monarchistes » dit un de ses amis proche du premier ministre libéral Scott Morrison, lui-même tombeur du rival de Tony Abbott en août dernier.

Une revanche pour celui qui a dirigé l’un des plus influents mouvements monarchistes de l’Australie qui verrait bien un prince de la maison royale de nouveau gouverneur général de l’île (le duc Henry de Gloucester, 4ème fils du roi Georges V le fut entre 1945 et 1947)  et que l’opposition a surnommé «  le moine fou ». En octobre 2018, Scott Morrison s‘est déclaré fervent monarchiste constitutionnel.

« Je me battrais pour garder le  système monarchique que nous avons, et qui, j'en suis sûr, continuera d'évoluer sous le regard bienveillant de notre Couronne » a déclaré l’ancien premier ministre qui entend bien reprendre son poste de chef de gouvernement. « La  monarchie constitue également un équilibre important qui empêche le pays de sombrer dans une politique de partis inhérente à ce que les républiques actuelles vivent au quotidien » martelait-il encore récemment face aux multiples sondages publiés quotidiennement, qui d’un lundi à l’autre donnent soit le oui gagnant en faveur de la monarchie, soit le oui gagnant en faveur de la république.

 

Frederic de Natal

Paru le 07/11/2018

Date de dernière mise à jour : 13/07/2022

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