Les australiens souhaiteraient la fin de la monarchie !?

Queen elizabeth IIJamais sujet n’aura autant divisé les australiens. Loin du smog britannique, dans le Pacifique, l’institution monarchique est de nouveau au cœur des débats parmi les australiens. Médias, communiqués ou dans les urnes, les descendants de bagnards et de prostituées s’affrontent quotidiennement afin de déterminer si l’Australie doit demeurer une monarchie parlementaire ou prendre son indépendance. Un récent sondage, publié ce mois,  a créé l’émoi sur ce continent. Pour la première fois depuis le référendum de 1999, il montre une nette avancée des républicains face aux monarchistes, de moins en moins nombreux selon le Daily Telegraph.

Sondage du daily telegraph«Vive la Republic» (dans le texte). Le titre s’affiche, volontiers provocateur, en une du «Daily Telegraph» et témoigne de l’ambiance qui règne actuellement en Australie. Monarchistes et républicains s’affrontent de plus en plus violemment à coups d’arguments et contre-arguments. Arrivé au pouvoir dans des conditions difficiles en août 2018 et après avoir renversé le gouvernement du pro–républicain Malcolm Turnbull, le premier ministre royaliste, Scott Morrison, est désormais l’objet de critiques en tout genre par les australiens qui lui reprochent son absence de gestion dans la crise des incendies qui ont ravagé le pays début de cette année et fait de nombreux morts ou du covid-19. Pis, la publication prochaine de lettres signées de la main-même de la reine Elizabeth II,  dans la crise constitutionnelle de 1975, pourrait signer le début de la fin de la monarchie en Australie.

 Affiche de propagande de l amlAncienne colonie-prison, «Aussie» ou «Oz» est le joyau de la monarchie britannique dans le Pacifique.  Ses plages ont fait sa renommée, le paradis des surfeurs ou l’expression du culte du corps et le pays offre une carte géographique multicolore et multiculturelle incomparable.  Il faut attendre 1954 pour qu’un souverain daigne enfin visiter l’île. La venue d’Elizabeth II est un succès et la couronne entame une campagne de reconquête des mentalités australiennes alors que celles-ci se posent déjà la question de la proclamation d’une éventuelle indépendance.  Si le duc de Gloucester est brièvement nommé gouverneur-général d’Australie, c’est le prince Charles de Galles qui va devenir la figure de proue des monarchistes. Etudiant en 1966 à la Geelong Grammar School de Timbertop, située dans l’état de Victoria, le fils aîné de la reine va transmettre sa passion du continent à ses deux enfants qui vont eux-mêmes multiplier les visites afin de renforcer le sentiment d’attachement de l’Australie à la monarchie. C’est en 1991 que naît le mouvement républicain australien. Conduit par des ténors de la société civile et politique, il offre à ce continent son premier référendum sur la question monarchique. Le 6 novembre 1999, 55% des australiens décident de conserver leur fidélité aux Windsor. Un succès en demi-teinte qui ne règle pas pour autant le sujet. Chaque année, en fonction des crises qui éclatent, les médias évoquent la mise en place d’un nouveau référendum avec des sondages montrant les deux partis au coude à coude. Hors, depuis peu, le républicanisme a le vent en poupe et l’Australie semble de plus en plus s’éloigner de «Down down under» (en dessous) comme elle surnomme Londres.

Peter fitzsimonsLors de la visite du prince Harry et de son épouse, il y a deux ans, le parlement de Canberra avait manifesté son agacement lorque qu'il lui avait été demandé régler la note de ces royaux venus faire leur show peu de temps après leur mariage. Pourtant populaire parmi les jeunes australiens, le prince William fait face aux mêmes critiques. Un sondage avait révélé que 66% des australiens en avaient assez de payer pour ces voyages aux coûts exorbitants. Aujourd’hui c’est 62% de ces descendants de bagnards et prostituées qui veulent couper les ponts avec la mère-patrie. Publié dans le Daily Telegraph, le sondage a créé l’émoi parmi les sujets de la «Queen». Pour la première fois, les républicains sont donnés vainqueurs. Ils ont exploité autant l’affaire Epstein (qui éclabousse le prince Andrew, duc d’York) que l’ouverture prochaine d’archives nationales qui démontreraient que la reine Elizabeth II n’a pas respecté son rôle constitutionnel et qu’elle s’est impliquée dans la crise de 1975 qui a vu s’affronter le gouverneur-général John Kerr et le premier ministre Gough Whitlan, brutalement limogé. Les lettres sembleraient prouver qu’Elizabeth II avait été avertie de la décision du gouverneur–général bien avant qu’il ne «licencie» officiellement le premier ministre pour favoriser le chef de l’opposition. 45 ans plus tard, l’affaire continue de passionner les australiens et les républicains ont organisé des manifestations afin que les partis s’entendent pour convoquer un nouveau référendum. 52% des australiens pensent même que la reine Elizabeth II ne devrait plus être chef de l’état. Les états de Tasmanie, de l’Ouest australien, de Victoria ou du Queensland sont unanimes dans leur volonté de se séparer de la monarchie. 4500 personnes ont été interrogées lors de cette enquête difficilement contestable. C’est d’ailleurs très cyniquement que Peter FitzSimons, leader du parti républicain (ARM), cite le départ de la famille royale du prince Harry pour justifier les raisons qui le pousse à réclamer ce nouveau référendum. Le sondage a tellement  surpris l’Australian monarchist League (AML) que le mouvement monarchiste a eu du mal à argumenter sur ces résultats ur son site officiel.

Scott morrison et la reine elizabeth iiLes australiens peuvent-ils faire sécession ? Pour l’instant, le premier ministre Scott Morrison se refuse à mettre sur pied un nouveau référendum, faisant déjà face à un autre débat sur la reconnaissance officiel des aborigènes dans la constitution. Il compte sur les nombreuses divisions des républicains, qui n’arrivent pas à s’entendre sur la forme de l’état ni sur les pouvoirs à octroyer au futur chef d’état, pour se maintenir au pouvoir. Les dernières élections législatives de mai 2019 ont assuré la victoire de sa coalition et provoqué la démission du leader travailliste républicain, Bill Shorten. Quoique contesté, Scott Morrison a encore réaffirmé récemment son soutien à la monarchie constitutionnelle et qu'il n’entend pas plus convoquer les australiens aux urnes que changer le drapeau national où figure l’Union Jack britannique.  Pour Peter Costello, ce sondage n’est pas révélateur d’un changement des mentalités. Ministre du Trésor lors du dernier référendum, il assure que si cette question doit être posée, cela ne sera pas avant «au moins, minimum un demi–siècle».

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 13/07/2020

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