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La Russie a t-elle besoin d'un Tsar ?

La grande duchesse maria wladimirovna et son fils georgesPour certains monarchistes russes, inutile de leur parler de la branche Kirillovitch. Un siècle plus tard, ils ressassent encore, avec rancœur, l’attitude du grand-duc Kirill Vladimirovitch Romanov lors de la révolution de 1917. Brassard rouge ou chemise rouge sous son uniforme, à chacun sa théorie sur ce prince qui, en tête de son régiment, avait investi le palais de Tauride où siégeait la Douma. Mais pour son arrière-petit-fils, le grand –duc Georges, il faut savoir aller de l’avant. Il est présent en Russie, reçu régulièrement par les autorités locales ou religieuses, assume son devoir d’héritier au trône. Et c’est bien à ce titre là qu’il a été reçu lors d’un gala organisé par le magazine Tatler, le 22 avril dernier. Ce soir-là, le journaliste  Denis Kataev, qui a suivi le Grand-duc, a posé la question qui brûle  parfois les lèvres des russes partagés entre nostalgie impériale et grandeur du stalinisme : « La Russie a-t-elle besoin d’un Tsar ? »

C’est à la chute du communisme que les Romanov font leur retour dans une Russie qui a gardé tout son décorum tsariste. En 1991, le cœur serré, le grand-duc Wladimir (III) Romanov débarque à Léningrad, rebaptisée de son ancien nom impérial de Saint-Petersbourg. L’émotion est à son comble, les russes redécouvrent leur héritier après 70 ans de mensonges qui ont laissé un pays orphelin d’une famille massacrée un soir de juillet 1918, à Iekaterinbourg. Renaissance des mouvements monarchistes, ils resteront toutefois minoritaires. Président,  Boris Eltsine a un rêve, celui d’un retour à l’empire. Mais face à l’opposition au sein de son propre camp, il devra y renoncer. Tout au plus, fait-il enterrer en grandes pompes les restes retrouvés de Nicolas II et d’une partie de sa famille.  A cette occasion (1998), les russes constatent avec regret les divisions internes au sein de la maison impériale.

Couronne des tsarsDeux décennies plus tard, 1/3 des russes fantasme toujours sur l’idée d’une restauration de la monarchie après le dernier mandat de Vladimir poutine, inamovible dirigeant de la Russie depuis 1999. « La monarchie fait partie de l’ADN de la Russie » déclare au micro de Denis Kataev, Xenia Solovieva du magazine Street Life. On se presse d’ailleurs autour de la star de la soirée, le Grand-duc Georges à qui on offre, certainement un énième portrait de Nicolas II. Vilipendé sous l’ère communiste, Nicolas le sanglant est désormais depuis 2000, un saint canonisé. Une icône que tous les orthodoxes possèdent au moins dans leur maison. A la veille de la traditionnelle manifestation en hommage à la famille impériale, qui devrait encore rassembler des centaines de milliers de russes pour cette occasion, le grand-duc Georges, toute barbe élégante, est l’objet de toutes les attentions. Ici, on se dit monarchiste comme on se dit orthodoxe. Les deux vont de pair et s’incarnent à travers visage de la député-pasionaria, Natalia Poklonskaya, l’ange blond du tsarisme blanc actuel qui ne laisse pas de place à la modération. Comme l’âme slave, la sensibilité de la croyance religieuse s’allie au mysticisme de l’ultra-conservatisme.

« C'est un homme moderne » affirme, Xenia Solovieva  chef d'orchestre de cette soirée où gravite tout le  gratin de la bonne société russe. « Il a travaillé à Oxford, au Parlement européen, à la Commission européenne. Il a maintenant son propre bureau de relations publiques à Bruxelles » dit –elle fièrement, entre deux toasts au caviar en appelant le prince « votre Altesse ». Pour les autres, ces russes blancs,  le grand-duc incarne la tradition, l’histoire d’un pays qui plonge ses racines au cœur d’un nationalisme pur  et authentique. Celle dont on aimerait que la Russie ré-adopte. On n’échappe pas aux groupies toutes en strass qui se pâment et vous parle des corgis de la reine Elizabeth II. Des chiens qui fascine Yana Rudkovskaya, directrice internationale, et qui s’émerveille de ces soirées passées avec les Romanov dont les branches vivent aussi bien dans la mère patrie , que l’Europe ou les Etats-Unis où ils se sont pris le luxe de diriger la ville de Palm Beach de 1993 à 2000. « Ils (les Romanov) font des soirées merveilleuses, qui permettent de se familiariser avec le mode de vie du grand-duc ou communiquer avec lui » déclare Yana Rudkovskaya, heureuse d’avoir « l’histoire en face d’elle »

« Vous visitez souvent la Russie ? » demande Denis Kataev au prince ?  «J’essaye maintenant plus souvent. Je suis la moitié du temps ici, je commence à  y construire ma vie », déclare le grand-duc Georges avec un accent européen non dissimulé. Et d’ajouter : « je vis entre l'Europe, à Bruxelles, et la Russie, j'essaie d'aider à améliorer leurs relations par le biais de petites sociétés de lobbying ».  En Russie, c’est de notoriété, le prince entretient d’excellentes relations avec le Kremlin et ne cache pas son soutien à Poutine, s’est félicité du retour de la Crimée dans le giron russe. Un concurrent ? Quelques-uns s’activent en ce sens. Partant du principe que les Romanov ont failli à leur principale tâche, la défense de mère-patrie, une autre maison ferait tout aussi bien l’affaire et rêve de couronner le président autocrate dans un nouveau Zemsky sobor (Grande assemblée).

Konstantin malofeev et le grand duc george romanovD’ailleurs à la tête de cette idée, l’oligarque Konstantin Valeryevich Malofeev, leader du mouvement monarchiste « Aigle à deux têtes » est l’homme qui chuchote aux oreilles du président russe. Ce soir-là, il est présent parmi les invités. Il flirte avec tous les mouvements conservateurs européens, la France y compris de Philippe de Villiers à l’ancienne députée  Marion Maréchal (-Le Pen) qui cultive d’ailleurs ses liens avec la Russie et qu’il admire. Mêmes les milieux monarchistes de l’Hexagone ne sont pas exsangues de la présence d’un homme aux multiples controverses et qui dirige une école dont les élèves sont les futurs cadres de la monarchie à venir. Il est pourtant réaliste. Monarchiste certes, mais il « serait vain de penser que si restauration il y a, ce sera un retour en arrière », rappelant que l’aristocratie russe a « sa part de responsabilités » dans le déclenchement de la révolution de février 1917. D’ailleurs les russes sont tout aussi divisés sur la question du prétendant que du type de monarchie à adopter. Constitutionnelle ? Absolue ? Les russes évitent de se prononcer et dans leur majorité préfère éluder la question d’un retour d’un tsar. «Je regrette vraiment que nous ayons eu cette révolution. Sans cette révolution, nous serions aujourd’hui  l'état le plus puissant, un autre pays, une autre culture…» s‘empresse d’ajouter Rudkovskaya avec « un enthousiasme désarmant » nous explique Denis Kataev.

Le Grand-duc Georges pense qu’une monarchie constitutionnelle serait la mieux adaptée mais que le temps n’est pas venu encore pour jouer de nouveau « Dieu sauve le Tsar », l’hymne impérial. Même si, ces dernières années, le pays s’est couvert de statues et autres  bustes des différents membres de la maison impériale. « À Bruxelles, il effectue un très bon travail en faveur des sociétés de l’état russe  ... mais il nous manque à Moscou » soupire Konstantin Valeryevich Malofeev tout heureux de discuter avec le tsarévitch entre deux flashs de photos. A défaut d’être l’empereur de toutes les Russies, le Grand-duc Georges Romanov aura été déjà le roi de cette réception chic et choc auprès d’un public conquis qui rêve de lui donner un rôle d’importance sur la terre de Saint Vladimir. Un statut pour la maison impériale ? Pourquoi pas, le Kremlin y songe. Quant à la restauration de la monarchie ? Pas sur l’agenda du président avait répondu son porte-parole en 2017.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 20/06/2019

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