Un canadien, roi de France ?

Louis xvii karl willhem naundorffUn canadien, roi de France ? C’est très discrètement qu’il a quitté son Canada, ses érables et Céline Dion pour venir à la rencontre de ses partisans. Charles-Louis de Bourbon affirme être le descendant de Louis XVII, décédé pourtant officiellement au Temple en 1795. Objet de toutes les plaisanteries de la part de ses détracteurs, on ne badine avec la « vérité historique » pour les « survivantistes », ces royalistes qui croient « dur comme fer » que le fils de l’infortuné roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette a survécu aux tourments de la révolution française. Le cas Karl-Wilhelm Naundorff, ce prussien qui revendiquait cette filiation et ancêtre de Charles-Louis de Bourbon, a passionné des générations de monarchistes et autres historiens avant que l’énigme ne soit résolue au XXIème siècle naissant. La  « vérité est-elle ailleurs ? ».

C’est à Calais qu’il a posé ses valises en ce début de mois de janvier 2020. Le Nord de la France abrite « le Cercle Légitimiste Louis XVII- Duc de Normandie », fondé deux ans auparavant par le syndicaliste Philippe Lyoen. L’association affirme avoir 500 membres « à jour de cotisation » et édite un bulletin trimestriel « La fleur de Lys ». Ancien membre du Modem, Philippe Lyoen est aujourd’hui le « chancelier » de celui qui est connu de ses partisans sous le titre de courtoisie de « duc de Berry » et sous le nom de règne, « Charles XIII ». Charles-Louis de Bourbon descend-t-il vraiment de Louis XVII ? « Complètement ridicule et farfelu » affirment ses opposants qui versent dans l’irritation dès lors qu’on évoque ces Naundorff.

Famille de bourbon naundorffL’histoire nous enseigne qu’en pleine révolution française, le dauphin, Louis-Charles fut confié aux « bons soins » du cordonnier Antoine Simon. Jacobin inculte et rustre, il va briser psychologiquement le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, tous deux passés en 1793 sous la lame du « rasoir national ». Autrement dit la guillotine. Les mauvais sévices, l’état de santé déplorable dans lequel il est maintenu auront raison de cet enfant de 10 ans en juin 1795. Dans la prison du Temple, le « petit Capet » meurt des suites de la tuberculose. C’est ici que va naître les thèses les plus folles sur la survie du dauphin revendiquée par des dizaines de personnages aussi truculents les uns que les autres. Mais celui-ci qui va réussir pourtant à convaincre son entourage est un horloger prussien répondant au nom de Karl-Wilhelm Naundorff. Premier chapitre de « L’énigme Louis XVII » dont les dernières lignes de ce mystère fascinant et palpitant ont signé leur épilogue en 2004. Le cœur de Louis XVII ayant été miraculeusement conservé au cours des siècles passés et analysé, l’équipe du docteur Jacques Pelletan accompagné de l’historien Philippe Delorme, auteur de divers ouvrages sur la question, a démontré par la voie de l’ADN que le dauphin était bien mort là où les archives révolutionnaire le mentionnent. Fin d’un mystère de trois siècles !?

Charles xiii de bourbon naundorffQue nenni vils hérétiques ! Pour Philippe Lyoen, le cœur exposé à la vue de tous dans la basilique de Saint-Denis est un « leurre». Des contre-analyses sont venues prouver le contraire et les survivantistes d’affirmer sans ambages que le cœur exposé à la vue des curieux n’est autre que celui du frère de Louis XVII, Louis-Joseph décédé à 7 ans en 1789. Et de brandir les résultats de l’expertise du professeur et controversé généticien Gérard Lucotte qui affirme que l’on retrouve «l'essentiel des marqueurs du chromosome Y des Bourbons» chez Karl-Wilhelm Naundorff. D’ailleurs Charles–Louis de Bourbon en est persuadé lui aussi. Il est bien le descendant caché au grand jour du dauphin. Et il a publié un livre en ce sens. A 85 ans, il est revenu sur la terre de ses ancêtres et goûte au plaisir de se faire appeler « Monseigneur ». Ses partisans sont aussi nombreux qu’une peau de chagrin, assez virulents sur les réseaux sociaux, certains frôlant un extrême mysticisme dès lors qu’ils tentent de convaincre leurs interlocuteurs.

Curieusement, on les retrouve principalement nageant dans les eaux de la Légitimité qu’ils ont tenté de phagocyté l’année dernière, profitant du trouble causé par l’affaire Franco qui a divisé les soutiens au trône de France du prince Louis-Alphonse de Bourbon . Un prince qu’ils qualifient « d’usurpateur ». La thèse du complot a ses aficionados et on accuse le gouvernement prussien d’avoir « affublé du nom de «Naundorff » Louis XVII, trouvant ainsi « le moyen de tenir en otage un être dont la valeur était inestimable face aux enjeux politiques de l’époque » affirme un des sites officiels du survivantisme. A écouter les partisans de Charles XIII, « tout le Gotha connait la vérité y compris le Vatican ». Les descendants des Orléans ne sont pas épargnés par les plus vindicatifs des survivantistes qui rabâchent également à qui veut l’entendre que Louis-Philippe Ier fut le « fils du cocher ». Et hop par saint-Garou, ni vu ni connu, la France s’est retrouvé avec un prétendant aux senteurs de poutines québécoises. Honni soit qui mal y pense, nom d’un caribou.

Hugues de bourbonQue ne serait pas le monarchisme français sans ses sempiternelles querelles dynastiques et autres « drama queens». Les Naundorff, qui ont obtenu le droit de porter le nom de Bourbon en 1898 grâce un tribunal de Paris, n’échappent pas à la règle. Deux branches se disputent le trône. L’aînée, française, incarnée par Hugues de Bourbon, libraire de son état qui ne semble pas trop se soucier de cette succession versus la canadienne incarnée par Charles-Louis qui explique que son « sire cousin» étant né hors mariage, il ne peut accéder au trône de France. Chaque branche s’est d’ailleurs mutuellement excommuniée au cours du XIXème et XXème siècle dans ce qui ressemble à un véritable « soap opéra » aux multiples rebondissements. Ce n’est pas l’Institut Louis XVII qui vous dira le contraire. C’est la deuxième visite du « roi Charles XIII» en France en un an. Et avec un programme chargé pour lui et toute sa famille dont son fils héritier, Michel–Henri. Il n’est pas avare de déclarations en français comme le montre la page Facebook du « Cercle Légitimiste Louis XVII- Duc de Normandie ». Et comme ses «cousins », ce poète à ses heures a lui aussi salué le courage de ces français morts au combat dans le Sahel, communiqué officiel orné du blason du sacré cœur ou encore fait part de sa peine face à l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre Dame de paris. Avant de partir faire un tour dans le Puy en Velay pour aller à la rencontre de ses « sujets », suite de son premier tour.

Et si vous n’y croyez toujours pas, les partisans du « roi au-delà de l’Atlantique » ont tôt fait de vous rappeler ceci : « si Naundorff n'était pas Louis XVII, nous mettons au défi les chercheurs, les historiens, les savants les plus érudits et tous les Gouvernements du monde de lui trouver une autre origine. Pour les ignorants et les incroyants Louis XVII duc de Normandie a survécu à la prison du Temple prouvé par l'analyse ADN. Quant aux pauvres faux écrivains et pauvres faux historiens qu'ils se taisent.» Vous voilà prévenus, ventre saint-gris !

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 08/06/2020

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