Un héritier pour le Mexique

Qui sont les héritiers de Maximilien et CharlotteL’archiduc Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg, futur «Emperador de México » ? Chapultepec…La seule évocation de ce nom nous plonge immédiatement dans les grandes heures de l’épopée aztèque. Érigé sur une montagne sacrée, un palais de style européen se dresse et surplombe Mexico la rebelle. Une fois, les grilles passées du parc constellés de jardins multicolores à l’ombre du drapeau tricolore, vert, blanc et rouge sur lequel sont représentés en son centre, les armes du Mexique et un aigle sur un figuier de barbarie dévorant un serpent, on découvre alors l’imposante bâtisse. Ici, les crinolines ont tournoyé dans une valse sans fin, au son des violons qui jouaient les notes d’une partition euphorique et trompeuse, qui allait se terminer tragiquement un matin de juin 1867 à Santiago de Querétaro*. Un siècle et demi plus tard, la minorité monarchiste mexicaine rêve toujours de couronner à nouveau un Habsbourg.

Voulue pour des raisons géostratégiques, politiques, religieuses et économiques, l’expédition du Mexique (marquée par l'héroïsme des soldats français à Camerone) qui précède la restauration de l’Empire mexicain en 1864 va être l’un des échecs militaires le plus retentissant de Napoléon III. 3 ans après sa proclamation comme Empereur du Mexique, c’est un Maximilien Ier, abandonné par ses alliés européens, qui tombe sous les balles républicaines du président Bénito Juarez.

L'empereur Maximilien IerL’homme qui vous fait visiter le château n’est pas un inconnu pour les mexicains. C’est un conférencier reconnu, expert d’une histoire dans laquelle il a été élevé depuis sa naissance, le 18 octobre 1954. Il parle plusieurs langues (comme l'allemand, l’espagnol, le français, l’anglais ou encore le catalan), noblesse oblige. En le regardant, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle physionomique avec son oncle, qui fut lui aussi l’héritier de son vivant, d’un autre empire tombé à la fin de la première guerre mondiale. Crâne largement dégarni, lunettes au nez, l’homme fascine. On se presse autour de lui pour prendre quelques photos à la volée, on le salue d’un modeste « Hola » (bonjour) tant sa simplicité naturelle marque le pas sur ses illustres origines. Don Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg est le fils de l’archiduc Félix (1916-2011) et le petit-fils du dernier empereur d’Autriche-Hongrie. Pour ses soutiens, quelques milliers de nostalgiques et de passionnés, nul doute qu’il est l’héritier de la couronne impériale même si le premier concerné n’a jamais fait réellement acte de prétention en ce sens.

En juin 2017, il a présidé les cérémonies du 150ème anniversaire ** de la mort de son arrière-grand-oncle dont il a entrepris de réhabiliter la mémoire. «Les choses ont beaucoup changé», dit-il, « sur la façon dont les Mexicains perçoivent aujourd'hui l'époque du Second Empire ». « La vision longtemps distillée qui affirmait que l’empereur exploitait les pauvres et les indiens n’existe plus» continue-t-il d’expliquer sous le regard des portraits gigantesques du couple impérial qui trônent dans le salon du château. « Aujourd’hui », poursuit-il encore, « l’empereur Maximilien Ier est désormais présenté depuis une décennie sous un meilleur visage ». « Pièces de théâtres, livres, nouvelles autobiographies, conférences (comme celle intitulée : « Maximilien et Charlotte. L'illusion d'un empire », organisée le 24-25 janvier dernier) et qui aura réunie plus de 70 000 visiteurs) nous montre « un homme humain, rêveur, qui se voulait chef d’état avec la volonté de défendre les plus vulnérables et qui a laissé un certain nombre de lois que l’on utilise encore au Mexique» achève-t-il de conclure.

L’archiduc reconnaît qu’une certaine nostalgie du XIXème siècle s’est emparée du pays qui aurait tendance à regarder cette partie de cette histoire de manière faussement romantique. Pour ce prince de la maison impériale des Habsbourg-Lorraine, « le conflit fut surtout centré sur cette rivalité qui opposait monarchistes et républicains avec en fond de toile, des Etats-Unis qui ne voulaient pas d’une monarchie à leur frontière ». Du côté des détracteurs de l’empereur Maximilien, on se gausse des gesticulations des monarchistes mexicains, ces « elucubraciones monárquicas » disent-ils d’un air moqueur, comme des spéculations sur un éventuel retour de la monarchie au Mexique.

Des monarchistes mexicains par ailleurs divisés sur la question du prétendant. Pour une partie d’entre eux, Don Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg n’a aucun droit au trône et ceux-ci soutiennent le comte Maximilian von Götzen-Iturbide (né en 1944, empereur de jure depuis 1999). Ce dernier descend en ligne droite du premier empereur mexicain, Agustín Ier de Iturbide y Arámburu (1787-1824) et dont le petit-fils homonyme avait été adopté par Maximilien Ier, qui n’avait pu avoir d’enfants de son épouse, Charlotte de Belgique. Pour les Iturbidistes, la reconnaissance de leur champion comme véritable prétendant au trône s’est faîte lorsqu’en 2011, le pape Benoît XVI a rencontré officiellement le comte, toutefois bien éloigné des affaires mexicaines.

Couronne des empereurs mexicainsLe prince Don Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg, pieux catholique refuse de participer à toutes polémiques concernant ce sujet. Ce père de 2 enfants, qui portent comme lui les titres d’archiducs d’Autriche et Hongrie, les a éduqué et préparé à assumer cette lourde charge qu’est l’héritage politique de l’empereur Maximilien. Son fils aîné de 24 ans, Julian, est en conscient. Dans un parfait espagnol, lors d’une interview, il avait déjà déclaré en 2007 lors d’une visite au « castlillo » de Chapultepec : «(…) Je trouve que mon ancêtre a fait beaucoup de bonnes choses pour le Mexique ! (…) ». Et d’’évoquer ses années collège et lycée où ses professeurs lui donnaient du « prince » alors que lui préférait rester en retrait lorsque la période du second empire mexicain était abordé pendant les cours d’histoire. « Ce sont des jeunes gens qui s’amusent comme tous les enfants de leur âges » intervient, attendrissante la princesse Anne-Claire de Habsourg-Lorraine, leur mère d’origine française, visiblement très fière d’eux.

Un retour de la monarchie au Mexique ? Pour l'avocat Alfonso Cervantes y Sánchez-Navarro, comte d’Echauz, « les royalistes au Mexique sont totalement stigmatisés à cause de l’histoire officielle qui nous considère comme des traîtres ». Et comme l’ Asociación Monarquista Mexicana qui regrettait amèrement que l’extrême-droite locale se soit appropriée les symboles de l’empire, dénonçant la corruption rampante dans le pays et l’impunité dont bénéficie les députés de la classe politique, Alfonso Cervantes y Sánchez-Navarro avoue dans un certain dépit empreint de réalisme que… « le temps des empereurs au Mexique semble malheureusement révolu ».

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Publié le 07/02/2018

https://ww/.youtube.com/watch?v=iDlqK4xuChg : Maximilien de Habsbourg, Dernier empereur du Mexique Documentaire A02rte (2014).

** : https://www.youtube.com/watch?v=EnNC7L-wKKc : Journal TV consacré aux 150 ans de la mort de l'Empereur Maximilien

** : https://www.youtube.com/watch?v=Rqunvap8xdk : Interview de Don Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg

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