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Un nouveau référendum au Brésil ?

Monarchistes bresiliensRéférendum pour la Restauration de la monarchie parlementaire au Brésil » (Referendo pela Restauração da Monarquia Parlamentarista no Brasil !). La demande a de quoi surprendre. Pourtant, ici on n’a pas oublié que durant 67 ans, une dynastie a contribué à façonner ce pays d’Amérique du Sud et à le moderniser. La fin de l’esclavage en 1889 a précipité malgré elle la chute de la monarchie. De maréchaux putschistes en présidents corrompus mais élus démocratiquement, le Brésil pourrait être amené à se prononcer pour la seconde fois de son histoire sur la question du retour de la monarchie comme alternative à la république fédérale actuelle.

La nouvelle avait parcouru les réseaux sociaux brésiliens aussi vite que les fulgurants tirs au but du « roi Pelé ». En mai 2017, un simple citoyen de Rio de Janeiro, Rodigro Brasileiro, a déposé un projet de loi sur le site officiel du Sénat comme le lui permet la loi, avec cette seule condition requise : atteindre les 20 000 signatures obligatoires pour que cette proposition soit retenue officiellement. Avec 2 brésiliens sur 10 qui souhaitent actuellement. le retour de la monarchie dans cette ancienne colonie portugaise, qui doit à Napoléon, d’avoir fait basculer son destin en 1807, le quorum a été vite atteint. Le Brésil est alors en pleine crise sociale, politique,  identitaire et économique, frappé de plein fouet par le scandale Petrobras qui touche toute la classe politique du pays, de droite comme de gauche.

La maison impériale, exilée après le putsch, a été autorisée à revenir au Brésil en 1922 pour ne plus le quitter. Le mouvement monarchiste s’organise  rapidement et retrouve une certaine vigueur avec des élus un peu partout dans le pays. La dictature militaire (1964-1985) qui salue les descendants de l’empereur avec respect et s’affiche avec eux, réduira néanmoins et fortement leurs actions craignant que la popularité d’une famille ne vienne troubler la quiétude de son régime répressif. La démocratie ré-instaurée, la république sombre rapidement dans la corruption qui la gangrène progressivement. Dans les années Thatcher, Reagan et Mitterrand, on songe déjà à restaurer l’empire défunt. Lorsqu’une assemblée constituante est mise en place en février 1987, les députés s’empressent de consulter les princes Louis –Gaston et Pierre-Gaston d’Orléans-Bragance, tous deux prétendants au trône impérial. Mariage inégal et renonciation ont provoqué une scission dynastique dans cette famille dont le nom renvoie aux grandes heures de la monarchie de Juillet du roi Louis-Philippe Ier.

Mouvement monarchiste bresilien en 1993Dans l’hémicycle, le député de Sao Paulo, Antônio Henrique Bittencourt Cunha Bueno décide de porter la voix des monarchistes avec comme arguments, la stabilité de l’empire et l’illégalité de la république née dans l’odeur de la poudre des fusils. Bien que jugée folklorique, la pétition lancée pour un référendum sur la question du retour de la monarchie dépasse rapidement tous les espoirs.  En mars 1988, le parlement abolit le décret qui interdisait toute remise en cause de la république (366 voix pour, 29 contre et 6 abstentions) et 3 mois plus tard, le principe du référendum est approuvé. Un groupe parlementaire monarchiste (Frente Parlamentar Monárquica) est même constitué avant que soit lancé, 4 ans plus tard, le mouvement monarchiste parlementaire (Movimento Parlamentarista Monárquico). Il soutiendra principalement les prétentions de la branche libérale des Orléans-Bragance, incarnée alors par le charismatique prince Pierre–Gaston (1913-2007), alors frère d’Isabelle, comtesse de Paris et épouse du prétendant au trône, de France Henri d’Orléans. L’idée monarchique rassemble mais ne tait pas pour autant les divisions familiales et idéologiques. Chaque camp fait campagne de son côté, le MPM a d’ailleurs exclu dans son acte fondateur ses opposants  dynastiques au trône, les princes Louis-Gaston et Bertrand. Leurs torts ? Leurs points de vues trop conservateurs, leur appartenance à un groupe ultra religieux (Tradition, Famille et Propriété)  et enfin leur lieu de naissance, Mandelieu, en France.

Vassouras contre Pétropolis, du nom des lieux où ils résident, le MPM acquis aux seconds rappellera aux cousins du prince Pierre–Gaston que pour être empereur du Brésil, il faut être né au Brésil. La campagne bat son plein, les sondages donnent une nette avancée pour les monarchistes, tant et si bien que le parlement décide de leur couper l’herbe sous le pied en avançant de 5 mois le référendum sur la date initialement prévue. Le 21 avril 1993, la déception est au rendez-vous. 6.843 196 votes (13%) se sont portés seulement sur l’idée monarchique. C’est une défaite dont les monarchistes peineront longtemps à se remettre.

Aujourd’hui, presque 3 décennies plus tard, le vent de l’histoire a tourné. Avec l’élection de plusieurs députés monarchistes au parlement (2018), dont le prince Luis-Philippe d’Orléans-Bragance à Sao Paulo, le monarchisme a de nouveau le vent en poupes. Un travail de longue haleine qui a permis à la branche conservatrice des Vassouras de s’imposer face à ses adversaires désormais en retrait de la vie politique. Les Orléans –Bragance ne ménage pas leur peine. En tête des manifestations anticorruptions ou sur un char, haranguant leurs partisans (ou non), distribuant tracts et posant pour les selfies de circonstances, toutes générations confondues, les princes mouillent la chemise. Tant et si bien qu’un état, Rondônia, s’est même pris le luxe de restaurer le drapeau impérial sur ses édifices publics.

Famille imperiale du bresilLe temps a joué en faveur des Orléans-Bragance qui ont désormais la lourde charge d’écrire un nouveau chapitre de leur histoire passée en la conjuguant au présent. Le prince-député, qui ne manque pas une occasion de rappeler dans la presse qu’il soutient le projet de restauration de la monarchie, a été chargé d’écrire les premiers articles de la nouvelle constitution. La nouvelle présidence populiste de Jair Bolsonaro songe-t-elle à poser de nouveau la question du retour de la monarchie. De fortes rumeurs, entre deux télénovelas de ce «País Tropical», affirment que celui-ci serait organisé en 2022, pour le bicentenaire de la fondation de l’empire brésilien. Tout un symbole dont ne vont pas manquer d’exploiter les mouvements monarchistes qui battent le bitume des larges avenues des principales villes du pays afin de convaincre les brésiliens d’adhérer à l’idée monarchique. Nonobstant la personnalité controversée de dom Bertrand d’Orléans–Bragance dont les propos contre les homosexuels et ses positions en faveurs des grands propriétaires terriens et des antiavortements tranchent singulièrement avec celles distillées par le populaire Joao Henrique d'Orléans-Bragance, neveu préféré de la comtesse de Paris , libéral et protecteur des minorités en tout genre.

Le 18 février, la Commission des droits de l'homme et de la législation participative (Comissão de Direitos Humanos e Legislação Participativa) a annoncé sur son site officiel qu’elle s’apprêtait à rendre ses conclusions. Les monarchistes retiennent leur souffle. Le processus aura été long.  En juin 2017, désignation d’un comité en charge d’étudier la demande citoyenne d’initiative populaire 18/2017, changements fréquents de rapporteurs entre mars et décembre 2018 tant le groupe désigné a du mal à s’entendre sur cette question et soutiens des états de Rondônia (un des états à avoir d’ailleurs voté à plus de 15% en faveur de la monarchie en 1993) et du Minas Gerais (13% pour celui-ci) ont finalement permis au comité d’achever le dossier.

Et si la proposition est approuvée, elle prendra le chemin du parlement pour être soumise au vote des députés de l’assemblée. En cas de suffrages positifs, il faudra dès lors aux députés monarchistes d’en rallier d’autres afin de constituer un nouveau groupe parlementaire qui leur permettra de bénéficier d’un temps d’antenne conséquent pour la campagne à venir. En attendant, les membres de la famille impériale se préparent. Et preuve qu’ils dérangent :lors de l’incendie du musée national de Rio de Janeiro, véritable tragédie nationale, une manifestation avait été organisée par la jeunesse du Parti des Travailleurs contre la présence du prince Joao Henrique.  Un empereur au Brésil ? Toutes les spéculations sont désormais permises!  

Copyright@Frederic de Natal.

Publié le 23/02/2019

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