Ras Seyoum Mengesha

Le prince leul ras seyoum mengeshaC’est un pays africain qui a été au centre de toutes les légendes, les mythes ou encore les mystères. Objet d’âpres luttes entre français, anglais et italiens, on dit de lui qu’il abrite l’arche d’alliance, sous bonne garde des moines de l’église Sainte-Marie de Sion. Sa dynastie impériale trouve ses origines dans le fruit des amours du roi Salomon et de la reine de Saba. Les griots continuent de chanter encore les louanges du dernier Lion de Judah dont le nom résonne toujours comme un symbole de  liberté.  Le ras Seyoum Mengesha II est la dernière figure vivante, témoin d’un passé glorieux révolu. Membre de la maison des Salomonides, il a côtoyé Hailé Sélassié Ier, dû abandonner son épouse mise en prison lors de la révolution, organisé la résistance monarchique, avant de pouvoir revenir en Ethiopie et enfin siéger à la commission de réconciliation nationale. Portrait d’un prince du Tigré qui pourrait être prétendant au trône impérial d’une nation, berceau de l’humanité

Juillet 1974, Hailé Sélassié Ier se montre sur le balcon du palais royal d’Addis Abeba. Ce sera l’une des dernières apparitions de ce souverain couronné en 1930. La foule acclame l’empereur. Trois mois auparavant, il avait appelé à son pays à préserver son unité nationale. L’Ethiopie était en proie à des troubles, des émeutes, une armée au bord de la rébellion depuis plusieurs mois. Le prince Seyoum  Mengesha a 47 ans à cette époque.  A son passage, on courbe l’échine devant lui. Pour seul manteau royal, un long pédigrée généalogique. Cet homme racé est l’arrière-petit fils de l’empereur Yohannes (Jean) IV.

Le lion de judahLe seul de sa maison, une branche cadette des Salomonides,  à avoir occupé le trône d’Ethiopie.  C’est toute l’histoire de ce pays qui coule dans ses veines. Enfant, il a joué dans les ruines d’Axoum, ce fabuleux empire qui a marqué l’Afrique de l’Est par sa puissance capable de rivaliser avec ses homologues arabes et européens de l’Antiquité. C’est au Moyen-âge que le titre de Makonnen (gouverneur) du Tigré a fait son apparition. Il est l’apanage de sa famille qui atteint l’apogée de sa puissance durant le Zemene Mesafent, cette période comprise entre 1769 et 1855 où les Negusse negest (empereurs) étaient constamment sous l’influence des potentats locaux qui régnaient à leur place.

Il a épousé la princesse Aida Desta en 1949. C’est la petite fille aînée de l’empereur Hailé Sélassié. Il a rendu à sa maison toute la place qu’elle méritait.  Considéré comme l’un des fondateurs de l’Ethiopie moderne, Yohannes IV s’empare du pouvoir en juillet 1872. Il continue l’unification du pays, entame une vaste campagne de christianisation de l’Ethiopie, se révèle un grand stratège militaire en infligeant de lourdes défaites aux égyptiens, aux italiens et même aux troupes djihadistes du Mahdi fou du Soudan. C’est d’ailleurs au cours de ces combats qu’il va perdre la vie, 17 ans après avoir été couronné « roi des rois ». Seyoum  Mengesha est son héritier, sa maison rivalise avec celle du Shoa qui va bientôt être emportée dans la tourmente de la révolution.  Il a été un ministre des Travaux publiques et des communications de 1958 à 1960, apprécié des tigréens qui lui doivent toute la modernisation de la province. Il donnera à l’Ethiopian Airlines ses lettres de noblesse internationales, développera le tourisme et négociera même avec la France gaullienne la construction du chemin de fer local. Le négus ne tarit pas d’éloges sur lui.

PLeul ras seyoum mengesha jeuneremier coup de semonce pour la monarchie divine. En décembre, la Kebur Zabagna (Garde impériale) tente un coup d’état durant l’absence du négus, en voyage à l’étranger. Parmi les membres de l’aristocratie et du gouvernement pris en otage figure le père du Ras Seyoum  Mengesha. Le putsch échouera mais les otages seront promptement exécutés dans le « salon vert » du palais. Son fils doit alors rejoindre le Tigré qu’il ne va plus quitter jusqu’à la chute de la monarchie. Lorsque le Derg de Mengistu Hailé Mariam s’empare de la capitale, il ordonne au prince de rejoindre immédiatement Addis- Abeba. Craignant pour sa vie, le prince Seyoum  Mengesha s’enfuit d’Ethiopie alors que le nouveau régime lance un mandat d’arrêt contre lui pour corruption. Il aura plus de chances que les autres membres de sa famille impériale, exécutés par les putschistes, emprisonnés ou étouffés comme Hailé Sélassié quelques mois plus tard (1975). Son épouse (photo) choisit de rester au palais de Mekele et promptement embastillée pour une durée de 14 ans, son frère passé par les armes. Le massacre de la famille impériale n’a rien à envier à celui des Romanov en 1917, les murs de la monarchie se couvrent de sang.

A l’étranger, le prince Seyoum  Mengesha organise la résistance et monte un mouvement royaliste, l’Union démocratique éthiopienne (EDU ou Teranafit). Composé essentiellement de propriétaires terriens opposés au nouveau régime marxiste, d’anciens officiers de l’armée, de conservateurs et de centristes, le prince a réveillé le guerrier qui sommeille en lui et va lutter toute sa vie contre le Derg. Entre 1976 et 1977, le mouvement menace sérieusement les marxistes et manque de s’emparer de Gondar, une ville stratégique. Une radio est mise en place, faisant office de voix de la liberté et le prince tente d’imposer l’idée que la restauration de la monarchie constitutionnelle est la seule solution viable pour le pays. Mais les divisions vont rapidement gangrener le mouvement qui a pris de l’ampleur militairement et dès 1978 chaque parti en présence lutte pour ses propres ambitions. Après l’abandon de la lutte armée en 1981, il prend contact avec le prétendant au trône qui réside aux Etats-Unis, Amha Sélassie Ier (qui a fondé son propre mouvement monarchiste) et le reconnaît comme prétendant au trône.

Une décision lourde de conséquences. Pour beaucoup de monarchistes, l’attitude controversée du prince en 1960 les avaient convaincu de reporter leurs espoirs sur le Ras très populaire Il faudra attendre la chute du mur de Berlin pour que le gouvernement marxiste perde toute assistance de Moscou et tombe à son tour. Les monarchistes auront un représentant dans me nouveau gouvernement de transition qui finira par exclure tout retour à la monarchie entre 1991 et 1992. En faisant des fouilles, on retrouvera les restes du dernier négus enterré sous le bureau même de celui qui l’a renversé.

Leul ras seyoum mengesha et le premier ministre ethiopienLe parti royaliste décide de fusionner avec le Parti démocratique éthiopien dont l’ancien gouverneur du Tigré occupe le poste de président. Un rôle honorifique au sein d’une opposition qui a peu de moyen pour se faire entendre face au nouveau régime de Meles Zenawi. Seyoum  Mengesha critiquera publiquement son ancien allié en dénonçant en 2016, sa volonté de « fédéralisme ethnique forcé » et une « incitation à la haine entre Ethiopiens ». Son épouse, libérée en 1988, a été exfiltrée vers les Etats-Unis et a pu retrouver l’amour de sa vie à qui elle a donné 5 enfants. Elle est décédée en janvier 2003.Il ne prétend à rien mais l’histoire ne  devait  pas s’arrêter pas ici et prendre sa revanche. Pour certains monarchistes, il est le seul « négus » potentiel face à celui qui occupe actuellement, cette position le prince Zera Jacob, petit-fils d’Hailé Sélassié.

Depuis plusieurs mois, la maison impériale a fait l’objet d’une réhabilitation par le nouveau premier ministre Abiy Ahmed. On lui donne la préséance devant les autres membres de la dynastie salomonide et depuis février de cette année, il siège désormais à la tête de la commission de réconciliation nationale mise en place par le gouvernement. Deux de ses fils occupent également des postes importants. Son fils aîné, Yohannes a fait toute sa carrière aux Nations Unies et a été l’assistant du secrétaire-général de l’Assemblée de l’organisation entre 2005 et 2008, portant la voix de l’Ethiopie impériale au plus haut sommet. Le prince Estefanos, un autre de ses fils, est le directeur du Canadian Royal Heritage Trust. A 91 ans, Leul Ras Seyoum  Mengesha peut contempler avec fierté son œuvre achevée, celle d’avoir rendu sa pleine dignité à sa famille sous l’œil du Négus Yohannes IV et d’avoir contribué à rendre sa liberté à un pays qui a réhabilité enfin Hailé Sélassié, ce héros de l’histoire africaine. « L’Almighty God » des rastafaris.

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Publié le 06/08/2019

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