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Le prince Jean interviewé par The Telegraph

« La France est-elle prête à un retour de la monarchie ? » Média britannique,  « The Telegraph » a consacré un long article au comte de Paris, Jean d’Orléans, « un de 3 prétendants au trône de France » rappelle dès les premières lignes le journaliste Mick Brown qui précise que «celui qui doit être roi  de France, le prince Jean d’Orléans, comte de Paris et héritier de la dynastie des Bourbons, vit au château de Dreux, à une heure de Paris ». Conversant avec Mick Brown,  l’héritier de Louis-Philippe Ier d’Orléans nous fait entrer dans son intimité et nous parle des perspectives de restaurations de la monarchie, de sa vision de la politique actuelle, de sa relation avec les politiciens français et nous évoque celles plus étroites qu’il entretient avec son cousin, le prince Jean-Christophe Napoléon.

Comte parisJolie ville peuplée de rues sinueuses et étroites, dotée d’une population de 31 000 habitants (jumelée avec Evesham), Dreux est le siège de la famille d’Orléans depuis le XIIème siècle. Rien ne reste du château d’origine où avait résidé, le premier, le roi Louis VI le Gros. Le prince Jean et sa famille vivent dans un beau château à tourelles du XIXème siècle, aussi modeste que puissent être d’ailleurs les châteaux aujourd’hui, perché sur une colline surplombant la ville. Neuf générations issues de la famille d’Orléans, reposent dans la chapelle royale, un mausolée de style néo-gothique. Ses partisans l’appellent «altesse royale », lui préfère sobrement « comte ou  prince Jean ».  Agé de cinquante-quatre ans, grand et mince, avec des cheveux en retrait et d’une nature douce, presque courtoise, il porte une veste de sport et une chemise à col ouvert. Ses passe-temps préférés ? La chasse au sanglier et au faisan, la culture de son potager, la lecture de romans comme ceux de Tom Clancy, la musique de Beethoven ou celle du groupe  U2  qui le ramène  ses souvenirs, notamment à cette décapotable  qu’il conduisait au début des années 1990 en Californie alors qu’il était étudiant en maîtrise en administration.

« J'aime les voitures, mais je ne les collectionne pas » me dit-il dans un très bon anglais mais avec un fort accent français. La maison étant en cours de restauration, nous nous arrêtons dans un petit salon meublé modestement. Pendant que le prince va faire du café, je discute avec la princesse Philomèna, comtesse de Paris. Née Maria Philomena Magdalena Juliana Johanna de Tornos et Steinhart, elle est une aristocrate d'origine hispanique-autrichienne. Le couple, marié en 2009, a aujourd’hui cinq enfants - deux fils et trois filles - âgés de un à neuf ans. Nous parlons d'écoles et des créations de Farrow & Ball. Ma conversation avec  la maison royale ressemble à n’importe quel foyer de la classe moyenne française.

Le prince Jean revient avec le café - turc. « J'espère que vous l’aimez bien fort »  me demande-t-il en souriant. Il fait chaud, il fait beau et il nous suggère de nous asseoir dans le jardin. Nous trouvons un endroit ombragé sous un arbre, agrémenté du son de chants d’oiseaux et du bourdonnement lointain d'une tondeuse à gazon. Notre début de conversation porte sur la révolution française de 1789. Qu’en pense-t-il ? Il paraphrase le leader communiste chinois Zhou Enlai, botte en touche : « Il est trop tôt pour en parler ». « La monarchie a peut-être été décapitée mis elle n’est pas morte », je me dis en le regardant.

Le prince Jean est issu du duc d'Orléans, frère de Louis XIV, le roi soleil, et, plus directement, le descendant de Louis-Philippe Ier, qui a régné de 1830 jusqu'à son abdication provoqué par la révolution de 1848. Il est d’ailleurs mort deux ans plus tard, près d’Esher, dans le Surrey. Jean d’Orléans n’est pas le seul prétendant au trône de France. Il y a aussi le prince Jean-Christophe Napoléon, trente-trois ans et financier à Londres qui semble manifester peu d’intérêt pour ses prétentions au trône.  Enfin, il y a le prince Louis Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou, âgé de 45 ans, descendant agnatique du roi de France Louis XIV par l'intermédiaire de son petit-fils, Philippe d'Anjou, devenu Philippe V d’Espagne. Par sa mère, il est également un arrière-petit-fils du dictateur espagnol Francisco Franco, tandis que du côté de son père, il est un arrière-arrière-arrière-petit-fils de la reine Victoria.

1 1Mais parmi les monarchistes français, dont le nombre est étonnamment élevé, le prince Jean est considéré comme celui ayant le plus de droits légitimes à réclamer le trône. Jean d'Orléans (dont la devise est  «Servir la France et les Français») est né à Paris et a étudié à la Sorbonne, où il a obtenu une maîtrise en philosophie, avant d'obtenir un MBA de l'Université Azusa Pacific - une université chrétienne privée - à Los Angeles.

Il a vécu des bénéfices issus de la  gestion d'actifs, tout en travaillant dans le secteur bancaire (comme la Banque populaire) ou en dirigeant une entreprise forestière héritée de sa grand-mère.  Que pense-t-il d’un retour éventuel de la monarchie en France ?  « Je dis toujours que la France est monarchiste de cœur et républicaine de raison » me répond t-il. « Les gens ne voient pas comment nous pourrions revenir à la monarchie, mais d'un autre côté, ils aiment avoir un prince et une princesse à dîner. Je pense que c'est plus profond que du simple sentimentalisme, plus ancré au fond d’eux. Je pense qu'il y a un vrai sentiment de culpabilité qui persiste en France depuis que nous avons coupé  la tête du roi mais avec cette autre idée que nous ne pourrions plus revenir en arrière. En même temps, le chef de la famille royale en France conserve une certaine position à tenir et même si elle n’est pas institutionnalisée, il a toujours un rôle important à jouer ». ajoute-il.

La « montée sur le trône » du prince Jean est survenue après la fin d’une dispute familiale qui aurait pu anéantir toute sa famille.  Son grand-père, Henri, comte de Paris, est né en France, mais a passé une grande partie de sa jeunesse au Maroc, avant de rejoindre la Légion étrangère française. Figure charismatique, catholique fervent (il avait 11 enfants) et très traditionaliste, il a dépensé une grande partie de sa fortune, vendant des bijoux, des tableaux, des meubles et des biens pour soutenir sa famille et ses causes. Le joyau du portefeuille immobilier de la famille, un château à Amboise, a dû être confié à un trust. Son  fils aîné d'Henri,  qui avait reçu le titre de comte de Clermont,  a également  servi dans la Légion étrangère. Avant de finir par  travailler dans les relations publiques et puis de lancer son propre parfum.

55Lorsqu'il épouse la duchesse Marie-Thérèse de Württemberg en 1957, dans la chapelle royale de Dreux, le président de Gaulle  fait de ce mariage un grand événement national. Un mariage qui a donné cinq enfants. Le prince Jean étant le second de ses fils, la logique aurait voulu que ce soit son frère aîné, François, qui  hérite  du titre de comte de Paris bien qu’il soit handicapé mental et incapable de prendre soin de lui-même.

Le prince Jean a grandi plus aux côtés de son grand-père que son père. En 1984, alors qu'il a 19 ans, ses parents divorcent et, la même année, son père se remarie avec une femme divorcée, Micaëla Cousiño, lors d'une cérémonie civile. Le grand-père de Jean, exaspéré par ce mariage, a rapidement déshérité de son fils, le dépouillant de ses titres avant d’annoncer  que, compte tenu de son handicap, François ne serait pas son successeur direct.

 « C'était une décision de bon sens », me déclare le prince. « J'étais très proche de mon frère aîné. Je m'occupais de lui parce qu'il ne pouvait pas faire les choses par lui-même, comme s'habiller, etc. Mon père a vu les choses différemment ». Même après que le comte ait rétabli Henri comme héritier apparent en 1991, les relations entre Jean et son père ont continué à s’aggraver. « J’ai essayé de ne pas verser de l'huile sur le feu et d'avoir une belle relation père-fils, mais il a toujours considéré cette relation celle d’un roi à son prince ou son héritier - c'était toujours politique. Je n'étais pas d'accord sur certaines positions qu'il avait et qu’il a toujours prises personnellement. Il nous était impossible de converser simplement sur une base normale père-fils » regrette le prince Jean

En 1999, le grand-père de Jean décède à 90 ans et Henri devient comte de Paris. Quatre ans plus tard, défiant le vœu de son père de faire de Jean,  l'héritier du trône, Henri déclare François «Dauphin de France», affirmant que l'invalidité de son fils aîné «n'était pas une raison suffisante pour le priver de ses droits».

Jean« Dans les 20 ans qui ont suivi la mort de mon grand-père, j'ai pu constater année après année que mon père me repoussait », a déclaré le prince Jean. «Pour moi, ce fut une période difficile. Je me suis marié et j'ai commencé à élever des enfants, alors j'ai suivi ma propre vie ». Les tensions familiales se sont exacerbées quand, en 2016, Jean a demandé publiquement qu’on laisse son frère «en paix et que l’on cesse de parler en son nom». En décembre 2017, François est décédé subitement à l'âge de 56 ans après une mauvaise chute. Lors de son enterrement  à la chapelle royale une semaine plus tard, le comte de Paris  a embrassé publiquement Jean, le reconnaissant comme le nouveau dauphin. Un an plus tard, c’était au tour du comte de Paris de mourir chez lui, à l'âge de 85 ans. Il devait assister ce jour –là  à une messe à la mémoire de Louis XVI, mais se sentant faible, il a envoyé un texto d'excuses aux organisateurs avant de se coucher et  de décéder dans son sommeil.

Jean a annoncé la mort de son père sur les réseaux sociaux comme Twitter. L’Action Française, un groupe royaliste situé à droite, a salué le décès d'Henri par ces mots: « Le roi est mort, vive le roi ». Jean a été très salué comme «le prince de l’avenir» (son père avait été affublé  du  sobriquet de « prince de la malchance »). Un mois après la mort de son père, le prince Jean a déclaré sur sa page Facebook qu'il continuerait « à servir son pays » et que si les Français le souhaitaient, il était prêt à renouveler le pacte historique entre la Nation et la famille royale : « Ensemble, nous nous efforcerons d'assurer l'unité de la France, sa grandeur et sa prospérité, ramener l’ordre, enfin la paix dans le monde » .

Alors, le prince Jean se considère t-il comme un prince ou un prétendant au trône ? : « Je dirais un prince, dans tous les aspects qu'un prince doit être ». Et  qui sont lesquels ?,  je lui demande : « Élever sa famille, travailler comme tout le monde et surtout travailler pour le bien du pays, car c'est très important ».  En tant que nouveau comte de Paris, il exerce de biens modestes devoirs civiques dans la ville de Dreux. « Je pense que les habitants sont très heureux que nous soyons ici. D’ailleurs, quand il y a un événement officiel en rapport la ville, ils se tournent toujours vers nous et nous demandent si nous souhaitons y participer».  Il a  présidé une étape du Tour de France qui a débuté à Dreux. Il ne faut pas oublier qu’il est officier de réserve d'un régiment de cavalerie français et agit, dit-il, « comme intermédiaire entre la société civile et l'armée ».

« En France, les gens peuvent vous aimer en tant que personne, mais ils vous apprécient parfois davantage si vous occupez un poste plus important » affirme-t-il. Il entretient de bonnes relations avec le président du Sénat français - la chambre haute du Parlement - et d’autres politiciens. Il a rencontré le président Macron à plusieurs reprises, notamment lorsqu’il a reçu M. Macron et le président italien, Sergio Mattarella, à Amboise - «un château de famille», comme il le dit, pour une cérémonie marquant le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. Léonard est enterré à Amboise». [Macron] est quelqu'un avec qui vous pouvez converser. Il aime l'histoire, il est très intelligent, mais il est difficile de comprendre ce qu'il compte vraiment faire. J'ai l'impression que la France est fatiguée de vivre avec une histoire qui la déstructure ».

32«Le secteur privé par rapport au secteur public était trop petit; nous devions probablement changer cela et il a tenté de progresser dans cette direction. Le problème, c’est qu’en ayant donné plus de pouvoirs aux riches, le reste de la population s’est sentie oubliée » s’agace-t-il. Il est sensible aux protestations des gilets jaunes qui, selon lui, « reflètent  réellement un profond mécontentement au sein de la société française. « Cela a mis en lumière la fracture entre les riches et la classe moyenne, entre les citadins et les campagnards, entre les gens qui travaillent et les gens qui ne travaillent pas. Ces différences sociales qu’il a créé ont attisé le mécontentement générales ». « Je pense que c'est un signe pour les politiciens qui devraient plutôt essayer de s’atteler à unir les Français en proposant une approche politique commune à tous  que les diviser».

Et vous pensez que la monarchie pourrait avoir un rôle à jouer dans la recherche de cette approche commune ? « Je pense que oui. Notre famille est probablement la seule à pouvoir défendre l'intérêt général et le bien commun car nous sommes au-dessus des partis politiques.  Nous sommes des arbitres, nous ne dépendons pas d’un parti ni ne participons pas aux élections ». « La monarchie », dit-il, « évoque la continuité, notre identité nationale et notre histoire. Les gouvernements et les présidents vont et viennent. Une monarchie est un symbole de de constance ». Mais pourriez-vous être plus que cela?  Avoir Un rôle officiel au sein de l'Etat? « Quand on regarde l'état d'esprit des Français ou la situation actuelle: non. Mais on ne sait jamais. Les choses peuvent aller très vite »  répond le prince.

Il a publiquement appelé à réformer la constitution française, appelant à des « changements » sur le rôle qu’occupe le chef de l'Etat. « Entre le président et le Premier ministre, il y en a un de trop, parce qu'ils font tous les deux presque le même travail » déclare-t-il. Selon un sondage réalisé en 2016 par le l’institut de sondage français BVA, 17% des Français accepteraient que la fonction présidentielle soit assurée par un monarque. « Un président pourrait dire que nous avons un système qui ne correspond pas au défi moderne, notamment européen. Si nous nous dirigeons vers une concentration du pouvoir en Europe, nous avons besoin d'un vrai chef de gouvernement, mais aussi de quelqu'un qui représenterait le pouvoir comme notre nation. Et un roi pourrait être parfait  pour ce rôle-là». Il cite volontiers l'Espagne comme exemple de monarchie réussie. « Les gens aiment le roi. Ils aiment ce qu'il fait pour l'Espagne. J'ai été invité à le rencontrer à l'ambassade quand il est venu à Paris, et j’ai pu constater à quel point il était populaire. Il y avait 200 personnes là-bas et il a passé deux heures à donner un mot à chacune des personnes présentes ». Puis il a dit : « maintenant je dois parler à mon cousin, et il a mis ses gardes du corps pour que personne ne puisse s’approcher et nous avons eu une belle conversation ».

66C'est votre cousin ? « Oui, par sa mère ». Il rit. «C'est compliqué ».

Bien entendu, il y a aussi  la famille royale britannique qui est au sommet d’un pouvoir révéré et qui peut être aussi un autre exemple de  monarchie à suivre. « Je le reconnais moi-même et ce serait bien si les Français avaient une monarchie, car on voit qu’ils aiment beaucoup les familles royales étrangères. Même si Ils ont quelques difficultés avec la leur. Mais comme le dit la Bible, nul  n’est prophète n'est dans son propre pays! »  Il rit. « Une bonne institution est une institution qui, lorsque les choses vont mal, ne passe pas son temps à se déchirer. Elle se doit d’être résiliente et lorsque les choses vont bien, elle doit en faire,  en donner encore plus. Et j'ai cette impression de la monarchie britannique. Le prince Charles s’exprime parfois publiquement et je pense que les gens l'aiment bien pour ça.  Mais Je pense aussi que sur les grandes questions, si un prince a une opinion, il devrait la donner avec prudence ». Ses rencontres avec la royauté britannique ont été très brèves. Il a rencontré Diana, princesse de Galles une fois comme le prince Edward ou joué au golf avec le prince Andrew. De plus, son neveu - un prince de Liechtenstein - sert dans la Garde de la Reine, dans le cadre d'un accord signé avec d’ d'autres membres familles royales qui ont l’opportunité de servir dans l'armée britannique, mais pas plus de deux ans. « Et ma mère », dit-il, « aime beaucoup la série The Crown ».

Il entretient des relations cordiales avec les autres prétendants au trône de France qui se retrouvent ironiquement parfois ensemble lors de cérémonies officielles comme en mai dernier où il se sont tous réunis à la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg pour les funérailles du grand-duc Jean de Luxembourg.

. Mais sur les trois prétendants, deux seulement «comptent vraiment» actuellement, lui-même et le prince Jean-Christophe Napoléon précise-t-il. « Il est aussi un de mes cousins et nous dînons souvent ensemble ». Et vous discutez  pour savoir lequel de vous deux devraient être roi ?.« Non, nous sommes  assez civilisés »  dit-il en éclatant de rire.

Il est temps de photographier le prince. Nous nous promenons dans la pelouse jusqu'à la chapelle royale. Soixante-quinze membres de la maison d'Orléans reposent ici dans cette chapelle, construite en 1816 sur l'emplacement d'une ancienne crypte qui avait été profanée par une foule de sans-culottes pendant la Révolution française. Le prince Jean passe devant les tombeaux de ses ancêtres, le plus impressionnant de tous, celui du roi Louis-Philippe Ier, surmonté d'une statue du roi, son épouse Marie -Amélie, les mains jointes en prière, s'agenouillant à côté de lui.

Son père, son grand-père et son frère François reposent dans une autre salle du mausolée. Et il y a des tombes vides. « Pour moi et ma famille » ? Le photographe suggère peut-être que nous devrions prendre des photos à l'extérieur. Nous sortons au soleil, de retour parmi les vivants. Le prince sourit. «Ma femme sera contente ». Vive le roi alors ?

 

 

Frederic de Natal

(Traduction de l’article « Vive le roi? Meet France's king-in-waiting - but is the nation ready for a return to the monarchy ?» The Telegraph)

Date de dernière mise à jour : 19/07/2022

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