Un héritier pour le trône

Yi seok et andrew leeRoyaume-Uni, Etats-Unis, Thaïlande, Bolivie, Russie…, la nouvelle a fait le tour de la planète. Le « pays du matin calme » a un nouvel héritier au trône. Tout droit sorti d’un clip musical de K-Pop, c’est un jeune homme au sourire ultra-brite qui a été choisi pour ceindre la couronne impériale de la dynastie Yi- Joseon (??), tombée en avril 1910, victime du heig? (annexion) japonais. C’est désormais sur les épaules de ce père de 2 enfants, que repose l’avenir d’une maison qui attend le réveil de son dragon rouge afin de hisser de nouveau le drapeau de la monarchie sur le « palais du bonheur resplendissant », le Gyeongbokgun.

C’est une dynastie oubliée des yeux européens. De la Corée, on ne connaît que le « Taegeuk », ce symbole du yin et du yang que l’on peut voir sur son drapeau national, ses champs d’hibiscus élevés aux rythmes entraînant du Gangman Style ou sous les vocalises du « boys-band » ambigüe actuellement à la mode chez les «teens 2.0», BTS.  Et c’est loin de la Daehan Minguk, (république de Corée) qu’une cérémonie d’intronisation a eu lieu en plein Beverly Hills le 6 octobre dernier. Parmi la centaine d’invités triés sur le volet, le prince Andrew Lee, a reçu l’épée impériale censée incarner un héritage qui puise ses racines au plus profond de la grande histoire coréenne.

« Je jure solennellement de m’engager à faire respecter de mon mieux les valeurs d'amour, celles des droits humains, de la paix et de la liberté pour le bien-être de l'humanité ».  A 34 ans, ce californien aux cheveux mi-longs, qui avoue aimer porter des     casquettes de base-ball, est devenue l’héritier au trône d’une maison qui a forgé la Corée sous le sceau de l’unité en 1392. C’est le Kwangmu (empereur) de jure, Yi Seok, sans descendance, qui a désigné ce cousin, président d’une société spécialisée dans les hautes technologies pour lui succéder, la VPN Private Internet Access, Le septuagénaire prétendant est tout sourire sur les photos. Il vient de mettre fin à la question de sa succession qui agitait le petit milieu monarchiste coréen, divisés entre partisans des 3 branches de la maison impériale qui se réclament de la succession du dernier empereur Sunjong.

Andrew lee et le prince yi seok«Lorsqu’on est venu me l’annoncer, Je ne vais pas mentir, je trouvais que c’était très cool, mais en même temps cela m’a beaucoup effrayait. Je n’ai pas été sur, à ce moment précis, ce que ce titre impliquait vraiment » a déclaré le prince Andrew Lee alors qu’il était interrogé par un journaliste britannique du « Telegraph », ces derniers jours. Membre de la maison impériale, le nouvel héritier au trône va devoir apprendre l’histoire d’un pays qui s’est écrit au pinceau rouge-sang. Colonisée par le Japon voisin, après le départ du protecteur russe, l’empire du Soleil Levant va faire de la Corée  un véritable laboratoire d’expériences transformé durant la seconde guerre mondiale en vaste bordel sexuel pour ses troupes.

Le 9 octobre 1895, l’assassinat brutal de l’impératrice Myeongseong par des rônins du Mikado, dans ses propres appartements, va signer le début de la fin des princes Yi. Traînée par terre, immobilisée, la reine est violée avec ses 3 dames de compagnie par les soudards du vicomte Miura Gor?, tuée puis brûlée dans une forêt de pins mitoyenne au palais. Le procès du vicomte ne sera qu’une parodie de justice et les coréens en gardent encore le souvenir  dans leur subconscient collectif. En 2001, la télévision coréenne, qui est aussi spécialisée dans ses  K-dramas que le Brésil dans ses télénovélas, avait réalisé une série historique sur cet « événement hideux, conçu grossièrement et exécuté brutalement » selon l’historien Peter Duus.

Le prince Yi Seok, à la tête de « l’association des petits–enfants impériaux » qui le reconnait comme seul prétendant au trône, est le fils du prince Yi Kang, né des amours de l’empereur Gojong et d’une de ses concubines, Lady Chang. 

Lorsqu’il voit le jour au palais de Sandong, la Corée est sur le point de basculer dans le conflit mondial. Le disque rouge du Japon flotte sur toute la péninsule et on est à 3 mois de Pearl Harbor. Un temps passé dans la résistance à l’occupant, retrouvé en Mandchourie où il avait fui, le père de Yi Seok finira par collaborer avec les japonais qui lui font miroiter un hypothétique trône en lui allouant une substantielle liste mensuelle. Avec la fin de la guerre, la nouvelle république les expulse du palais impérial et loge la maison impériale dans un palais inférieur, sans argent.  La famille de Yi Kang prendra le chemin de l’exil alors que les premiers coups de canon de la guerre de Corée se font entendre. Elle se réfugie dans un monastère sur l’île de Jeju où elle y réside jusqu’en 1953. Etrange photo d’un prince qui fut jadis un des plus beaux de sa fratrie dans un uniforme rutilant de l’armée du Kwantung, qui compta pas moins de 14 concubines dans son harem et qui montrait alors, le visage tiré par les traits de la fatigué, vêtu d’un simple pantalon et d’une chemise de toile, obligé de travailler les champs pour amener un bol de riz à sa maisonnée. Yi Seok perd son père deux ans après leur départ du monastère. Il faut attendre 1963 pour que la famille impériale retrouve sa dignité et ses droits au sein d’un pays partagé en deux, avec au sud, la très capitaliste Séoul  et au  Nord, l’imposante marxiste Pyongyang.

Yi Seok entre à l’université et se spécialise dans les langues étrangères, dont l’espagnol qu’il parle couramment, l’histoire dont il va en faire un métier qui le mènera en 2004 aux portes d’un gouvernement qui en fait un fonctionnaire. Mais bien avant cela, Il aura été au cours de sa vie, un chanteur professionnel avec quelques titres phares, fantassin lors de la guerre contre le Vietnam ou connu encore l’exil après le coup d’état de 1979 qui l’expulse de nouveau du palais qu’il occupe. Il part aux Etats-Unis, tente juridiquement de récupérer ses biens dont une majeure partie sera détruite dans le vaste incendie qui se déclenche lors des émeutes de 1992,  à Los Angeles.

Yi lee seokAujourd’hui le prince est à la tête du département qui promeut l’histoire et le tourisme dans la cité de Jeonju qui se caractérise par un important patrimoine historique pour lequel, il joue parfois, avec beaucoup de facéties, de guide aux étrangers de passage, et qui est considérée comme la ville spirituelle de la dynastie Joseon. Quand il ne reçoit pas lui-même l’ambassadeur américain (août 2018). Depuis les années 2000, « l’association monarchiste du dragon rouge » réclame des droits et un statut pour les membres de la maison impériale.

Choisi en raison des «énergies positives » qu’il dégage, Andrew Lee a visité que 4 fois son pays d’origine, parle mal la langue de ses ancêtres. «Avec le temps, j'ai compris qu'une fois que cela serait devenu public,  les décisions que je prendrais ne seraient plus nécessairement les miennes» surenchérit-il au journaliste. Avant d’ajouter : «Nous ne sommes en aucun cas une famille impériale du passé,  mais si nous ne régnons pas,  nous sommes  aujourd’hui de simples soldats présents sur le front aux côtés de nos frères». Première paroles choc d’un prétendant au trône réhabilité depuis par la république de Corée du Sud. Le palais de Gyeongbokgung transformé en musée est d’ailleurs un des monuments le plus visité à Séoul, où le temps d’une journée on peut vivre dans la peau d’un empereur coréen sous l’œil des gardes habillés en costume d’époque.

Se voulant dans la ligne droite de l’empereur Sejong le Grand, qui modernisa l’alphabet coréen afin de le rentre plus facile d’utilisation, le prince Andrew Lee souhaite mettre en place une école gratuite dont le but sera de faire apprendre les codes utilisés par la haute technologie, notamment en matière d’informatique. « Je pense que tout le monde doit parler le langage de la technologie parce que c'est la direction dans laquelle le monde va. Si vous ne parlez pas cette langue, vous êtes aujourd’hui considéré comme un  analphabète » déclare-t-il malicieux, le ton, un brin adolescent. Tout à son nouveau titre, le nouvel héritier n’en a pas moins les pieds sur terre. « Je ne vais pas dire, « hey, je suis un prince, regardez-moi », j’entends rester discret mais efficace. Après tout, je ne suis qu’un mec » dit-il conscient qu’il représente un héritage devenu objet de toutes les curiosités par des coréens qui redécouvrent leur maison impériale.

Être le « dernier prince de la dynastie Joseon est un fardeau en raison de la longue histoire de notre famille » avertit cependant Yi Seok. La restauration de la monarchie en 2019 pour mettre fin aux crises politiques qui se succèdent dans le pays ? «Je ne pense pas qu'il faille un monarque royal absolu aujourd’hui», dit Yi Seok. « A vrai dire,  je ne pense pas que la Corée ait besoin de ça maintenant ni le monde ... Mais en même temps, je pense vraiment que si nous avions la figure d’un véritable champion à la tête de l’état, ce ne serait pas  non plus une mauvaise chose ». « Andrew est un jeune homme décent. C'est un jeune entrepreneur qui aime la Corée… J'ai 78 ans maintenant, alors ce jeune homme brillant, plein de vie,  fera assurément faire quelque chose de bien  pour mon peuple » conclu le prétendant au trône, interrogé par le South China Morning post.

CopyrightFrederic de Natal

Publié le 31/12/2018

 

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