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Retour en politique du prince Norodom Ranariddh

Le prince Norodom RanariddhAffaibli par un tragique accident de la route en juin 2018, qui a causé le mort de son épouse, le demi-frère roi Norodom Sihamoni n’a pas encore dit son dernier mot. A 77 ans, le prince Norodom Ranariddh a annoncé qu’il revenait en politique après presque deux ans d’absence et qu’il reprenait le leadership de son parti, le Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif (Funcinpec). Un parti devenu minoritaire et le faire-valoir du Parti du Peuple  Cambodgien (PCP), son rival qui détient le pouvoir depuis 1997. Selon divers experts, le prince Ranariddh a toutefois peu de chances de percer électoralement pour ce qui ressemble à un dernier baroud d’honneur de la part du vieux lion khmer.

Le prince Norodom Ranariddh  et Hun Sen. Photo@ Ap photodavid longstreathLe 17 juin 2018, alors qu’il est en pleine campagne électorale pour son parti, le Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif (Funcinpec), le prince Norodom Ranariddh est victime d’un important accident de la route entouré de mystères non résolus encore aujourd’hui et de controverses. Il échappera de peu à la mort mais perd son épouse de 39 ans qui voyageait avec lui dans le convoi. Hospitalisé, il laisse un parti royaliste orphelin de son leader et en proie à de violentes dissensions qui vont s’accroître avec la nomination à la présidence par intérim du prince Norodom Chakravuth, son fils. Progressivement devenu minoritaire au sein de la politique cambodgienne depuis le coup d’état de 1997 qui expulsé du pouvoir Norodom Ranariddh, le demi-frère du roi Norodom Sihamoni compte sur son aura et son prestige pour s’imposer de nouveau aux prochaines élections afin de devenir une opposition crédible au Parti du Peuple  Cambodgien du Premier ministre Hun Sen qui règne d’une main de fer sur le Cambodge. 

 prince Norodom Ranariddh  Photo@VoiceofCambodia« Nous espérons vivement que Funcinpec obtiendra des sièges aux prochaines élections de 2023. Nous sommes en train de nous restructurer pour être prêts à participer aux prochaines élections communales et générales » a annoncé le porte-parole de Funcinpec, Phan Sithy, lors d’une conférence de presse, confirmant que l’amélioration de l’état de santé du prince Norodom Ranariddh lui permettait de reprendre les rênes d’un parti indissociable de l’histoire du Cambodge. Un mouvement qui tire sa légitimité des mains du roi Norodom Sihanouk qui l’avait créé en 1981 afin de combattre les Khmers rouges de Pol Pot. Avec les accords de Paris signés dix ans plus tard, mettant fin à la guerre civile, le Funcinpec s’était imposé naturellement aux élections législatives suivantes. Pétri d’ambitions,  Norodom Ranariddh avait même pensé  pouvoir occuper un temps le trône d’une monarchie restaurée alors que déjà dans la coulisses, son rival et co-premier ministre Hun Sen pose les jalons d’une succession à venir. Celle d’une couronne à l’histoire agitée depuis la colonisation française au cours du XIXème siècle. Si Sihanouk préfère nettement Ranariddh qui lui ressemble physiquement, Hun Sen avance de son côté le prince Sihamoni, un autre fils du monarque constitutionnel à la figure plus effacée et qui n’est pas tenté d’entrer en politique, préférant de loin la danse. Leurs partisans s’affronteront dans la rue et le combat tournera à l’avantage de Hun Sen, Sihamoni de monter sur le trône en 2004 après l'abdication de son père. De 58 sièges (sur 120) au parlement obtenus lors des premières élections législatives multipartites de 1993, le Funcinpec n’arrive pas à se maintenir et en 2008, les deux sièges péniblement sauvé, vont marquer le retrait de Norodom Ranariddh de la vie politique. Avant de revenir  tout aussi vite avec un autre parti qui échoue politiquement et qui est dissout en 2014 après huit ans d’existence.

Le roi Norodom SihamoniRivaux ou faire-valoir d’un parti omnipotent qui laisse actuellement peu de place au respect de la démocratie ? C’est toute la question qui se pose pour le Funcinpec. Lorsque Hun Sen décide de faire interdire en 2017 le mouvement de Sam Rainsy, son principal opposant,  le Funcinpec obtient une partie des sièges du Parti du salut national du Cambodge -soit 42 des 55 sièges du PSNC- et fait un bref retour au parlement qu’il n’arrive pas à exploiter. Pour survivre, il fait une alliance avec le Parti du Peuple Cambodgien (PCP) de Hun Sen qui tire les ficelles d’un parti moribond et qui n’a plus de réelles influences. Mais si la résurrection politique de Ranariddh démontre  une nouvelle fois que le Cambodge ne saurait se passer de ce témoin d’un passé révolu, il est peu probable qu’elle ait un impact politique. Il y a d'ailleurs peu de chances qu'il offre aux cambodgiens quelque chose de différent de ce que propose Hun Sen accusé de corruption, népotisme et de bafouer les droits de l’homme dans une monarchie qui s’est achetée une paix sociale et qui n’intervient que très rarement. D’ailleurs, le gouvernement a durci les lois de crime de lèse-majesté après diverses accusations auxquelles la couronne a dû faire face et qui protège désormais totalement l’éternel roi-célibataire du Cambodge. Le Funcinpec n’aura pas le choix que de se fondre au sein d’une coalition avec Hun Sen s’il souhaite obtenir des sièges ou des postes ministériels de moindre importance. Pour le Premier ministre, une telle alliance ne peut lui être négligeable puisqu’elle lui permet de maintenir une façade de démocratie, surveillée de près par l’Europe et les Etats-Unis. 

Un statut quo qui finalement satisfait tout le monde. Y compris les cambodgiens. « Après avoir rendu visite aux gens, mener des actions de terrain, nous nous sommes aperçus que les gens avaient toujours le prince et le parti royaliste Funcinpec dans leur cœur » affirme Phan Sithy. Des allégations démenties par Em Sovannara, un professeur de Sciences politiques qui a déclaré à « Voice of Cambodia » : « Je pense qu'il n'y a aucun soutien pour lui s'il revient. Les valeurs politiques des cadres de ce parti se sont éloignées du cœur du peuple depuis longtemps ». « Je ne pense pas que le parti politique du prince soit un véritable parti d’opposition. C'est une extension du parti au pouvoir, clairement et simplement » renchérit Ear Sophal, professeur de diplomatie et d'affaires internationales à l’Occidental College de Los Angeles, qui estime que ce retour est tout au plus ... son dernier baroud d’honneur.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 15/04/2021

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