Le prince Moulay Hassan

Moulay hassan et jean d orleansLe roi Mohammed VI va-t-il abdiquer ? Depuis des mois, le commandeur des croyants, souverain Alaouite du Maroc, fait l’objet de lourdes spéculations à ce sujet, largement alimentées sur les réseaux sociaux. Âgé de 16 ans, le fils du roi, le prince Moulay Hassan, est de plus en plus présent sur la scène politique locale et internationale, préparé plus que jamais à monter sur le trône d’un pays marqué par les soubresauts de l’Histoire

Enfermé dans sa djellaba blanche immaculée conception, le regard droit et fermé, tarbouche rouge sur la tête, le prince Moulay Hassan a fait sensation aux funérailles du précédent comte de Paris. Tous les magazines peoples ont repris les photos de sa présence à la chapelle royale de Dreux, symbole d’une amitié qui unit politiquement et historiquement les deux maisons royales, les deux pays.  Sa naissance était attendue et a été célébrée comme il se doit, le 8 mai 2003. Il était temps. Malgré son mariage avec Lalla Salma Bennani, un an auparavant, les mœurs sexuelles du roi continuaient de faire l’objet de rumeurs importantes malgré un manque indéniable de preuves. Un secret de polichinelle vous dit-on entre deux couloirs mais qu’il est interdit d’évoquer sous peine de représailles. Très rapidement, dès 4 ans, le prince héritier est mis en avant, accompagne son père dans ses déplacements, enfermé dans un impeccable costume militaire protocolaire. Il descend d’Ali, le gendre du prophète Mahomet. C’est au XVIIème siècle que la maison Alaouite s’impose sur cette partie de l’Afrique du Nord, avec des personnages hauts en couleur. A commencer par le premier d’entre eux,  Moulay Ismaël,  qui va porter la puissance marocaine à son apogée et même tenter d’épouser une fille de Louis XIV, ce royaume de France qui le fascine mais qui ne le lui rendra guère. En Europe, il est surnommé le « roi sanguinaire », son règne durera plus de 5 décennies. Un record.

Coupe de cheveux à la mode que le jeune prince cultive allégrement, ce passionné d’équitation partage des moments de connivence à son père,  qui s’est physiquement transformé depuis son avènement sur le trône chérifien, en 1999.  Un état de santé qui préoccupe ses sujets alors que le roi fait de plus en plus de longs séjours à l’étranger ou s’endort durant les cérémonies officielles, comme lors du centenaire de la première guerre mondiale. A l’époque de ce conflit mondial, le Maroc est alors un protectorat que se partagent la France et l’Espagne. Elle aura ses héros, d’un côté le maréchal Lyautey, de l’autre un certain Franco.  L’arrière-grand-père de Moulay Hassan est un personnage indissociable de la décolonisation française en Afrique du Nord. Mohammed V va permettre au royaume de retrouver son intégrité nationale en 1956 au prix d’une âpre lutte avec le résident–général et le gouvernement français. L’amitié entre les deux pays ne s’estompera pas pour autant et la langue française, toujours privilégiée dans le royaume.

Moulay hassan et le roi felipe viUne lune de miel qui se poursuit toujours et qui a fait du Maroc un partenaire incontournable de l’Hexagone qui a renforcé ses liens économiques (actuellement son second partenaire commercial à travers 36/40 des entreprises classées au CAC 40  et premier en matière de tourisme) et stratégiques avec Rabat. C’est d’ailleurs très sérieusement que la France a réclamé que soit inscrit le couscous au patrimoine mondial de l’Unesco « Ce plat d’origine berbère qui représente depuis des siècles une part de l’identité des pays du Maghreb [et] les Français (le) classent parmi leurs plats préférés «  a plaidé le député Les Républicains, Eric Straumann .«L’éducation royale chez les Alaouites : aller sur le terrain, s’habituer à l’exercice des responsabilités, fréquenter les chefs d’État et l’élite, écouter religieusement les conversations feutrées des grands de ce monde pour développer son sens de l’analyse et définir sa grille de lecture » nous expliquait dans un long dossier consacré au prince héritier, l’hebdomadaire « Jeune Afrique ». Moulay Hassan étudie au Collège royal, au sein même du palais royal « suivant des programmes quasi similaires à ceux qu’a connus Mohammed VI, incluant le cours d’apprentissage et de déclamation du Coran dispensé chaque matin.»

Les intrigues de palais sont nombreuses. Moulay Hassan apprend en observant les uns et les autres qui s’agitent autour de lui. Il fascine tous ses interlocuteurs, c’est un polyglotte affirmé qui parle déjà plusieurs langues comme l’anglais et l’espagnol, un jeune moderne, « peut –être trop révolutionnaire » chuchote-t-on dans les milieux islamistes conservateurs. « Je ne souhaite pas qu’il soit façonné à mon image, mais qu’il se forge sa propre personnalité» a déclaré son père en 2004 lors d’une interview et qui entend que son fils s’affirme en tant que futur roi. Et Mohammed VI comme le futur Hassan III peuvent compter sur le Parti authenticité et modernité (PAM, surnommé le parti du roi, et celui du Parti de l'Istiqlal (PI), fortement engagé dans la lutte pour l’indépendance, pour l’aider dans leurs tâches. Face à la monarchie marocaine, les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) dont le leader (et ancien premier ministre de 2011 à 2017) Abdelilah Benkirane  est en conflit ouvert avec le roi, qui a fini par se débarrasser très démocratiquement de cet encombrant rebelle (depuis la réforme de juillet 2011, il est désormais obligé de nommer comme chef du gouvernement celui qui a remporté l’élection et ne peut plus désigner le candidat de son choix). Lors de la prestation de serment de Benkirane, Moulay Hassan était présent dans la salle du trône. Tout un symbole pour le jeune homme qui apprend son métier de roi.

Les rumeurs d’une probable abdication du roi du Maroc proviennent essentiellement de l’Algérie et de la Tunisie. Distillées par des presses soucieuses de critiquer la monarchie qui donne de larges pouvoirs absolus au souverain, elles sont parvenues jusque dans la casbah de Rabah ou de Casablanca. Les marocains se posent désormais la question de savoir ce qui se passe réellement au palais royal de Tétouan, qui a  prévu en place un conseil de régence par décret en 2016. Autre sujet de discussion, la reine ! La réception organisée en février dernier le roi en l’honneur des souverains catholiques d’Espagne a été marquée, une nouvelle fois, par l’absence de Lalla Salma.        

Confinée au palais avec sa fille, Mohammed VI aurait divorcé de son épouse dont il a toujours fait peu de cas et ce sont ses sœurs qui occupent désormais l’essentiel du rôle de présentation. Le prince héritier est quasiment mis en avant dans toutes les visites protocolaires (preuve s’il en est, c’est encore lui qui a reçu, seul le duc et la duchesse de Sussex lors de leur voyage dans le pays des dunes de sable en février dernier.). Lors de son déplacement avec son père en novembre 2018 au palais de l’Elysée, Moulay Hassan a volé la vedette à son père et les journalistes ont cru (déjà) décelé les qualités de chef d’état du petit-fils charismatique d’Hassan II. Et ce qui marque les personnes qui côtoient le prince, dont on dit -à tort- qu’il voudrait piloter un avion, c’est ce masque qu’affiche en permanence l’héritier au trône devant les photographes.

Un prince moderneTout à son rôle de prince héritier, -qui sera différent  de celui de ses aïeux assure l’hebdomadaire Jeune Afrique conquis par la personnalité de Moulay Hassan-, le fils de Mohammed VI n’en demeure pas moins un adolescent qui vit avec son temps. Et aux hormones bouillonnantes, comme en témoigne cette photo où son regard plonge dans le décolleté de la reine d’Espagne lors d’un baise-main protocolaire et qui a fait sourire tous les spécialistes de la monarchie. En tee-shirt moulant ou en costume 3 pièces, cet afficionado du Barsa ou de Maître Gim’s s’affiche sur instagram, en selfie avec ses sujets,  à l’instar de son lointain cousin, le prince Hussein de Jordanie,  coqueluche des médias monarchiques en tout genre. Ce qui démontre la vitalité des monarchies arabes, promesse d’un changement futur à venir dans les us et coutumes de ces royautés orientales (on le sait très agacé par le rite du baiser sur la main, en signe de soumission, qu’il évite dès qu’il le peut). 

Prières rogatoires, inaugurations de ponts ou de musées (c’est lui qui a présidé, le  29 avril, à Salé la cérémonie d'inauguration de la frise chronologique de la Fondation Abou Bakr El Kadiri pour la pensée et la culture et qui retrace en texte et en image les grandes dates de l’histoire du Maroc sur une période de 50 ans commençant en 1906 avec la Conférence d’Algésiras et s’achèvent avec l’indépendance du Royaume), diners officiels, prises de position politique (on sait le prince proche de la cause palestinienne et souhaitant le développement du dialogue interreligieux-il a rencontré le pape François le mois dernier avec son père), Moulay Hassan est la figure tutélaire qui s’impose désormais sur lequel tous les yeux sont tournés. Un prince né pour régner, Inch’Allah, à la grâce de Dieu !

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 03/05/2019

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