L'Action française menacée de dissolution

Depuis mars 2018, le leader de la France Insoumise (FI) ne décolère pas contre ces « fascistes » qui menaceraient selon lui sa « personne sacrée ». Dans le viseur de Jean-Luc Mélenchon, les groupes royalistes, que les médias français ne cessent d’assimiler  inlassablement à une vague ultra –droite qui manipulerait (de l’intérieur)  le mouvement contestataire des gilets jaunes.  Preuve en est selon France Insoumise, les symboles royalistes que l’on verrait flottant au vent parmi les rangs des manifestants. Hier, sur proposition du groupe d’extrême-gauche, la commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé de valider la création d’un groupe de travail «chargé de faire un état des lieux sur l'ampleur du caractère délictuel et criminel des pratiques des groupuscules d'extrême droite», et «d'émettre des propositions», nous indique le Figaro. Parmi les noms cités, le mouvement royaliste maurassien, l’Action française (AF).

Logo rn craf 2019Ce n’est pas la première fois que le mouvement royaliste fait face à des menaces de dissolution. Le 4 décembre 2015, le député socialiste d’Aix en Provence, Jean-David Ciot avait réclamé (en vain) au gouvernement l’interdiction du mouvement de Charles Maurras. En novembre 2017, excédé par les affrontements récurrents de la section marseillaise de l’AF et des groupuscules d’extrême-gauche, c’est au tour du maire Les Républicains des 6ème et 8ème arrondissements de la capitale phocéenne d’écrire en ce sens au ministre de l’Intérieur. Mais le plus obsédé des représentants de la république au sujet de royalistes reste sans conteste Jean-Luc Mélenchon qui en a fait un de ses chevaux de bataille préféré.

En Octobre 2017, le député des Bouches du Rhône, avait écrit au ministre de l’Intérieur afin de réclamer la fermeture du local de l’Action française, rue Navarrin, où elle s’était installée en 2014. Désigné comme cible à abattre par un ancien membre du mouvement royaliste, âgé de 21 ans, dans un dossier lié au terrorisme d’état, le leader de la France Insoumise avait, de manière assez tonitruante, pointé du doigt le mouvement royaliste d’être à l’origine de ces menaces et de vouloir tenter de renverser la république. Oubliant que le jeune homme, n’avait fait qu’un passage éclair au sein de la section sudiste, avant de claquer la porte, jugeant l’AF  « trop politique et trop consensuelle ».

Parmi les personnes visées par ce projet d’attentat, l’actuel ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner qui ne cache pas non plus sa volonté de faire dissoudre les mouvements de «  l’Ultra –droite », terme générique utilisé avec facilité par le gouvernement pour désigner certains mouvements de l’extrême-droite dont les royalistes qui, selon un rapport interne et confidentiel, connaîtraient un « regain important d’activité depuis »  5 ans.  Et que confirmait l’Agence France Presse en juin dernier.

Depuis le début du « mouvement » des « Gilets Jaunes », il y a un mois, que l’on suit comme un épisode de télé-réalité,  le mouvement royaliste ne cache pas qu’il participe aux manifestations tant à Paris qu’en Province.  Sur son compte Twitter, l’Action française affiche ses gilets jaunes sous un slogan « A bas les voleurs », en référence à la journée du « 6 février 1934 ». Cependant, loin de ses manifestations habituelles, elle n’affiche aucun logo ni fleur de lys qui la caractérise pourtant comme on a pu le voir lors du dernier hommage rendu à Jeanne d’Arc. Difficile donc d’accuser  les royalistes de complot et dont excessivement très peu ont été mis en garde à vue lors de ces journées. A contrario de ceux venus de l’ultra-gauche, à l’origine des saccages dans l’Arc de triomphe. Mais le ministre n’en démord pas et dans son viseur, ces royalistes que la presse présente caricaturalement comme des nostalgiques du pétainisme, allusion au ralliement de l’anti-hitlérien Charles Maurras au régime de Vichy et qui été au centre d’une nouvelle affaire post-mortem cette année.

«Nous ne pouvons tolérer le retour de la violence émanant de groupes politiques racistes et violemment anti-républicains» déclare au parlement France Insoumise. Manifestement, le mouvement d’extrême-gauche, qui a mis Robespierre au panthéon de ses héros nationaux, n’a toujours pas digéré l’entartrage de son député Eric Coquerel, par un des royalistes de l’Action française en avril 2018 et jugé par le groupe parlementaire populiste comme un véritable « acte de violence », selon la députée Clémentine Autain.

Les gilets jaunes de l action francaisePourquoi alors ces néo-maurassiens inquiètent-ils donc tant le gouvernement que la presse qui a  «constaté la présence de plusieurs drapeaux à fleur de lys, symbole de la monarchie, ou encore de drapeaux vendéens » lors des manifestations. Le mouvement, plutôt école de pensée formatrice comme elle préfère se définir, revendique 3000 adhérents. Si les chiffres sont difficiles à vérifier, il n’en demeure pas moins que l’Action française (qui a fusionné avec sa rivale , la Restauration nationale) reste encore le mouvement royaliste qui, entre intellectualisme et coup de poing, attire le plus de jeunes passionnés du roman national,  nostalgiques du monarchisme ou zémouriens de toutes sortes (du nom journaliste bonapartisto-républicain Eric Zemmour, connu pour ses polémiques et en vogue dans le milieu monarchiste) .

C’est Frédéric Rouvillois, professeur de droit qui résume le pourquoi de ce retour en grâce d’un mouvement controversé : « Avec la montée en puissance de la construction européenne [l’Action française réclame un « Frexit », référendum pour la sortie de la France de l’Europe et qui trouve son origine avec le « Brexit » britannique-ndlr], des évolutions sociétales importantes, les migrations et donc le problème de l'identité, une espèce de conservatisme politique se réaffirme. L'Action française est la pointe ultime de ce mouvement » déclarait-il récemment au magazine Challenges.  Stéphane François, chercheur associé au Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL) du CNRS, tempère néanmoins les propos de Frédéric Rouvillois dans le même magazine. « Une renaissance » simplement tant le mouvement a connu plusieurs scissions importantes au cours de son existence, certaines parfois saugrenues ou étonnantes comme encore il y’a quelques semaines avec l’avocat Elie Hatem, qui a fondé sa dissidence sans que la « sauce » ne prenne véritablement.

La France est-elle état de « situation insurrectionnelle » comme on peut le lire sur le compte Twitter de l’AF ? Si « l’Acte 1 » à « l’Acte 3 », chapitres de l’histoire des « Gilets jaunes », ont été particulièrement violents, avec des destructions de commerces et monuments nationaux (qui ont choqué la presse internationale qui juge les « français indisciplinés et incontrôlables », il est fort peu probable que les royalistes (300 personnes tout au plus parmi les « Gilets jaunes » affirme-t-on à l’AF), les « séditieux » du ministre qui ont eu l’outre cuidance de  pendre un mannequin à l’effigie du président de la république,  puissent contribuer à eux tout seul  au renversement de la « Ripou-blique ».  Encore moins de présenter une menace quelconque. Divisés sur la tactique à adopter (celle de l’AF différant de ou du passivisme légitimiste qui s’oppose aux actions virulentes de ceux de Civitas), il n’existe aujourd’hui aucun point de convergence entre les différents mouvements royalistes qui seraient susceptibles de participer au mouvement des gilets jaunes. Mouvement contestataire des « corps intermédiaires venus du pays réel » qui manque autant de leadership que les royalistes eux-mêmes. Et les princes ?  Ici nulle couronne à terre et à reprendre qui justifierait une action directe des princes qui observent actuellement le déroulement des événements. Comme l’exige leur devoir Encore moins prendre la tête d’une « révolution » qui tarde à en dessiner les contours et qui pourraient les décrédibiliser. En se plaçant au-dessus de ce conflit social, légitime sur bien des points, plus contestable sur d’autres, les princes entendent rester une alternative crédible d’opposition et une solution à court ou long terme , loin du fantasme néo-révolutionnaire 2.0 dont certains alimentent en bouche leur page Facebook, dénonçant pêle-mêle un supposé totalitarisme du gouvernement ajouté à une restriction des libertés.

Stickers de l action francaise«L’Action française ne propose rien d’autre que de participer au grand mouvement des Gilets jaunes, la seule violence contre laquelle nous luttons est celle du gouvernement »  assure Antoine Berth qui se défend de toutes actions violentes de la part de ses camarades de combat et dont le mouvement dénonce (à raison puisque le 2ème d’Europe) cette lourde pression fiscale dont sont victimes les français.

Le roi ? La solution qui s’impose alors et désormais comme potentielle suite logique de cette colère virale soutenue par 72% des français, qui en fonction des questions posées par les sondeurs se retrouvent dans les « gilets jaunes » d’une manière ou d’une autre ? Pour le conseiller économique de la présidente du Rassemblement National, Bruno Lemaire, celui-ci a fait part publiquement de ses regrets sur son compte Twitter à propos de cette France qui n'a plus « de roi représentant essentiellement l'autorité ».

Entourée par une pléiade de monarchistes connus autour d’elle, venus de la droite extrême comme droite républicaine, Marion Maréchal  flirte allégrement avec l’idée tout en démentant qu’elle soutiendrait un tel projet. Dans les officines des différents partis politiques et ce au plus haut niveau, la question a été évoquée –de la part de ces mêmes personnes qui twittent que « la république est en danger »- sans pour autant y donner suite. Il est vrai que parmi les conseillers d’Emmanuel Macron, se cachent aussi quelques anciens membres de l’Action française, évoque-t-on discrètement parmi les proches des princes. Pour Sylvain Boulouque, expert des extrêmes, la présence de drapeaux fleurdelysés  dans la les manifestations  comme les déclarations de certains« illustre(nt) (autant bien-ndlr) la monarchie (qu’une réelle-ndlr) volonté d'un retour du roi »  déclare-t-il sur les ondes de BFM TV. Un discours repris par le député Maillard (LREM) ce jour, pour l’Acte 4,  qui reprochait sur CNEWS, ces groupes qui veulent « renverser la république »

Une fixette  donc de la part de France Insoumise qui se cherchait un nouvel os à ronger ? C’est bien ce que des élus du Rassemblement national (ex_Front National)  comme certains des élus républicains ont dénoncé en demandant pourquoi les groupuscules d’extrême –gauches qui gravitent autour de FI ne sont pas visés par cette enquête, suspectant une collusion entre le gouvernement et France Insoumise au nom de leurs intérêts personnels et démagogiques. Le mouvement royaliste se prépare à cette décision mais ne la redoute pas pour autant annonce sous le couvert de l’anonymat un de ses cadres. « Après tout depuis 1936, on a tenté de dissoudre le mouvement et pourtant l’Action française est toujours là  depuis un siècle et demi ! ».

Copyright@Frederic de Natal

(Publié le 08/12/2018)

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