Un Pahlavi en politique

«Je suis prêt à servir mon pays, quelle que soit la fonction que souhaiterait m’attribuer mes électeurs. »

Prince Reza Shah II Pahlavi (2018)

 

20 3A l’approche du 40ème anniversaire de la chute du Shah d’Iran, le régime islamique de Téhéran a de quoi pavoiser. Un an après le déclenchement du soulèvement populaire contre l’augmentation du coût de la vie dans un pays, qui attend toujours les retombées de l’accord sur le nucléaire conclu en 2015, la «contre-révolution » piétine.  L’opposition peine à se rassembler derrière la figure du prince Reza Pahlavi, héritier au trône persan, qui aujourd’hui appelle fermement les Etats-Unis à faire pression sur les ayatollahs de manière plus …pacifique.

 

Août 1953, l’opération Ajax est déclenchée. Il s’agit pour les services secrets américains de favoriser le retour de Reza Pahlavi, contraint de quitter le pays, en conflit avec le premier ministre Mossadegh. L’opération montée avec l’accord de la famille impériale et les partisans du Shah sur place est un succès. L’empereur d’Iran reviendra dans un pays profondément divisé qui ne lui pardonnera pas d’avoir fait chuter son héros, celui qui avait décidé de la nationalisation des entreprises étrangères. Une telle intervention militaire est-elle de nouveau réalisable aujourd’hui ? Pour l’administration du président Donal Trump, la réponse actuelle se trouve plutôt dans une série de sanctions économiques qui étoufferait le régime mais n’exclut pas pour autant une invasion comme en Irak. Pour l’héritier au trône, elle ne peut se trouver que dans le dialogue.

 

Dès l’arrivée au pouvoir du républicain Trump, le conseil de sécurité nationale, en charge du dossier iranien, avait proposé d’enregistrer un message vidéo montrant côte à côte le prince héritier du trône du Paon et le président des Etats-Unis. Avant d’y renoncer et de la remplacer par une simple vidéo du leader républicain félicitant les iraniens pour leur nouvelle année. Hors depuis un an, nous indique le magazine Politico, le prince Pahlavi a acquis une certaine notoriété parmi les iraniens,  dépassant désormais celui auquel il pouvait prétendre au sein de la diaspora exilée. En effet, Reza Shah II ne ménage pas ses efforts pour soutenir ses anciens sujets dans leur volonté de renverser ce régime clérical qui ne cache pas son souhait d’exporter sa révolution islamique ailleurs dans le monde. Il exhorte inlassablement les pays dit démocratiques à se réunir autour d’une table à Washington et les invite à constater par eux –mêmes le souhait des iraniens à vouloir retrouver leur liberté, citant en exemple les actions de Martin Luther King.

« Aucun Iranien n'a demandé à aucun Américain de venir participer à notre guerre (…) » souhaite rappeler à son auditoire, Reza Shah II.

21 5Le fils du Shah bénéficie d’un relais de taille avec les réseaux sociaux, devenus la bête noire des mollahs qui tentent de réduire, voire interdire leurs accès aux émeutiers.  Il n’y a pas un mois sans que des vidéos surgissent où l’on peut voir le nom du prince héritier ou de son père scandés lors des manifestations. Des tracts appelant ouvertement au retour du shah ont même été retrouvés durant les manifestations. « Nous, les Iraniens, sommes  des gens superstitieux et je pense personnellement que son retour est un message », a déclaré un commerçant iranien au New York Times » à propos du  fondateur de l’Iran moderne. La récente découverte du corps du premier shah  Pahlavi, plus tôt cette année, a été  considérée comme « un présage du retour au pouvoir de sa famille ». « Il existe une réelle nostalgie pour la monarchie parce que les gens considèrent qu’ils furent plus heureux sous ce régime que l’actuel », déclare Alireza Nader, fondateur de la New Iran Foundation, un groupe de recherche. « Il y a des signes d'un soutien réel pour les  Pahlavi, et le prince pourrait en tirer profit » surenchérit-il au journaliste de Politico.

 

En Iran, la répression se fait de plus en plus dure et nombreux sont les iraniens qui finissent par être embastiller. L’omniprésence de l’ombre de  Reza Shah et de son fils, dans cette « révolution des œufs » irrite profondément le régime islamique qui accuse le prince héritier d’être financé par l’Arabie Saoudite, monarchie contre laquelle, l’Iran se bat par guerre interposée, au Yémen. Le 16 novembre dernier, le Teheran Times n’a pas hésité à écrire que Reza Shah avait reçu une aide de 300 millions de dollars de la part de l’ambassadeur saoudien lors d’une entrevue mêlant des complicités israéliennes et américaines.

Le prince est devenu au fur et à mesure de cette année, le point de ralliement d’un mouvement qui commence enfin à émerger politiquement. Ancien porte-parole de l’opposition, Reza Shah a su s’imposer au-delà des clivages traditionnels mais rejette toute forme d’extrémisme. Une alliance hétéroclite à laquelle refuse pourtant d’adhérer la puissante Organisation (anciennement terroriste) des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI), qui a ses quartiers à Paris et qui rappelle à qui veut l’entendre, que le fils est aussi l’incarnation d’un régime policier dictatorial. « Si Reza Pahlavi veut être un leader qui rassemble au-delà de son nom, il doit d'abord s'attaquer aux côtés sombres et à la répression de l'ère de son père et de son grand-père », a déclaré Negar Mortazavi, journaliste et commentateur politique américano-iranien.

Récemment, le prince a (urait ?) pris la tête d’un parti, baptisé « Renaissance de l’Iran »  (Farashgard) dont l’objectif est « de renverser la République islamique et d'établir à sa place une démocratie laïque qui protège les droits de l'homme de chaque Iranien ». Interrogé, le mouvement reconnaît « le rôle clé que joue le prince Reza Pahlavi » et ajoute « qu’en remplaçant le régime actuel par un État démocratique et laïc, son leadership et son influence peuvent faciliter une transition en douceur et assurer la paix, l’ordre, unité nationale et intégrité territoriale de l'Iran ».

 

22 5Monarchie ou république ? Le prince assure qu’il n’entend pas se battre pour la restauration de la monarchie mais qu’une fois le pays délivré du régime islamique, la question institutionnelle sera posée aux iraniens. Il ne refuse pas le poste de président mais ne rejette pas non plus celui de Shah d’une monarchie qu’il entrevoit constitutionnelle en faveur de sa fille aînée, la princesse Noor, âgée de 26 ans. De quoi faire frémir les monarchistes qui ne souhaitent pas une telle réforme dans le pays, restant toujours ancrés dans une certaine vision patriarcale. Un comble pour un pays musulman qui aura été l’un des premiers à accorder un statut aux femmes et l’objet de toutes les attentions de la part de la Shabanou Farah Dibah. Les liens entre Farashgard et le prince Reza sont difficiles à établir mais le parti confirme qu’ils ont bien son soutien.

 

« Garder à l'esprit les aspirations du peuple iranien ! ». Tel est le crédo du prince qui a écrit en ce sens au président Donald Trump et à qui il a demandé un entretien. Et si des députés font activement du lobby en sa faveur (y compris par le très conservateur Breitbart news), le prince a toutefois déclaré vendredi dernier, au Washington Institute, être  en phase avec son administration « dénonçant le financement par le régime islamiste de milices envoyées au Moyen-Orient, son rôle dans la guerre civile syrienne et ses menaces constantes sur Israël ». Il est temps d’ «envisager un Iran qui travaillerait étroitement avec ses voisins arabes afin d’éliminer le terrorisme et l'extrémisme dans la région, qui inviterait les scientifiques israéliens à trouver des solutions à la crise de l'eau qui frappe l’Iran, qui engloberait les investissements américains et européens dans le potentiel illimité de son économie » a ajouté le prince qui se place dans la lignée de son père qui avait établi de très bonnes relations avec Jérusalem. Une autre position qui divise parmi les monarchistes et l’opposition.

23 3« Il est juste un peu l'homme du moment, et le moment actuel convient à une figure ambiguë  comme lui susceptible de séduire toutes les différentes couches politiques » iraniennes, a déclaré  récemment Suzanne Maloney, analyste iranienne à la Brookings Institution, un think tanks centenaire.

« Je suis prêt à servir mon pays, quelque soit la fonction que souhaiterait m’attribuer les iraniens. » a déclaré, il y a quelques jours, le prince qui a rappelé que son objectif premier avant tout était la « libération de l'Iran par le peuple iranien ». « Depuis sa création en 1979, la République islamique d'Iran a cherché à subvertir l'Iran afin de défendre ses propres intérêts idéologiques, économiques et de sécurité.  Elle a commencé à changer notre drapeau séculaire et supprimer nos anciennes traditions. Elle a purgé nos universités et persécuté ou tué nos artistes. Elle a institutionnalisé les inégalités et la discrimination fondées sur la religion et le sexe » a dénoncé le prince au cours de son allocution  rajoutant que « la République islamique a (vait) pris sa terre et la nation en otage, (survivant) non seulement par la peur, la répression mais aussi la violence ».  « Le problème n'est pas de savoir s'il y aura un effondrement du régime ou non. C'est une certitude » a martelé le prince héritier devant une assemblée de journalistes et investisseurs conquis.

 

Copyright@Frederic de Natal

Paru le 17/12/2018

Ajouter un commentaire