Interview de Dom Duarte de Bragance

Dom Duarte de BraganceEn visite à Braga, une des villes reconquises aux musulmans par le roi Alphonse III des Asturies au cours du IXème siècle, le prétendant au trône du Portugal a accordé un entretien au journal « Correio do Minho ». Monarchisme, Portugal, statut officiel, le mariage de Harry et Meghan ou Union européenne, le prince Dom Duarte-Pio de Bragance ne s’interdit aucun commentaire et analyse à la journaliste Patricia Sousa.

Correio do Minho (C.M.) : Qu'avez-vous fait et où étiez-vous ces derniers mois ?

D. Duarte Pio : L'année dernière, nous sommes allés à Ceylan (aujourd'hui Sri Lanka) à l'invitation de la communauté catholique portugaise à laquelle je suis très attaché. Je leur ai offert un portrait de Notre-Dame de Fatima. Vous savez ici, il y a beaucoup de descendants de familles portugaises. Quelques jours plus tard, des terroristes islamiques ont fait sauter trois églises et tué environ 200 personnes, tous descendants de portugais. Bien que je regrette que la presse n’ait évoqué que la mort d’un seul d’entre eux. Il y a eu parmi tous ces terroristes, un qui a tenté de faire sauter cette église où j’avais été, mais sa charge explosive n'a pas explosé. On m’a rapporté par la suite que les gens avaient pensé que c’était un vrai miracle de Notre-Dame de Fatima. Ensuite, je suis allé à New York, à l'invitation de la synagogue portugaise de New York, pour célébrer les 365 ans de la construction de la première synagogue dans le Nouveau Monde.

C.M. : Le baptême de votre premier fils, Afonso, s’est déroulé dans la ville de Braga, pourquoi ?

D. Duarte Pio : Mon mariage a eu lieu à Lisbonne, le baptême d'Afonso à Braga et la consécration à Notre-Dame à Guimarães, celui de Maria Francisca à Vila Viçosa et enfin celui de Dinis a été fait Porto. Nous sommes présents ainsi de manière symbolique dans tous le pays.

C.M. : Votre fils aîné est-il prêt à vous succéder un jour ?

D. Duarte Pio : Tous mes enfants sont prêts à servir le Portugal, à condition que cela soit conforme à leur vocation, leurs souhaits ou les intérêts sur lesquels ils se sont accès. Nous effectuons d’ailleurs toujours des vacances dans les pays lusophones pour cette même raison. Nous sommes déjà allés au Timor, à São Tomé et Príncipe et avons l'intention d'aller en Angola prochainement. De plus, nous rendons souvent visite aux membres de notre famille qui se trouvent au Luxembourg, en Belgique, en Allemagne, en Autriche et en République tchèque. Il est essentiel de maintenir le contact entre cousins.

C.M.- : Où en sommes-nous de cette pétition qui réclamait pour vous un statut officiel au sein du Protocole d'État ?

D. Duarte Pio : J’ai déjà un statut officiel dans le protocole d’État du Timor, ce qui est très important pour moi. Le Premier Ministre insiste régulièrement pour que je sois présen aux cérémonies officielles et, récemment, nous avons célébré au Timor le 500e anniversaire des liens mis en place entre le Timor et le Portugal. Concernant celui du Portugal, le quorum obligatoire de signatures étaient d'environ 10 000. Nous ne les avons pas atteints (7300-nldr), notamment à cause d’une campagne orchestrée contre moi par certaines forces politiques. Il n’ y a eu aucun consensus au Parlement autour d’un statut pour notre maison.

C.M. : Le rôle qu’occupe actuellement le président de la République est-il celui que vous souhaiteriez si vous étiez roi ?

Interview de Dom Duarte de BraganceD. Duarte Pio : Depuis la présidence du général Ramalho Eanes, en passant par Mário Soares, Cavaco Silva ou aujourd’hui Marcelo Rebelo de Sousa, actuellement au Portugal, les présidents tentent de suivre un vrai modèle inspirés des rois. Les portugais aiment que leur chef de l’État soit indépendant des partis, reste un arbitre naturel. Hors, si il n’est pas accepté, par exemple, lors d’un match de football, que l’arbitre du jeu appartienne à un des clubs qui jouent sur le terrain, pourquoi devrait-il en être autrement pour ceux qui sont en politique. C’est d'une contradiction totale. La loi interdit à un président d’être réélu indéfiniment Les partis républicains ont peur que le dirigeant soit un dictateur en devenir. Pourtant en démocratie, le peuple a le droit de choisir ses élus. Quelque part cela monte combien les républicains craignent leur propres institutions. Les Portugais souhaitent en fait que le pouvoir actuel s'inspire de celui incarné auparavant par la monarchie et qui représente un certaine continuité dans son chef d’état. Vous savez, environ 30% des portugais, selon une enquête réalisée par la Commission mise en place pour le centenaire de la république (2010-ndlr) affirme qu’un roi serait meilleur qu’un président de la république.

C.M : Alors, est-ce censé d'avoir un parti monarchiste au Parlement?

D. Duarte Pio : Oui; Il y a un parti qui, en plus d'être monarchiste, est écologiste. De toute évidence, il y a de nombreux députés à la fibre monarchique dans d'autres partis qui ne sont pas encore déclarés et qui ne souhaitent pas s’affilier au PPM (Partido Popular Monárquico-ndlr). C’est une réalité.

C.M. : Et l'Europe? Quelle analyse faîtes-vous de la situation actuelle ?

D. Duarte Pio : Le Portugal est un pays européen depuis sa naissance. Nous avons toujours été le visage de l'Europe à travers le monde et dans l'histoire. Aujourd'hui, nous sommes malheureusement économiquement très dépendants de l'Union européenne. Mais il ne faut pas confondre cette politique, parfois extrême voire abusive mise en place par certains responsables politiques à Bruxelles, avec le vrai sens de l'Europe, qui est une Europe de fraternité, de coopération, de défense des valeurs de civilisation fondées sur le christianisme. Le pape Benoît XVI a déclaré que l'Europe était une combinaison de l'esprit et de la morale chrétienne, de la culture grecque et de la spiritualité juive et même de l'empire romain, qu'elle dépasse les frontières du continent européen. Il serait presque logique, par exemple, qu'Israël entre dans l'Union européen. J'ai une vision de l'Europe en tant qu'entité culturelle et spirituelle. Mais aujourd'hui, malheureusement, l'Union européenne est un club de pays qui veut légiférer sur tout, du fromage à la vie et aux sentiments moraux des gens, et qui pénètre abusivement dans des domaines qu'elle ne devrait pas avoir.

C.M. : Quelle relation entretenez-vous avec les maisons royales européennes?

Interview Dom Duarte de BraganceD. Duarte Pio : Nous avons de bonnes relations avec toutes, en premier lieu, avec nos cousins proches, comme c'est le cas de la Maison royale de Belgique, du Luxembourg et du Liechtenstein et des maisons royales européennes comme l'Autriche, la Hongrie et la Bavière . Ensuite, il y a les familles royales avec lesquelles nous nous entendons très bien et avec lesquelles nous entretenons des amitiés étroites comme le Royaume –Uni, les Pays-Bas, la Suède ou Monaco.

C. M. : Nous assistons à un renouvellement du monarchisme un peu partout. Y a-t-il encore des princes qui épouse des princesses ?

D. Duarte Pio : À chaque siècle, les rois ont essayé de représenter les valeurs de leur époque, en les améliorant et en les encourageant. Au Moyen-Âge, c'était la capacité militaire, à la Renaissance, c'était la culture, la science et le progrès. Aujourd'hui, la valeur universelle que chacun veut imposer est synonyme de démocratie et dont les rois sont assurément aujourd'hui les symboles . Les princes font des mariages «inégaux », mais qui ne fonctionnent pas toujours bien. Les divorces eux-mêmes sont devenus beaucoup plus faciles, hélas. Cette instabilité familiale que l’on peut voir au quotidien se reflète aussi, parfois, dans les familles royales.

C.M. : Et vos enfants pourront-ils suivre l'exemple des princes anglais et espagnols?

D. Duarte Pio : J'espère que que leurs choix seront plus judicieux. L'important est que dans le mariage il y ait un partage des valeurs spirituelles et de préférence, culturelles. Ce qui s'est passé récemment en Angleterre est un excellent exemple de ce qu’il faut éviter. En effet, il a été très difficile pour une femme américaine, avec une expérience complètement différente, de s'adapter à la culture anglaise.

C.M : Avez-vous déjà imaginé les mariages de vos enfants? Comment pensez-vous que les Portugais suivront les cérémonies ?

D. Duarte Pio : J'espère qu’ils seront suivis comment ils ont suivi mon mariage. Mais j'espère qu'ils se marieront plus tôt que moi

Copyright&traduction@Frederic de Natal

Publié le 25/02/2020

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