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Un statut pour le prétendant au trône impérial de Corée ?

Le pretendant au trone imperial de coree«Même si, la famille impériale a connu une fin tragique, aujourd'hui, je sens que nous pouvons désormais espérer une prochaine restauration de la monarchie».  Il est l’un des prétendants au trône impérial de Corée mais le seul reconnu par la république actuelle de Corée du Sud. Résidant actuellement à Jeonju, le prince Yi Seok est à la tête de la Fondation culturelle impériale. Renversée en 1910 par un tsunami venu du Soleil-Levant, la maison impériale Joseon bénéficie-t-elle en toute discrétion d’un statut officiel dans le pays du «matin calme» ? Ces derniers jours, la presse locale s’est émue des révélations faisant état d’une liste allouée par la mairie de cette ville touristique au prince héritier.

Enjeu de rivalités et de convoitises entre chinois et japonais, la péninsule de Corée a bien du mal à résister aux assauts répétés de ces deux empires. Installée sur le trône du ying et du yang depuis le XIVème siècle, la dynastie Joseon du roi Kojong décide de signer finalement, en 1876,  un traité commercial quasiment exclusif avec le Japon sans savoir qu’elle vient de décider de son lent et inéluctable destin. Le prince Yi Seok est le petit-fils de ce souverain de Corée. A 78 ans, il porte sur ses épaules l’héritage d’une monarchie alors unifiée. Il est né dans une aile du palais de Gyeongbokgung. Un vaste complexe, témoin d’un assassinat particulièrement violent. Dans la nuit du 8 octobre 1895, des rônins japonais pénètrent dans l’enceinte royale tandis des combats éclatent entre soldats coréens et japonais qui ont délibérément provoqué un incident pour détourner l'attention des premiers. Les rônins entrent dans la chambre de l’impératrice Myeongseong et l’assassine sauvagement. Un meurtre qui frappe la monarchie en plein cœur et une victoire pour un Japon conquérant qui se débarrasse de celle qui dirige réellement l’empire derrière le hanbok, le costume traditionnel coréen. Premier acte d’une tragédie qui va bientôt changer le visage de l’Asie pour des décennies.

Empereur sunjongLe prince Yi Seok n’a pas connu l’empereur Kojong. Il est mort en 1919 dans des conditions suspectes. Un mystère entoure son décès et il est probable qu’il ait été aussi la victime d’un empoisonnement sur l’ordre de Tokyo. Il avait tenté de faire reconnaître la pleine indépendance de son trône à la première conférence de la Haye (1899) mais en vain. Contraint de céder la couronne en 1907 à son fils, Sunjong, ce dernier ne règnera que 3 ans avant de devoir à son tour signer son acte d'abdication via un traité d’annexion au Japon. C’est un tout autre chapitre de la maison impériale que Yi Seok a vécu. Il est le fruit des amours du prince Yi Kang et de Yi Hui-chun, une de ses 14 concubines. Son père fut une figure du mouvement de résistance aux japonais avant de s’enfuir à Shanghai où il est accueilli par les républicains. Son périple le mène en Mandchourie où reconnu,  il est renvoyé en Corée. Il va alors décider de collaborer avec les japonais qui lui accordent une liste civile substantielle. C’est dans ce contexte que Yi Seok grandit au palais impérial, surveillé par les autorités japonaises qui promettent un retour sur leur trône à une dynastie, symbole de résistance pour les coréens,  dont le pays est devenu l'objet d'un commerce d'esclaves du sexe pour les officiers du Tenno qui prennent leurs vacances dans cette péninsule. La fin de la guerre en 1945 n’est pas pour autant synonyme de liberté. Accusé d’avoir collaboré, le mouvement monarchiste est interdit, ses leaders passés par les armes et bien que lui-même descendant d’une famille royale, Syngman Rhee, leader républicain et nouvel homme fort du pays, expulse de ses palais la famille royale. Avant de lui confisquer tous ses biens. La guerre de Corée qui va diviser en deux le pays, avec un nord acquis aux communistes, un sud tourné vers l’Occident force la maison impériale à se réfugier sur une péniche américaine avant de  partir vivre dans un monastère.

Palais de gyeongbokgungAdieu les ors des palais, la pauvreté et les jours difficiles deviennent les compagnons de jeu du prince Yi Seok, qui perd son père en 1955, peu de temps après qu’il se soit convertit au catholicisme, puis sa mère en 1964. Ironie de l’histoire, la maison impériale avait longtemps combattu cette religion égalitaire et qui refusait de sacrifier aux ancêtres. Yi Seok se découvre une passion pour la chanson, le prince tente de se faire crooner puis vient le temps du service militaire. Direction le Vietnam sous l’uniforme étoilé des Etats-Unis où il sera blessé au combat à l’épaule en 1966. La Corée ne reconnaît plus de statut à sa famille régnante, lui bloque tout poste de diplomate (il parle couramment espagnol). Il émigre en Amérique du Nord en 1979 où il disparaît des radars de l’Histoire, sa passion, avant que celle-ci ne le rattrape une décennie plus tard. Le mur de Berlin tombe, on reparle de réunification entre les deux Corées, la maison impériale entend jouer son rôle.

Cérémonie d'hommage organisée pour célébrer la fondation de l'empire,  en 2017«L’intérêt des internautes grandit au fur et à mesure que des articles sur la maison impériale sont publiés» constate l’agence Kpenews. La maison impériale a été réhabilitée depuis le début des années 2000 et les soap-opéras sur la monarchie, y compris dans des versions futuristes, se sont multipliés. Le dernier en date, «The King : Eternal monarch» (Le roi, un monarque éternel) cartonne en Corée du Sud et draine des millions de sud-coréens devant leurs écrans. La monarchie est redevenue à la mode. On s’habille comme autrefois, on visite les palais royaux et on redécouvre l’histoire tumultueuse d’une dynastie divisée entre ses différents prétendants. Yi Seok est d'ailleurs le prétendant au trône de Corée depuis 2005 et le seul reconnu par les autorités actuelles. Il est à la tête de «l’Imperial Grandson Association», qui entend préserver la culture coréenne à travers son histoire monarchique. Ce n’est pas un inconnu pour ses compatriotes. Le prince s’est aussi essayé à la politique. Il a pris la vice-présidence du (défunt) parti libéral –démocrate «Saenuri» entre 1998 et 2000 avant de rejoindre le Parti de l’Espoir coréen, en charge des arts et de la culture jusqu’en 2004, échouant de peu de se faire élire au parlement.

Le prince yi seok en jaune entoure de membres du parti democrate sud coreenBénéficie-t-il d’un statut non officiel ? C’est la question que se pose la presse coréenne qui ne tarit pas d’éloges sur ce prince qui a été très actif durant la crise du coronavirus, distribuant nourriture et argent au plus démunis. Invité à participer aux cérémonies d’hommage à l’empire en 2017, le prince est l’objet d’une bien étrange attention de la part de la municipalité de Jeonju où il réside et enseigne. L’agence d’information Kpenews a révélé que le gouvernement allouait un budget de 20 millions de wons (soit 14 millions d’euros sur les 66 millions distribués au nom de la culture à diverses fondations) aux descendants de l’empereur Kojong et à leurs activités afin qu’ils soient les ambassadeurs de la culture coréenne dans le monde. A l’heure où la K-POP tend à avoir un rang similaire aux mangas japonais, ce n’est pas la première fois que les médias se penchent sur la question du statut de la maison impériale. En décembre dernier, elle évoquait déjà ses soupçons sur le sujet. S’il n’y a aucun accord formel, ce statut quo permet à la Corée du Sud de courtiser ses rejetons impériaux tout en maintenant ses institutions ancrées dans l'esprit des coréens. Il existe bien un mouvement monarchiste, l’association du dragon rouge, mais les chances de voir un empereur de retour sur son trône sont assez faibles. Yi Seok ne fait d’ailleurs pas mention de ses revendications tout en recevant diplomates ou dignitaires étrangers, comme l’ambassadeur des Etats-Unis en 2018. «Lorsque les ambassadeurs étrangers visitent Jeonju, bien avant le maire c'est le prince- président de la Fondation culturelle impériale qu’ils viennent saluer d’abord. C’est bien qu’il y a bien une reconnaissance de fait» confie avec modestie un agent administratif de la mairie de Jeonju. Il est vrai que le prince a représenté déjà et par deux fois son pays au Mexique et en Allemagne. «Il ne s'agit pas de nier le système démocratique de nos institutions, mais de le relier à l’histoire, la culture et les traditions dont la famille royale est la dépositaire, même si nous n’avons qu’un rôle symbolique au côté du président» a expliqué Yi Seok, en décembre dernier. Une déclaration qui a de quoi alimenter toutes les rumeurs  d'un éventuel statut mais que dément formellement le gouvernement.

La famille imperiale de coree, les princes Yi et Andrew SeokLa succession a été d’ores et déjà assurée. En octobre 2018, le prince Yi Seok a désigné Andrew Lee Seok, 35 ans, son neveu pour lui succéder. Jeune entrepreneur américano-coréen, il est le fondateur d’une société qui promeut l’utilisation de la VPN sur internet. Une passation qui avait été largement médiatisée en Corée comme dans la presse internationale devant un parterre de personnalités politiques prestigieuses comme le premier ministre des Bermudes ou le sénateur afro-américain de Californie, Mark Ridley-Thomas. Questionné sur son futur rôle de prétendant, le prince héritier a répondu très sérieusement «que la famille impériale n’était en aucun cas la définition d’un passé révolu mais qui restait en première ligne du combat pour l'unité, avançant aux côtés de tous nos frères et sœurs» de Corée. «Même si, la famille impériale a connu une fin tragique, aujourd'hui, je sens que nous pouvons désormais espérer une prochaine restauration de la monarchie» a déclaré avec enthousiasme Young-dal Chang, professeur à l’université de Jeonju. 

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Date de dernière mise à jour : 01/07/2020

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