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Kimpa Vita, une Jeanne d'Arc africaine

Jeanne d'ArcJeanne d’Arc… armure flamboyante, oriflamme du Christ pour seul drapeau, entre mythes et réalités historiques, cette héroïne de notre roman national est depuis quelques jours au centre d’une vaste polémique. Alors que se profilent les prochaines fêtes johanniques annuelles d’Orléans, le choix par la municipalité de droite «Les Républicains » d’une jeune métissée pour incarner la sainte n’a pas été du goût de tous. Pourtant, l'Afrique a eu aussi sa Jeanne d'arc tujours révérée comme une sainte.

Sur les réseaux sociaux, quelques milieux ultra-catholiques et nationalistes comme monarchistes (toutes tendances confondues) ont vivement condamné le choix de la mairie d’Orléans, accusée de faire le jeu d’une politique de « diversité » pour laquelle ils ne souscrivent pas. Mathilde Edey Gamassou est née, il y’a 17 ans, d’un père béninois et d’une mère polonaise. Qui la connaît ne saurait remettre en cause ses convictions catholiques selon l’ensemble des médias français, obligation première et principale pour représenter celle qui a remis sur son trône en juillet 1429 le roi légitime de France, Charles VII. Face au déferlement de commentaires en tout genre sur les réseaux sociaux, c’est la ministre Marlène Schiappa qui a immédiatement apporté son soutien à la jeune lycéenne de première « L » au lycée Sainte-Croix-Saint-Euverte en rappelant, dans un tweet, que Jeanne d’Arc n’appartenait pas ni « aux identitaires » ni « à l’histoire de France ». Si les propos peuvent sembler plus que discutables de la part d’une représentante du gouvernement et qui ne font que jeter de l’huile sur le feu, elle force le journaliste-historien (que je revendique être) à rappeler qu’à la croisée des chemins fantasmé de l’Afrique et de l’Europe, le continent originel de l’homme a eu aussi sa Jeanne d’Arc… noire. Voici son histoire telle qu’elle me fut contée !

C’est vers la fin du XVIIème siècle que naît Kimpa Vita, baptisée par un prêtre portugais du nom de Dona Béatrice (Beatriz). L’Empire du Kongo est à son apogée mais demeure sous l’influence des portugais qui ont noué au fil des siècles des liens commerciaux avec ce royaume qui occupe une large partie de l’Afrique de l’Est. Palais, blasons, la cour royale du Kongo ressemble à celle de son alter-égo de Lisbonne. Au gré des décennies, les portugais ont réduit le Kongo à un simple état fantoche où les membres de la famille royale se disputent dans le sang le trône de Kibangu. Depuis la bataille d’Ambuila en 1665 où les Portugais ont fini par faire décapiter le roi Antonio Ier, les insignes de son pouvoir envoyés dans la capitale portugaise, on ne compte pas moins de 3 prétendants au trône et autant de successeurs que leurs règnes sont souvent des plus brefs. Tous cherchent autant qu’ils rejettent une alliance avec les portugais qui ont fait main basse sur le cuivre et l’or de l’Empire.

C’est dans ce contexte troublé que Dona Béatrice va faire son apparition. Cette gardienne de mouton affirme avoir eu des révélations de la part de Saint Antoine de Padoue (Ntoni Malawu en kikongo) et qui lui aurait annoncé que le royaume allait bientôt subir les foudres divines si la guerre de succession ne se terminait pas rapidement, si l’unité ne revenait pas rapidement dans le verger originel du Seigneur. Elle s’exprime dans les deux langues, impressionne la foule qui se masse pour l’écouter et qui commence à la suivre sur sa route vers le palais royal, situé à São Salvador, persuadée que le Kongo est cette Terre sainte décrite dans les versets de la Bible ou qu’elle est l’envoyée de Dieu pour désigner le monarque légitime au trône. L’Afrique vient de trouver sa Jeanne d’Arc qui « meurt le vendredi pour ressusciter le dimanche après s’être entretenu avec Dieu ».
Elle reçoit les délégations portugaises, y compris celles envoyées par le Saint-Siège intrigué par les antoniens, du nom du saint dont les symboles chrétiens ornent désormais les drapeaux de la légitimité monarchique. Même les nobles dépêchés par le comte de Soyo, Don Pedro IV Alfonso qui s’est emparé en 1704 du pouvoir impérial, reviennent conquis.

Kimpa VitaL’empereur refuse toutefois de lui donner le moindre crédit ; la Jeanne d’Arc de l’Afrique s’empare rapidement de la capitale un an plus tard et excommunie ni plus ni moins le comte de Soyo. Ce dernier réagit et envoie son beau-frère le marquis Pedro Constantinho da Silva Kibenga afin que celui-ci reprenne pied avec ses armées dans l’ancienne capitale. Reçu par cette femme toute en arme et en armure de cuir, le marquis lui annonce …son ralliement ! Pedro IV apprend alors la trahison de son chef des armées que de celle de sa propre épouse qui a rejoint les antoniens. L’Afrique connaît son propre « games of thrones » à l’instar de la série éponyme connue de tous. Et ce ne seront pas les seuls à se prosterner devant la sainte. L’ancienne souveraine (1670-1700) Dona Suzana de Nóbrega de Lovota et le Prince Manuel Makasa (frère de Pedro Constantinho da Silva Kibenga) rejoignent la prophétesse qui prêche une vie sans luxe et de partages.

Jusqu’ici Dona Beatriz annonçait à qui voulait l’entendre qu’elle était et resterait vierge. Début 1706, elle donne pourtant naissance à un enfant, né «de ses amours avec un ange de Saint-Antoine ». Trahie, elle est arrêtée un dimanche de juillet de la même année. Deux procès rapides, le premier organisé par les bansiamukanus (juges du pouvoir royal), le second par des missionnaires portugais, envoient cette sainte au bûcher. C’est le prêtre Bernardo da Gallo qui va d’ailleurs s’occuper de son second procès. Dona Béatrice est accusée d’hérésie et condamnée immédiatement au feu rédempteur. Dans des hurlements de douleur, Dona Béatrice maudit son tortionnaire et celui qui avait ordonné son arrestation. Rapidement, des rumeurs annoncèrent la réincarnation de la Sainte après qu’une étoile eut été aperçue au -dessus du bûcher. Afin de s’assurer que ce qui restait de son corps ne soit récupéré et transformé en reliques, Perdo IV ordonna que ses restes furent de nouveau mis aux flammes de l’enfer.

Loin de péricliter, le mouvement antonien va continuer la lutte et jouer les faiseurs de rois, face à tous ces princes qui se déclarent tour à tour empereurs du kongo. A commencer par Pedro Constantinho da Silva Kibenga, certainement le père de l’enfant de Kimpa Vita, João II soutenu par la reine Hippolita ou encore Manuel II Makasa. Tous auront levé ou combattu l’oriflamme de cette sainte qui est entrée au panthéon des plus grandes icônes en Afrique. Une femme devenue sainte représentée par de nombreuses statues, petites ou grandes, que l’on trouve encore dans de nombreuses églises de l’actuelle Angola, une amazone qui fut ni plus ni moins la Jeanne d’Arc chrétienne d’une Afrique dont le destin est toujours étroitement lié à l’histoire de l’Europe.

Interrogé face à l’ampleur de la polémique, le père de Mathilde Edey Gamassou a déclaré que sa fille préparait son « pèlerinage avec l’association Orléans - Jeanne d’Arc qui doit débuter ce dimanche sur les traces de Jeanne ». Ajoutant que sa « sa foi entière était catholique qu’elle aimait Jeanne d’Arc » au point d’en être « transfigurée ». Dont acte !

Mais faut-il pour autant en accepter une relecture de notre histoire sans battre le moindre sourcil alors que les incongruités historiques n’ont cessé de se multiplier ces derniers mois dans le monde anglo-saxon et que des associations et autre lobbys tentent d’imposer en France une nouvelle vision de notre histoire nationale au mépris des réalités de celle-ci . La question mérite d’être posée, le débat aussi. Les voies du Seigneur sont décidément bien impénétrables.

«Mon Dieu, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » avait dit Jeanne d’Arc alors qu’elle rendait son dernier souffle le 30 mai 1419, à 19 ans.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 24/02/2018

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