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Abdallah II en alerte : préserver la Jordanie du feu régional

Alors que le conflit entre Israël et l’Iran menace d’embraser le Moyen-Orient, la Jordanie tente de préserver sa stabilité intérieure tout en assumant son rôle régional. Le roi Abdallah II appelle à la désescalade et au respect du droit international, tout en plaçant son pays en état d’alerte maximale.

Le 13 juin 2025, le bombardement inattendu de l’Iran par Israël, conclusion de longues tensions persistantes entre les deux pays, a surpris toute la communauté internationale. Alors que la confrontation entre Téhéran et Tel-Aviv menace de se transformer en guerre ouverte, le royaume de Jordanie tente de se maintenir à distance d'un affrontement dont les conséquences pourraient être catastrophiques pour sa stabilité interne.

Abdallah II convoque son conseil de sécurité nationale

Une alerte royale face à l’escalade régionale

Le roi Abdallah II a réuni en urgence son Conseil de sécurité nationale, affirmant la neutralité de son pays tout en renforçant son dispositif de prévention et d’alerte. Mais la géographie, les équilibres internes et les alliances extérieures rendent la position jordanienne extrêmement périlleuse.

Lors de cette réunion, à laquelle participait le prince héritier Hussein, le souverain a condamné avec fermeté la frappe israélienne contre l'Iran, qu'il a qualifiée de "violation du droit international et de la souveraineté iranienne". Il a mis en garde contre de tels actes susceptibles, selon lui, "d'aggraver les troubles et l'instabilité dans la région". " La Jordanie maintient sa position ferme selon laquelle elle ne sera pas le théâtre d'un conflit", a-t-il affirmé, soulignant l'engagement de son pays en faveur d'une résolution pacifique.

La réunion a également été l'occasion de faire le point sur les efforts diplomatiques en cours, la Jordanie demeurant activement engagée avec ses partenaires régionaux et internationaux pour favoriser une désescalade. Le roi a rappelé que la paix et la sécurité ne peuvent passer que par " la diplomatie, les négociations et le respect du droit international ".  Dans une optique de sécurité, le Premier ministre et ministre de la Défense, Jafar Hassan, a été chargé de coordonner les institutions de l'État pour maintenir un niveau d'alerte maximal. Des mesures supplémentaires doivent être prises pour préserver la stabilité du pays et la sécurité des citoyens.

Enfin, la réunion a permis de revenir sur la récente visite du souverain en Europe, consacrée à la mobilisation d’un soutien international en faveur des droits des Palestiniens, à la fin immédiate de la guerre à Gaza, à l’acheminement de l’aide humanitaire et à la mise en place d'une solutions à deux états. Depuis la confrontation entre les deux puissances, le monarque Hachémite a d’ailleurs multiplié les appels téléphoniques aux dirigeants occidentaux et issus du monde arabe, notamment ceux de France et d’Arabie saoudite.

Les force armées jordaniennes en alerte @RHC

Une équation intérieure explosive

La Jordanie est particulièrement vulnérable à un embrasement généralisé entre l'Iran et Israël. Un conflit qui pourrait avoir de graves répercussions sur de nombreux plans.  

Située à la frontière d'Israël, de la Syrie et de l'Irak, le royaume pourrait être directement exposé à des infiltrations ou à des frappes menées par des milices pro-iraniennes, notamment celles stationnées en Syrie et en Irak. La monarchie hachémite joue par ailleurs un rôle religieux symbolique fort, notamment via la tutelle des lieux saints musulmans à Jérusalem, ce qui fait d’elle un acteur très scruté dans le dossier palestinien. Or, l'intervention militaire israélienne dans la Bande de Gaza (depuis octobre 2023 à la suite des attentats perpétrés par le Hamas) et les souffrance de la population locale alimentent déjà un profond mécontentement populaire en Jordanie où la monarchie est accusé de rester passive face aux événements.

La population jordanienne, majoritairement d'origine palestinienne, est en effet très sensible à la cause palestinienne.y compris, pourtant,  jusqu'au sein de famille royale elle-même qui se démène pour organiser une aide humanitaire et sensibiliser la communuaté internationale au sort des Gazaouis. Une intervention israélienne massive ou des bombardements contre des cibles musulmanes pourraient provoquer des manifestations, voire des émeutes, dirigées contre la politique de neutralité du gouvernement et les  fragiles accords de paix signés avec Israël en 1994. Les Frères musulmans jordaniens et d’autres mouvements islamistes, soutiens à l'Iran des Ayatollahs, pourraient tenter de capitaliser sur ces tensions pour affaiblir la monarchie qui a intedit leurs activités sur son sol en avril 2025..

Abdallah II a réuni son cabinet de crise @RHC

Vulnérabilité économique et pressions diplomatiques 

Sur le plan économique, la Jordanie est dépendante de ses voisins. Elle importe son gaz d’Israël et reste tributaire des aides américaines et du soutien financier des monarchies du Golfe. Un conflit affectant les infrastructures régionales pourrait entraîner des pénuries énergétiques et une flambée des coûts pour le royaume. Le tourisme, pilier de l'économie jordanienne, subirait de plein fouet les effets d’une guerre ouverte. De plus, un nouveau flux de réfugiés palestiniens ou syriens, venant s'ajouter aux centaines de milliers déjà présents sur le sol jordanien, exercerait une pression insupportable sur les finances publiques et les infrastructures.

Sur le plan diplomatique, la Jordanie marche sur une ligne de crête. Alliée stratégique des États-Unis et de l'OTAN, elle ne peut toutefois pas se permettre d’être perçue comme complice d’Israël dans une guerre contre un pays musulman comme l’Iran. Elle devra donc jongler entre neutralité affichée, condamnation verbale des violences, coopération sécuritaire discrète avec Washington et Tel-Aviv, et préservation de ses relations avec les partenaires arabes et sa propore opinion publique.

Première conséquence de ce conflit, qui a détourné les yeux de l'Occident un temps de ce qui se passe dans la Bande de Gaza, la Jordanie fait face actuellement à un contexte régional explosif. Entre potentielles menaces extérieures, tensions intérieures et vulnérabilité économique, la monarchie hachémite doit jouer un numéro d’équilibriste pour garantir sa survie politique. Mais si le conflit entre l’Iran et Israël s’intensifie, Amman pourrait rapidement devenir un maillon faible du dispositif régional, pris en étau entre alliances et colères populaires.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 17/06/2025

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