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Highgrove : Le royaume secret de Charles III

Highgrove n’est pas une simple demeure royale, mais un jardin-refuge façonné par Charles III. Entre nature et mémoire, le roi y cultive ses racines autant que ses convictions. Un lieu secret où l’art du vivant devient acte de souveraineté.

Highgrove, résidence du roi Charles III, est bien plus qu’une demeure royale : c’est un sanctuaire où chaque saison fait naître de nouvelles promesses, telles des fragrances évanescentes s’épanouissant et se dissolvant au fil du temps. C’est un lieu de convalescence et de résilience où le souverain britannique peut se ressourcer, trouver l’équilibre et la sérénité. . Après un séjour à l’hôpital, conséquence des effets secondaires de son traitement contre le cancer, il a d'ailleurs été aperçu parcourant les allées de ce havre de paix, niché au cœur du Gloucestershire, dans le duché de Cornouailles (appelé Home Farm), à deux cents kilomètres à l’ouest de Londres.

À travers les haies sculptées, les massifs de roses anciennes et les senteurs d’azalées en fleurs, le fils de la reine Elizabeth II semble trouver refuge dans une nature qui, tout comme lui, a su s’épanouir malgré l’adversité.

Highgrove House @A. Seale

Highgrove, une toile vivante, brodée de nature

Prince de Galles, c'est qu'en 1980 qu'il achète Highgrove. La demeure elle-même, construite entre 1796 et 1798 par John Paul Paul, et attribuée à l’architecte Anthony Keck, porte en ses murs l’élégance discrète de l’Angleterre géorgienne. Elle est restée aux mains des héritiers Paul jusqu’en 1860, avant de connaître plusieurs vies jusqu’à son rachat par le monarque. Un passé qui s’inscrit désormais dans une œuvre plus vaste, où chaque allée tracée par Charles semble dialoguer avec l’histoire du lieu. En acquérant ce lieu chargé d'histoire, il  ne découvre pas un jardin de rêve, mais une terre en friche, à l’abandon, telle une toile vierge attendant son artiste. Pourtant, dans cette terre battue, Charles entrevoit déjà un autre avenir : un jardin,  un champ de lavandes, exhalant la promesse d’une harmonie retrouvée entre l’homme et la nature. Ce sera son laboratoire. 

Il compose chacun de ses massifs comme un aquarelliste, mêlant senteurs, volumes et lumières. Dans chaque coin du jardin, chaque branche et chaque fleur évoquent la vision d’un monde plus respectueux, plus poétique, où les gestes du jardinier deviennent des métaphores d’un engagement écologique profond.

Les jardins de Highgrove House @A. Seale

La mémoire vivante d’un jardin ancré dans l'Histoire

À travers les yeux de Deborah Herbert, guide des jardins, les visiteurs découvrent Highgrove comme un véritable sanctuaire où chaque pétale, chaque souffle du vent semble murmurer l’histoire d’un roi profondément connecté à la nature. Elle partage avec passion l’attachement du roi aux moindres détails de son jardin, de la rose au buisson de thym. Elle raconte aux visiteurs qui s'y pressent comment, parmi les azalées et les pensées, Charles III a imaginé un lieu où la biodiversité et l’agriculture durable peuvent coexister.  Chaque plante ici n’est pas simplement une essence vivante, mais un symbole du monde qu’il veut construire. Les jardins de Highgrove sont plus qu’un simple havre de beauté : ils sont  devenus les témoins de symboles profonds, ancrés dans la nature, démontrant que l’agriculture et la beauté peuvent coexister, comme un tableau vivant dont chaque essai fait partie d’une œuvre collective pour la planète..

Au détour de la Promenade des azalées, où le parfum des fleurs se mêle à la brise légère, les bustes en bronze de personnalités admirées par le roi se dressent comme des sentinelles silencieuses. Chaque statue, entourée de fleurs colorées, révèle une facette de l’histoire et des valeurs du roi : la beauté de l’art, la force de l’intellect et l’importance de la famille. Les parcelles de légumes bio et les haies taillées aux formes douces et naturelles témoignent de cette philosophie, dans cet écrin de verdure où chaque plante semble insuffler un message de résilience et de respect pour la Terre.

En traversant les allées bordées d’iris ou en s’asseyant sous les tilleuls centenaires, on renoue avec l’essence même de la nature, loin du tumulte du monde. À l’ombre du labyrinthe, une pierre discrète marque la tombe de Tigga, son fidèle Jack Russell décédé en 2022. Cette tombe simple mais touchante contraste avec la majesté de l’allée d’ifs taillés, où une statue de Diane chasseresse se dresse, hommage discret mais poignant à Lady Diana, son ancienne épouse tragiquement disparue en 1997.

Au détour d’une allée bordée d’eucalyptus, un petit temple discret se dévoile : le Sanctuary. Inspiré des clochers tibétains et de la spiritualité orientale, ce pavillon de méditation, dressé dans l’axe du manoir, évoque le besoin d’introspection d’un roi en quête d’équilibre. À l’intérieur, une bougie brûle en silence, quelques livres Penguin d’occasion sont posés sur un banc de bois, tandis que des toiles d’araignées filent le silence, comme un fil d’encre entre temps et mémoire. L’inspiration des jardins de Villandry — leurs terrasses superposées, leurs buis taillés en quinconce — se devine ici comme un hommage à l’ordre classique que le roi fait dialoguer avec la paix du silence.

Les allées de Highgrove House @A. Seale

Une demeure, un laboratoire pour les générations futures

Charles III est un souverain sensible aux questions écologiques mais loin du poids de sa charge, il est aussi un jardinier à ses heures. Ses mains, souvent rougies par le travail de la terre, racontent une histoire d’attachement, de patience et de sincérité. Chaque week-end, il s’agenouille parmi les plantes, retourne le sol, taille, observe. La Promenade du thym, bordée de topiaires en forme de couronne, en est le symbole le plus vivant. Il a planté à lui tout seul soixante-dix variétés d’aromates. « J’ai beaucoup de conseillers, mais dans ce jardin, je n’en fais qu’à ma tête », dit-il avec humour. Et parfois, la passion devient affaire de transmission. En 2015, le prince George, alors tout jeune, a aidé son grand-père à planter deux arbres dans le parc de Highgrove. Une petite plaque discrète en témoigne : «This was planted by His Majesty and Prince George, eldest son of the Prince and Princess of Wales, in 2015. ». Un moment suspendu, où l’héritage se transmet non par les mots, mais par les gestes partagés, les mains dans la terre.

Même son eau de bain, raconte-t-il un jour en riant, est recyclée pour arroser les fleurs. À Highgrove, rien ne se perd : tout s’inscrit dans un cycle, une attention, une fidélité.

Là où se dressait jadis un cèdre du Liban bicentenaire, fierté du domaine et « contrepoint organique » à l’architecture géorgienne, s’élève désormais un pavillon de chêne, hommage discret à l’arbre disparu. Un chêne, né spontanément à cet endroit, y pousse librement, traversant le toit aménagé pour lui, comme une promesse que la nature poursuit toujours son œuvre. Dans ce théâtre de transmission, les gestes s’entrelacent comme les branches. La Maison Chanel y a implanté son académie de broderie d’art, confiant aux mains de jeunes talents le fil de savoir-faire séculaires. Sous la houlette des ateliers Lesage, Montex et Lemarié, ils brodent à leur tour la mémoire du lieu, tout comme le roi façonne son jardin.

Ainsi, entre l’arbre tombé et l’arbre qui s’élève, entre la soie et la sève, Highgrove continue de se tisser — refuge vivant d’une royauté enracinée dans le temps, la nature et l’art.

Copyright@Alexander Seale

Date de dernière mise à jour : 23/05/2025

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