Par-delà les clivages politiques, la famille grand-ducale incarne, pour une large majorité de Luxembourgeois, une stabilité précieuse. À l’approche de la transition dynastique prévue en octobre 2025, le soutien populaire ne faiblit pas.
Alors que de nombreuses monarchies européennes naviguent dans des eaux parfois houleuses, le Luxembourg semble faire figure d’exception. Selon le dernier Politmonitor, un institut de sondage, 69 % des citoyens considèrent la monarchie parlementaire comme la meilleure forme de gouvernement pour leur pays, dont 50 % en sont totalement convaincus.
Une confiance remarquable, à l’heure où le Grand-duc Henri de Nassau s’apprête à céder les rênes à son fils aîné, le prince Guillaume, appelé à devenir le prochain chef de l’État (Groussherzog vu Lëtzebuerg ) à l’automne prochain.

Une institution qui rassemble autour de ses symboles
Cette adhésion dépasse les appartenances partisanes. Sans surprise, les électeurs du CSV (chrétien-social), historiquement favorables à la monarchie, y adhèrent à 84 %, mais ce soutien s'étend bien au-delà : 80 % des partisans du DP (libéraux) et près des deux tiers des sympathisants du LSAP (62 %) et des Verts (63 %) y voient également le meilleur régime. Seule l’ADR (droite souverainiste) présente un tableau plus contrasté : 44 % de ses électeurs soutiennent la monarchie, tandis que 41 % y sont opposés. Une division surprenante pour un parti traditionnellement nationaliste.
Un indice, cependant, pourrait éclairer ce paradoxe : 74 % des électeurs de l’ADR interrogés se déclarent favorables à l’organisation d’un référendum sur le maintien de la monarchie. Ce désir de consultation populaire dépasse les clivages, puisqu’il est également partagé par 56 % des sympathisants des Verts et une large frange du LSAP. Globalement, 48 % des Luxembourgeois souhaiteraient avoir voix au chapitre sur l’avenir de leur régime. Une aspiration démocratique qui ne signifie pas nécessairement un rejet de la monarchie, mais plutôt une volonté d’appropriation citoyenne de ce symbole national.

Une dynastie au service du pays depuis le XIXe siècle
La fidélité du peuple luxembourgeois envers la monarchie s’enracine dans une histoire dynastique complexe mais profondément identitaire. Jusqu’au traité de Londres de 1867, le Luxembourg était un État disputé, tantôt dans la sphère d’influence néerlandaise, tantôt allemande. À la mort du roi Guillaume III des Pays-Bas en 1890, la couronne grand-ducale passe à une branche cousine, la maison de Nassau-Weilbourg, rompant ainsi l’union personnelle avec la Hollande.
C’est le Grand-duc Adolphe (1817-1905) qui inaugure la dynastie nationale actuelle. En 1919, après la Première Guerre mondiale, un référendum maintient la monarchie à une large majorité (78%), alors même que le contexte européen est favorable aux républiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Grand-duchesse Charlotte (1896-1985) devient une figure de résistance, exilée mais écoutée, incarnant l’unité nationale face à l’occupation nazie. Depuis, la famille grand-ducale n’a cessé de jouer un rôle discret mais central dans la diplomatie luxembourgeoise et dans la représentation du pays à l’étranger.
Le Grand-Duc Henri, en fonction depuis 2000, a incarné cette continuité, tout en modernisant peu à peu l’image de la monarchie. Son fils Guillaume, héritier bien formé et très engagé sur les questions économiques et sociales, 43 ans, père de deux enfants, apparaît comme une relève naturelle. La transition annoncée pour octobre 2025 se fera donc dans un climat d’adhésion majoritaire, reflet d’un attachement qui dépasse le faste et les apparences.
La monarchie luxembourgeoise, loin d’être un vestige dépassé, demeure un ciment identitaire, incarnant l’équilibre entre tradition et modernité. Dans un monde traversé par les crises politiques, économiques et culturelles, le Grand-duché semble avoir trouvé dans sa monarchie une figure d’unité et de stabilité. À quelques mois d’un passage de témoin historique, le Luxembourg réaffirme ainsi, sondage à l’appui, que l’attachement à la Cour grand-ducale n’est ni nostalgique ni aveugle — il est profondément ancré dans une conscience nationale mûre et confiante.
Copyright@Frederic de Natal