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Les Lusignan, une dynastie qui a ses héritiers au trône

C’est une famille qui appartient à l’histoire de France, née dans le creux d’une légende, prédestinée à régner sur la Méditerranée. Les Lusignan fascinent encore aujourd'hui toutes les générations. Ses potentiels descendants pourraient prétendre encore à diverses couronnes comme celle de Jérusalem, de Chypre ou d’Arménie.

C’est à l’écrivain Jean d’Arras que l’on doit la première version connue de la légende qui entoure la famille de Lusignan. Proche du duc de Berry, il va écrire au cours du XIVe siècle, son roman le plus célèbre, évoquant les amours de la fée Mélusine et d’un chevalier apparenté à la maison poitevine de Lusignan. Le livre est un succès, va s’inscrire dans la mémoire collective pour une famille à qui le destin a octroyé une couronne.

Hugues VIII faisant fuir les musulmans et carte du comté de Tripoli @wikicommons

Des marais du Poitou à la Terre sainte

C’est à Hugues II de Lusignan (950-980) que l’on doit la construction de l’imposante forteresse, symbole de la puissance de cette famille. Il n'en reste aujourd’hui que quelques ruines. Au cours des siècles, les Lusignan structurent leur seigneurie, fidèles aux duc d’Aquitaine avant que leurs relations mutuelles ne se fracturent durant le XIe siècle. C’est lors des croisades que la maison de Lusignan va prendre une dimension internationale. Hugues VI (1035-1110) participe à la Première croisade, marque par son courage et sa valeur. Chrétien convaincu, il participe même aux débuts de la Reconquista aux côtés du roi de Castille. C’est son petit-fils Hugues VIII (1097-1171) qui va permettre à sa famille de s’élever à la dignité royale.

Il participe à la Seconde croisade, s’installe dans le comte de Tripoli. Hugues VIII a connu la gloire sur les champs de bataille, la défaite, la captivité, comprend très vite l'importance de tisser des liens avec cette nouvelle noblesse franque installée dans le Proche-Orient. Il prend même une femme avec laquelle il aura un enfant. Mais ce sont deux autres de ses fils qui vont faire entrer de plein fouet les Lusignan dans l’histoire de Jérusalem. Guy de Lusignan (1153-1194), son fils, a épousé la princesse Sibylle de Jérusalem, sœur de Baudouin IV, le roi-Lépreux. La mort de ce dernier  (1183) puis de son fils Baudouin V (1186)  propulse le mari de Sybille sur le trône de Jérusalem en dépit de l’opposition des seigneurs latins qui méprisent ce cadet nobliau. Les divisions vont s’accentuer au sein de cette monarchie semi-élective, semi-héréditaire que convoite également le comte de Raymond III de Tripoli. Des tensions qui profitent aux musulmans réunis sous la bannière de Saladin contraint d’envahir la Galilée afin de venger les exactions commises par Renaud de Châtillon, seigneur d’Outre-Jourdain. Le 4 juillet 1187, l’ost franque ne résiste pas aux multiples assauts des musulmans à Hattin, laissant la voie ouverte de Jérusalem.

Amaury II et Guy de Lusignan @wikicommons

Sur le trône du royaume de Jérusalem

Roi sans royaume, Guy de Lusignan est en conflit ouvert avec Conrad de Montferrat, le premier étant soutenu par Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre, le second par Philippe Auguste, roi de France. Chaque souverain est venu au secours des croisés et prend part aux rivalités qui persistent. C’est un jeu de dupes qui s’installe depuis la ville d’Acre, nouvelle capitale d’un royaume latin en lambeaux. En échange de sa renonciation de la couronne de Jérusalem, Guy hérite de celle de Chypre qu’il va profondément réorganiser et laisser en héritage à son frère Amaury II (« Aimery ») de Lusignan.

C’est un nouveau chapitre pour l’histoire de cette maison qui va s‘écrire. Les Lusignan vont encore marquer Jérusalem de leur empreinte. Ils n’ont renoncé à ce trône que Guy doit d’ailleurs à son frère, fin tacticien. Les morts successives de Conrad de Montferrat (assassiné en 1192) puis de son successeur Henri II de Champagne (décédé accidentellement en 1197) poussent les Francs à rappeler Aimery de Lusignan sur le trône de Jérusalem. Chaque royaume conserve néanmoins son indépendance. Ses quelques succès ne permettent cependant pas à Jérusalem (en réalité Acre) de regagner ses frontières naturelles. Avec la déroute de la Quatrième croisade vers Constantinople, le royaume latin va perdre un temps précieux. Aimery de Lusignan meurt en 1205, à l’âge de 53 ans.

Pierre Ier de Chypre et Catherine Cornaro @wikicommons

Les Lusignan de Chypre

Les Lusignan vont continuer de régner sur Chypre pendant près de trois siècles, transformant l’île en un état féodal européen au carrefour des cultures latine, grecque et orientale. Sous leur règne, Chypre devient un centre commercial prospère et un refuge pour les croix latines après la chute des états latins d’Orient, dont celui d'Acre en 1291 que ne pourra pas empêcher le roi Henri II de Chypre.

Si les souverains de Chypre continuent d’arborer les insignes de Jérusalem sur leurs blasons, le royaume ne va pas tarder à sombrer dans les querelles entre les Lusignan et la noblesse locale, souvent originaires des anciens états latins, venus se réfugier avec les Templiers sur l’île. Le roi Amaury II fut assassiné par des barons hostiles à son pouvoir en 1310, tout comme un autre de ses successeurs. En janvier 1369, lors d’un complot ourdi par ses deux frères, lassés de sa tyrannie et du comportement outrancier de son épouse, Eléonore d’Aragon, Pierre Ier est sauvagement tué. La puissance des Lusignan va commencer à pâlir, incapable de délivrer Jérusalem, de plus en plus sous l’influence de la république de Venise.

La mort de Jean II de Lusignan en 1458 marque le début de la fin de la monarchie chypriote. Son successeur, tiré de son couvent, issu de bâtardise, le roi Jacques II doit affronter une rébellion dès sa montée sur le trône, celle de sa belle-mère Hélène Paléologue et ses partisans. Après avoir remporté une ultime victoire en 1453, il repousse les assauts des Mamelouks et consolide un accord avec Venise en épousant Catherine Cornaro. Mort en 1473, il laisse une veuve enceinte de leur fils Jacques III dont la vie ne dépassa pas un an. Désormais à la tête de Chypre, Catherine Cornaro à un règne difficile, menacée par sa belle-sœur Charlotte de Lusignan (1444-1487) et par le roi Ferdinand Ier de Naples qui songe à mettre sur le trône son fils Alonso, marié à la fille naturelle de Jacques II. Finalement reconnue en 1476, elle renonce à la couronne douze ans plus tard, mise sous pression par Venise qui annexe de fait l’île de Chypre.

Léon VI d'Arménie @wikicommons/PHGCOM

Les Lusignan d’Arménie

La dynastie étend son influence au-delà de Chypre. L’établissement de l’union dynastique avec le royaume arménien de Cilicie à travers le mariage de Sibylle de Lusignan avec Léon II marque une nouvelle phase. C’est, avant tout, un mariage politique pour le souverain arménien et Amaury II de Lusignan, le père de Sibylle. En filigrane de ces noces, la principauté d’Antioche que l’Arménie souhaiterait récupérer. Un mariage entre Lusignan d’Arménie et ceux de la maison d’Antioche finira par réconcilier les deux dynasties au cours du XIIIe siècle, donnant naissance à des souverains d’essence franque dans le royaume. Invasion Sedjoukide, mongole, l’Arménie des Lusignan se transforme, se modernise, n’échappe pas aux ambitions de ses princes.

En 1341, le roi Léon V est assassiné. Le trône est alors donné à son cousin Guy de Lusignan, fils du roi de Chypre, désormais le roi Constantin IV. C’est en latin qu’il tente de s’imposer auprès de l’aristocratie locale qui voit d’un mauvais œil le fait qu’il tente d’imposer l’Eglise catholique sur le sol arménien. Les révoltes succèdent aux révoltes, Constantin IV est assassiné en 1344 lors d’un complot. Les tensions entre latins et arméniens vont bientôt mettre à mal l’intégrité du royaume. Poussé sur le trône en 1373, Léon VI, neveu de Constantin IV, se révèle un piètre souverain. Le royaume s’est réduit comme peau de chagrin face aux assauts des Mamelouks. Deux ans plus tard, le voilà captif au Caire, dépossédé de son trône tombé en quenouille. Libéré contre une forte somme, il s’exile à Paris où il vivra confortablement, dernier des Lusignan à porter une couronne.

Armand Francois Maximilien de Lau de Lusignan

Le marquisat de Lusignan

La branche française s’est éteinte au début du XIVe siècle avec le décès du seigneur Hugues XIII de Lusignan. L’histoire est cependant loin d’être terminée. Deux des domaines des Lusignan en France sont érigés en marquisats féodaux respectivement en 1618 et 1722 par les rois Louis XIII et Louis XV. L’histoire de ces cadets va se mélanger à nouveau avec celle de la France, fidèles soutiens de la monarchie. Elle ne revendiquera aucune couronne. Sous la Révolution française, Armand Jean-Jacques du Lau de Lusignan (1725-1793, est un député de la noblesse. Pourtant proche du duc Louis-Philippe d’Orléans, futur Philippe Egalité, le marquis se rangera finalement aux côtés des partisans de l’Ancien Régime. 

Son fils, Armand François Maximilien de Lau de Lusignan (1783-1844) sera le dernier représentant de cette lignée qui va s’éteindre d’elle-même. Brillant cavalier, il participe aux campagnes contre le Premier Empire en Espagne avant de devenir député et Pair de France sous la Restauration et la monarchie de Juillet.

Guy de Lusignan

Des héritiers contestés, une branche cachée ?

Le 4 avril 1962, c’est une dépêche pour le moins incongrue que les journalistes publient. Le docteur Aris Shevki de Lusignan, qui affirme descendre de Guy de Lusignan, réclame au Commonwealth le remboursement d’une somme astronomique conclue entre sa famille et les Vénitiens, en guise de compensation. Un accord qui aurait été reconnu par les Turcs en 1573 selon ses avocats. Lorsque le Royaume-Uni est devenu la gestionnaire de l’île, elle aurait décidé de cesse de payer cette dette en 1914 avec le déclenchement du conflit mondial. Et dé réclamer la couronne de Chypre en cas de non-paiement par Londres de cette dette. Le docteur Aris Shevki de Lusignan n’aura ni l’un ni l’autre.

En ce milieu de XXe siècle, il n’existe plus de Lusignan, enterré par l’histoire. Pourtant, une branche revendique sa filiation avec l’illustre maison poitevine. Après la vente de Chypre, elle aurait survécu par l’entremise de Pierre de Lusignan, prince de Galilée, dont les descendants se seraient maintenus à l’écart de toute activité militaire ou politique, craignant d’être capturés par les Turcs. Très étonnamment, on retrouve bien un prince Louis de Lusignan en Russie (décédé en 1884, âgé de 77 ans), orthographié tel quel dans les archives militaires de Romanov, revendiquant la couronne de Chypre, de Grèce et tout aussi attesté par le Foreign Office de Sa Gracieuse Majesté. Même les journaux français évoquent la présence de ces Lusignan dans leurs colonnes, comme le « Temps » qui n’hésite pas écrire que le Royaume-Uni pourrait bien restaurer cette famille à Chypre. Son fils Michel écrira d’ailleurs un livre retraçant cette filiation assez contestable de cette branche Lusignan où on apprend qu’il aurait été en contact avec l’Empereur Napoléon III avant que la guerre franco-prussienne ne rompe cette relation naissante.

Mais que dire de ce un ancien prêtre maronite, Ambroise Kalfa Narbei, qui affirme à qui veut l'entendre qu'il était un descendant de Guy de Lusignan, dont il reprit le nom, se reliant au prince Louis de Lusignan, revendiquant également les couronnes de Jérusalem, Chypre et d’Arménie. Afin d’asseoir sa généalogie, il fit même éditer un fascicule en 1902 en français, à Paris où il a effectué des études.  Le « prince Guy » a eu ses partisans, aurait compter parmi ses relations l’écrivain Victor Hugo, crée un faux ordre et distribue des titres à qui des vaniteux souhaitaient en acquérir. Il décède en 1905 . Avec lui ses prétentions. Sa veuve sera d’ailleurs impliquée dans un scandale financier qui fera reculer ses deux enfants à prétendre à quoi que ce soit. Aucun historien sérieux ne semble donner quelques crédits à ces prétentions.

L’ultime prétendant des Lusignan

Aujourd’hui, les intérêts des Lusignan seraient représentés par Philippe Roux de Lusignan qui a assisté dernièrement, le 1er décembre 2024, à une messe aux côtés de la communauté arménienne dans la Basilique Saint-Denis où repose le cénotaphe de Léon V. Conférencier, il serait affilié à une branche collatérale appelée Mamachi-Lusignan. En 2019, il a attiré l’attention de la presse chypriote qui lui a accordé un long article. Un livre paru en 2004 retrace cette histoire et sa généalogie.

Il n’existe aucun mouvement monarchiste chypriote pas plus qu’une revendication de la couronne des Lusignan à ce jour. Le reste n’est qu’histoire.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 30/01/2025

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