Monarchies et Dynasties du monde Le site de référence d’actualité sur les familles royales

Joachim Murat plaide pour un retour en grâce de Napoléon III

Dans un essai coécrit avec l’économiste Olivier Pastré, le prince Joachim Murat redonne toute sa place au dernier souverain français, trop longtemps réduit à une caricature. À rebours des procès à charge, les deux auteurs dessinent un Napoléon III moderne, réformateur, et profondément visionnaire.

C’est un combat pour la mémoire, mais aussi pour l’avenir. Avec un nom qui évoque les charges flamboyantes de la cavalerie impériale, le prince Joachim Murat, descendant du maréchal d’Empire du même nom, fait aujourd’hui œuvre de réhabilitation. Dans un ouvrage coécrit avec l’économiste Olivier Pastré,  il entend tirer l'Empereur Napoléon III des limbes de l’oubli républicain, où l’avaient relégué un siècle et demi d’historiographie partisane.

« Ce projet répond à une nécessité historique : celle de rendre justice à une figure majeure, injustement oubliée ou caricaturée », affirme le prince Murat dans un entretien  à Le Diplomate. Car derrière la silhouette en habit d'officier militaire auréolé des gloires de son oncle, l'Empereur Napoléon Ier, si souvent brocardée, se cache un chef d’État singulier, attaché à la souveraineté populaire, la modernisation industrielle et la cohésion sociale, qui préfigura nombre des politiques publiques contemporaines.

Une méthode rigoureuse, un objectif assumé

Loin de se prétendre historiens, le prince Joachim Murat et Olivier Pastré revendiquent leur posture d’exégètes, soucieux de croiser archives officielles, correspondances diplomatiques, témoignages familiaux et sources économiques. Leurs recherches les ont menés des plébiscites impériaux aux bilans financiers des grandes banques fondées sous le Second Empire (1852-1870) jusqu’aux actes du Conseil d’État ou aux souvenirs de la famille Pastré, active dans la création du Canal de Suez. Un corpus large, nourri par une volonté claire : déconstruire les mythes, au profit d’une lecture plus équilibrée et factuelle. Dans leur « Napoléon III, l'incompris» édité aux éditions Odile Jacob, il entendent mettre fin à trois principaux procès que l'Histoire persiste à faire à l'époux de l'Impératrice Eugénie de Montijo. 

Le premier malentendu concerne la légitimité politique de Napoléon III, souvent réduit à l’image d’un usurpateur autoritaire. Pourtant, rappelle Jochim Murat, il demeure le chef d’État français ayant remporté le plus d’élections au suffrage universel : cinq plébiscites en dix-huit ans, dépassant régulièrement les 80 % de voix, avec des taux de participation massifs. Encadré par un Corps législatif élu, un Sénat consultatif, et un Conseil d’État renforcé, le Second Empire ne fut nullement une dictature, mais un régime hybride, en évolution constante vers plus de libéralisme. Et certaines réformes échouèrent même à cause de l’opposition parlementaire – telle la modernisation de l’armée en 1866 qui aurait pu éviter le désastre de Sedan selon Joachim Murat. Sans compter qu'il a été le premier Président élu au suffrage universel masculin. Un scrutin direct assez novateur en 1848

L'Empire a souvent été accusé d'immobilisme social. Là encore, la réalité est aux antipodes. Droit de grève (1864), instruction publique gratuite, sociétés de secours mutuels, repos dominical, premiers congés payés pour les fonctionnaires, assistance juridique et médicale pour les plus démunis : c’est sous l’égide de Napoléon III qu’apparaissent nombre des acquis sociaux que la Troisième République se contentera d’élargir.

Enfin, on reproche au fils de Louis Napoléon et de Hortense de Beauharnais celui de l’aventurisme diplomatique. Si l’échec du Mexique (1867) et la débâcle de Sedan (1870) restent indélébiles, l’analyse globale du règne impérial révèle une intense activité diplomatique aux résultats durables : unité italienne, création de la Roumanie, autonomie du Liban, accords de libre-échange avec quinze puissances, création de l’Union monétaire latine, sans oublier le Canal de Suez, véritable pivot entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, rappelle Joachim Murat dans son entretien. « Loin d’un belliciste, Napoléon III fut un architecte de l’équilibre européen », insiste le prince Murat mué en véritable porte-parole du Second Empire. Une période dans laquelle sa famille fut ausssi partie prenante et où le Muratisme fut une épine dans le pied italien des Bourbons-Siciles .

Le père oublié de la modernité française

Tout comme prédécesseur, l’héritage du Second Empire est partout, même là où on ne le soupçonne plus. L’outil des taux directeurs des banques centrales, aujourd’hui employé par la BCE ou la Fed, trouve son origine dans la réforme du taux d’escompte de la Banque de France, imposée par Napoléon III. Le Conseil d’État moderne, pivot de l’État administratif français, fut consolidé sous son règne. Le corps préfectoral, encore au cœur de la gestion territoriale, fut structuré pour garantir une homogénéité républicaine avant l’heure.

Et que dire de la politique industrielle ? Sous l’impulsion impériale, la France se dote d’un réseau ferré dense, de ports modernisés (Marseille, Le Havre, Alger, Dakar), d’une capitale refondée par le Baron Haussmann. Un modèle qui va doucement s'imposer dans d'autres villes de France.  « Ce n’est pas une France rêvée que nous évoquons, mais celle qui a permis la transition vers l’ère industrielle », insiste le prince.  L'aventure coloniale permet même à la France de s'imposer face aux autres grandes puissances. Le monarque se veut en avance sur son temps lorsqu'il entrevoit les bases d'un royaume arabe en Algérie française qui aurait pu assurer la cohérence nationale dans ces futurs départements d'Afrique du Nord.

Pour  Joachim Murat, la gouvernance napoléonienne repose sur deux piliers : l’audace stratégique et la légitimité populaire. Une combinaison que nos gouvernants actuels gagneraient, selon lui, à redécouvrir. À l’heure des plans de relance, de la transition énergétique ou de la crise démocratique, l’expérience impériale démontre qu’un État stratège, à l’écoute du peuple, peut conduire de profondes mutations, sans sombrer dans l’autoritarisme. Lors de ses interventions radio ou télévision, le prince de Pontecorvo insiste que l'Empire reste une solution vers laquelles nos dirigeants actuels seraient bien conseillés de regarder. 

Le bonapartisme, une réponse à la crise démocratique ?

Engagé aux côtés de David Saforcada au sein de L’Appel au Peuple, mouvement bonapartiste contemporain, le prince Murat défend une vision du bonapartisme comme pragmatisme politique, plus que comme nostalgie dynastique. Refus des clivages partisans, attachement à l’exécutif fort mais démocratiquement élu, priorité à l’intérêt national et au progrès social : « Ce courant peut encore jouer un rôle dans la recomposition politique actuelle, marquée par la défiance et l’abstention », estime-t-il. Il livre même un début de programme politique qui pourrait laisser croire que le prince Joachim Murat est silencieusement en campagne. Un souhait de nombreux internautes qui voient dans le prince royal et son épouse, Yasmine, le couple à mener vers l'Elysée. Joachim assume son histoire dynastique, le couple royal semble infatigable et parcourt les routes de France, représentant dignement au cours de cérémonies diverses, deux histoires qui ne font plus qu'une : celle de l'Empire et de la République. A ce titre, ils contentent autant les partisans de la Ve République que les nostalgiques monarchiques de l'Empire. Ces derniers ont refait une timide réapparition au sein du bonapartisme, captant même l'attention des royalistes ( orléanistes).

Le dernier souverain Français, décédé en 1873 à l'âge de 64 ans, alors qu'il s'apprêtait à remonter sur son trône, reste, selon Joachim Murat, un modèle de diplomatie active et équilibrée. Non-alignement rigoureux, soutien aux mouvements nationaux, ouverture économique : autant de principes qui pourraient encore inspirer une France indépendante, à la fois arbitre et acteur majeur des équilibres européens. 

Rendre justice à Napoléon III, ce n’est pas seulement réhabiliter un souverain mal compris. C’est aussi relire le XIXᵉ siècle à la lumière des enjeux du XXIᵉ. Et peut-être redonner à la France la mémoire longue qui fonde les grandes visions politiques et celle de sa fibre patriotique.

Copyright@Frederic de Natal 

Date de dernière mise à jour : 12/06/2025

Ajouter un commentaire

Anti-spam