Principauté théocratique, Andorre vient d'hériter d'un nouveau coprince épiscopal. Une charge que Mgr Josep-Lluís Serrano Pentinat partage avec le Président de la République française.
Le 31 mai 2025, la principauté d’Andorre a accueilli son nouveau coprince épiscopal : Mgr Josep-Lluís Serrano Pentinat, diplomate chevronné du Saint-Siège, nommé récemment évêque d’Urgell, fonction qui l’élève de facto au rang de coprince d’Andorre aux côtés du président de la République française. Cette nomination, bien que protocolaire pour certains, perpétue une singularité politique et historique rare en Europe : une principauté parlementaire dont les deux chefs d’État sont à la fois un haut prélat catholique et le chef d’un État laïque.

Une principauté unique en son genre
Blotti entre la France et l’Espagne, l’État d’Andorre est un petit pays pyrénéen dont l’indépendance et la stabilité reposent depuis le XIIIe siècle sur un système de paréage, c’est-à-dire une souveraineté partagée. L’origine remonte à 1278, date à laquelle un accord fut conclu entre l’évêque d’Urgell et le comte de Foix afin de mettre un terme aux rivalités territoriales. Depuis, cette principauté théocratique et féodale, devenue aujourd’hui une démocratie parlementaire moderne, est dirigée symboliquement par deux coprinces : l’évêque d’Urgell et, depuis l’héritage du comté de Foix par la Couronne française, le chef de l’État français.
Ainsi, le président de la République française, en vertu d’une tradition transmise de Henri IV à Emmanuel Macron, continue d’assurer cette fonction séculaire. C’est un exemple unique de collaboration entre pouvoir temporel et spirituel, illustrant la capacité des institutions à traverser les siècles tout en s’adaptant.

Un parcours entre spiritualité, diplomatie et érudition
Josep-Lluís Serrano Pentinat succède à Mgr Joan-Enric Vives i Sicília, qui occupait le siège épiscopal d’Urgell et la fonction de coprince depuis 2003. Après plus de vingt ans de service, Mgr Vives a remis sa charge, ouvrant la voie à un homme au parcours à la fois pastoral et diplomatique.
Né le 19 mars 1977 à Tivissa, dans le diocèse de Tortosa, Josep-Lluís Serrano Pentinat est entré au petit séminaire en 1991. Après une licence en théologie à Barcelone, il est ordonné diacre en 2001, puis prêtre l’année suivante. D’abord curé dans plusieurs paroisses rurales de Catalogne, il entame une formation académique approfondie à Rome. Il y décroche une licence en théologie dogmatique à la prestigieuse Université pontificale grégorienne, avant de revenir brièvement en Espagne comme recteur et enseignant.
Sa vocation le conduit ensuite à l’Académie pontificale ecclésiastique, école des futurs diplomates du Saint-Siège, où il obtient un diplôme en études diplomatiques, puis un doctorat en théologie en 2012 avec une thèse sur l’ecclésiologie du théologien suisse Eugenio Corecco.
Depuis, son parcours diplomatique le mène à des postes de plus en plus importants : Mozambique (2012-2016), Nicaragua (2016-2017), Brésil (2017-2019), puis au sein de la Secrétairerie d’État à Rome. Ses compétences linguistiques (il parle six langues, dont le français, le catalan et le portugais) et son sens du dialogue en font un profil idéal pour représenter le Saint-Siège… et désormais l’Andorre.

Un rôle avant tout symbolique, mais chargé de sens
En tant que coprince, Mgr Serrano Pentinat n’exerce pas de pouvoir exécutif, mais il incarne une autorité morale et historique. Son rôle est de co-signer les lois, de nommer certains hauts fonctionnaires andorrans avec son homologue français, et de veiller au respect des valeurs constitutionnelles. Toutefois, la principauté demeure sous les critiques de diverses organisations qui reprochent à cette théocratie de refuser toujours de légaliser l'avortement. Bien qu'elle reconnaisse à contrario les droits des LGBT, excepté la PMA et la transition de genre qui demeurent interdites.
Dans un monde où les monarchies constitutionnelles et les figures symboliques sont parfois remises en question, la double souveraineté andorrane fait figure d’exception vivante, témoin de l’équilibre entre tradition, modernité et coopération transfrontalière. La nomination de Mgr Serrano Pentinat s’inscrit donc dans une continuité harmonieuse, où le spirituel rejoint le politique pour servir une nation montagnarde qui a su, au fil des siècles, préserver son indépendance sans renier ses racines.
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